La France sait réserver de belles surprises. Premier déplacement pour moi dans cette partie de notre pays, le grand Est. Nancy, plus précisément. La seule chose que je connaissais de Nancy, c’était son maire, André Rossinot, co-président du plus vieux parti politique de France, le Parti radical valoisien. Un homme qui symbolise à lui seul la tradition républicaine. Sa ville est à son image. Avec cette place Stanislas tout en dorures, superbe, royale, on a l’impression de plonger dans l’Histoire. Les restaurants et l’hôtel autour de la place sont figés eux aussi dans le passé, mais là ce n’est pas forcement une bonne chose... passons. Le cadre est idéal pour accueillir les universités d’été du Parti radical, version 2007.
Le PRV dégage une sorte de sérénité, propre aux vieilles familles qui ont traversé les époques et les tendances. Le PRV, c’est un peu le grand frère de l’UMP et de l’UDF. Parfois amusé, parfois inquiet des agitations permanentes qui secouent ses cadets politiques. Mais toujours là lorsqu’il le faut. Même lorsque l’UDF est dirigé par un homme contesté de tous. Même lorsque l’UMP est devenu cette incroyable machine de guerre. Le Parti radical a toujours fait preuve de sagesse et de continuité. Avec cette philosophie intacte : l’humanisme avant tout.
Comme l’année dernière, lors du congrès du 16 décembre, la star du Parti reste incontestablement l’autre co-président, Jean-Louis Borloo. A mon avis présidentiable l’année dernière, il reste la locomotive du Parti, celui que l’on voit, suivant les tables lors du dîner, à Matignon, à la mairie de Paris, à l’Elysée un jour. Et chose qui n’est pas fréquente pour ce vieil appareil politique, des jeunes hystériques en tee-shirt avec logo hurlent son nom à son passage, tel de vulgaires militants UMP. Borloo, gêné, mais amusé, joue le jeu des photos, des "Jean Louis !" , se mettant l’espace d’un week-end dans la peau d’un Sarkozy lors d’un meeting UMP.
Sur le fond de ces universités d’été, pas vraiment de surprises. L’écologie, domaine d’activité du ministre d’Etat, a fait une entrée fracassante en tête des travaux. La solidarité, ou plutôt le solidarisme, reste le fond de commerce du Parti radical. Les débats autour de Martin Hirsh et Xavier Emmanuelli sont poignants, à la limite de l’émotion. L’idéologie est toujours la même. L’économie de marché, mais sans oublier le social. La prévention, plutôt que la répression. L’homme au centre de la société, et non pas la société écrasant l’homme. La tradition républicaine, la laïcité. Tout ce qui fait du Parti radical à la fois un parti historique et un parti d’avenir.
C’est surtout sur le plan politique que l’intéret du week-end se jouait. Même dans les familles les plus unies, des divergences peuvent apparaître. Quelques mois auparavant, il s’agissait de tempérer les tensions entre les pro-Sarko et les anti-Sarko. Inutile de revenir là-dessus, entre-temps le candidat UMP est arrivé à ses fins et le débat est clos. D’autant que la position privilégiée de Borloo dans le gouvernement actuel a calmé les plus nerveux et rassemblé tout le monde autour du ministre d’Etat.
Le nouveau débat consiste désormais à peser le pour et le contre d’un rapprochement entre le Parti radical valoisien, et le Parti radical de gauche, dont les universités d’été se déroulaient en simultané. Pour schématiser, les dirigeants sont pour, les militants beaucoup moins. Il est vrai que les deux ex n’ont pas soutenu le même candidat à la présidentielle. Le PRV s’installant un peu plus à droite, et le PRG un peu plus à gauche. Difficile en effet, lorsque l’on a voté Nicolas Sarkozy, d’accueillir à bras ouvert des militants ayant voté Ségolène Royal. Et inversement... Autant dire que 35 ans après la rupture, la réconciliation n’est pas gagnée. Même si elle est voulue par Sarkozy lui-même.
Car l’UMP est venu à Nancy pour activer les choses. Patrick Devedjian en personne... Après un discours bien écrit, mais surréaliste sur l’ouverture (Devedjian défendeur de l’ouverture, c’est mon rabbin qui défend le cassoulet), le message était clair. Le président s’impatiente et souhaiterait assister au remariage des anciens époux au plus vite. Histoire sans doute de piquer un allié au Parti socialiste, créer un autre grand parti de centre et isoler le pauvre Bayrou un peu plus.
Les phrases chocs de dimanche ? "Le score de Bayrou à la présidentielle a été une surprise", une autre façon de dire que l’avenir politique du pouvoir se joue au centre. Et un étrange hommage de Borloo à son collègue à la présidence du parti, Rossinot : "Merci André d’avoir gardé la lumière". Une autre façon de lui dire qu’il est temps de lui laisser désormais la boutique à lui tout seul ? A voir...
Terminons sur un mauvais point... La communication. Tout militant du Parti radical est habitué à la même question "C’est quoi le Parti radical ?" et à la même réponse "Le Parti de Borloo". Il est temps que ça change et que le Parti radical prenne la place qu’il mérite dans le paysage politique français. Ce ne sera pas pour cette semaine. Quasiment aucun média sur place, et très peu de retombées dans la presse le lendemain des universités d’été. La famille est belle, mais doit s’aggrandir. Pour cela, il va falloir se livrer un peu plus et se faire connaître davantage...