La tribu des rats
A Pékin, ville de plus de 21 millions d'habitants, 1 million de quasi SDF vivent dans des souterrains : c'est la tribu des rats.
Les souterrains ont été construits à l'époque de la révolution culturelle pour se protéger de l'Union Soviétique. Depuis la disparition de Mao, la géopolitique a évolué. Et puisqu'ils ne sont plus utiles en tant qu'abris militaires, ils ont été reconvertis pour les civils en quelques 6.000 abris de quelques mètres carrés, parfois juste de quoi mettre un lit à une place, dans le froid, l'humidité, les moisissures et les maladies.
Pour les sanitaires, ce n'est pas le luxe : il faut compter une salle de bain pour des dizaines de chambres, voire pour une centaine. Et pour les WC, ce n'est guère mieux.
Les loyers mensuels sont compris entre 300 et 700 yuans, soit entre 50 et 160 euros. Le montant semble faible, mais en Chine le salaire minimum est peu élevé et varie d'une zone à l'autre. Par exemple, il culmine à 220 euros à Zhejiang. Dans la capitale, c'est un peu moins.
Les migrants sont évalués à 280.000. Ils ne viennent pas du sud de la Méditerranée, mais de la Chine profonde et paysanne. Ils cherchent et trouvent des emplois peu qualifiés dans les restaurants (serveurs, cuisiniers, assistants de cuisine) et dans d'autres services (coiffeurs, gardes, hôtesses de bar, bonnes à tout faire, ...). Peu valorisés eux-mêmes, ils apportent pourtant une valeur ajoutée indispensable à la capitale et lui insuffle son dynamisme.
On y trouve surtout des jeunes, prêts à travailler dur et à économiser pour emménager dans plus de décence et de salubrité.
Dans toute la Chine, la liberté de se déplacer pour les paysans date de 1983, mais c'est que depuis les années 1990 qu'ils quittent en masse le chômage de leur campagne. Les chiffres officiels parlent de 200 millions, qu'il faut rapprocher d'autres chiffres : le recensement de 1953 avait donné une population de 590 millions en incluant Taïwan contre 1.340 millions aujourd'hui. La politique démographique a oscillé entre la volonté de Mao Zédong de s'armer en chair à canon et le contrôle des naissances, en passant par les famines des années 1959-1961 et le rattrapage qui s'en suivit.
La contrainte de l'enfant unique limite les dépenses personnelles et les oriente vers l'économie. Dans les campagnes, l'absence de retraites est compensée par les soins des enfants aux parents. Comme les filles sont appelées à vivre dans la belle-famille, les naissances de garçons deviennent anormalement élevés. La retraite doit se préparer toujours tôt. Le déséquilibre hommes/femme contribue certainement aux motivations de cet exode.
Les autorités se sont inquiété de ces habitations malsaines et ont commencé les expulsions depuis le début des années 2010. Elle proposent des « HLM » pour les plus pauvres et pour les étudiants. Mais l'offre est insuffisante. A Pékin aussi c'est la crise du logement.
A vous aussi ça vous rappelle le film de Fritz Lang « Metropolis » ? Avec des ouvriers qui travaillent dans les souterrains d'une fabuleuse métropole de l'an 2026 et qui assurent le bonheur des nantis qui vivent dans les jardins suspendus de la ville ?
Pour justifier sa politique économique qui a dynamisé le pays, Deng Xiaoping avait pris comme devise le proverbe chinois « Peu importe que le chat soit gris ou noir pourvu qu’il attrape les souris ».
Quel proverbe adopter pour s'occuper de la tribu des rats ?
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