La troublante exécution de Mohamed Merah
L’affaire Mohamed Merah est loin d’être aussi claire que les grands médias voudraient nous le faire croire. “Mission accomplie“, titre le Figaro du 23 mars. A droite, pas d’hésitation. La version officielle est docilement adoptée. “Zones d’ombre”, titre Libération de la même date. A gauche, on se pose quelques questions. Mais, comme d’habitude, les deux me semblent omettre l’essentiel. Du côté gouvernemental, pas de doute. Dans l’opposition, des doutes approximatifs. Il faut donc essayer de jeter quelque lumière sur l’envers du décor.
Voilà un “ennemi public numéro un” repéré, cerné par l’unité d’élite du RAID et d’abondantes forces de l’ordre ; confiné sans pouvoir sortir ; privé d’électricité, de gaz, d’eau ; empêché de dormir par des jets de grenades ; ne pouvant ni s’alimenter, ni se reposer. Et on veut nous persuader qu’on ne pouvait en venir à bout qu’en donnant l’assaut et en le mettant à mort ?
Au moins deux interrogations sautent aux yeux. Parmi les mille façons d’immobiliser une cible, pourquoi pas un peu de gaz, lacrymogène par exemple ? Il y a d’innombrables variétés de gaz paralysants. Dans cet espace verrouillé, les spécialistes ne pouvaient pas en utiliser une pour faire perdre conscience à Merah ? Encore plus simple, avec un sujet dépourvu de tout, les assiégeants ne pouvaient pas attendre un jour ou deux de plus, qu’il s’effondre de lui-même par manque de nourriture et de sommeil ? ll y avait au moins deux possibilités de ne pas aboutir à une issue fatale.
Eh bien non. Les autorités ont préféré la spectaculaire mise en scène d’un assaut complètement inutile, d’un échange dramatique de coups de feu et d’une mort à la gloire des braves soldats de la protection du peuple. On a vraiment l’impression qu’il fallait tuer Mohamed Merah. Et le tuer d’une manière particulière. A l’avantage du pouvoir. Une exécution dont on peut facilement deviner les raisons.
D’abord empêcher l’assassin de parler. D’éventuellement expliquer comment un homme surveillé depuis des années par la DCRI, connu pour ses opinions et suivi dans ses déplacements, ait été tout à coup en mesure de commettre non seulement un, mais plusieurs attentats ? Etrange liberté d’action, en effet. De deux choses l’une : ou sa surveillance a été gravement défaillante, ou elle a été volontairement suspendue. Pire encore, parallèlement à l’endoctrinement religieux des talibans, y aurait-il eu une instrumentalisation française ? Une instrumentalisation ayant eu des effets pervers, et qui pourrait avoir échappé au contrôle initialement prévu ?
Ensuite éviter un grand procès public. Le passage devant un tribunal d’un criminel d’une telle vilénie aurait été massivement couvert par les grands médias. Il serait devenu une dangereuse tribune libre permettant à un fou de Dieu de jouer les héros pour ses débiles admirateurs. Il aurait permis la propagation dans le grand public d’arguments de propagande, capables d’impressionner les fanatiques en tous genres et les djihadistes potentiels.
Mieux valait se garder de tout risque et éliminer l'individu.
On ne peut négliger non plus le profit électoral tiré par Sarkozy de cette affaire. Pendant plusieurs jours, il est apparu partout comme un président qui unit et non plus comme un candidat qui divise. Il a déplacé les enjeux de la campagne, les faisant passer de la solution des problèmes économiques et sociaux à la nécessité de combattre le terrorisme et d’assurer la sécurité publique. Un joli tour de passe-passe qui remet au premier plan les éléments essentiels de son programme, en effaçant la faillite de sa politique et en lui conférant la stature de père de la nation.
Ne croyez-vous pas qu’on peut se poser des questions ?
Louis DALMAS.
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