La Turquie ne peut plus régler la question kurde seule
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La Turquie ne peut plus régler la question kurde seule
Alors que notre gouvernement essayait de réorganiser le Moyen-Orient et d’aplanir les problèmes du monde, nous avons été violemment ramenés aux réalités nationales.
(Voici un bon exemple des raisons pour lesquelles un pays ayant des problèmes internes ne peut agir librement à l’extérieur de ses frontières. Pourquoi ne pouvons-nous pas révoquer les contrats militaires avec Israël ? Parce que l’armée est engagée dans des affrontements avec le Parti illégal des Travailleurs du Kurdistan, ou PKK.)
Après huit années au gouvernement, il est impossible pour nos dirigeants de trouver une excuse à la spirale de violence et de dire, "A chaque fois que la Turquie fait des progrès de manière décisive pour devenir un grand pays, des mains sales se mettent en travers de son chemin." Si nous présumons que l’auteur de ces récriminations, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, se réfère, dans son affirmation, aux forces extérieures et si nous pensons une seconde qu’une telle initiative est possible, cela signifie que la Turquie est vulnérable à de telles forces externes, car elle échoue à résoudre ses problèmes. Le grand art consiste à ne pas permettre au PKK de prendre les armes ou de saisir les forces externes, et, le cas échéant, d’utiliser le PKK.
Comme ce fut le cas dans toutes les autres initiatives réformistes, le gouvernement a transformé l’initiative démocratique pour les Kurdes en un vide, par manque de vision et d’expertise technique pour résoudre le conflit. Au point où nous en sommes aujourd’hui, nous voyons que le PKK agit de son propre fait, au-delà et en dehors de tout contrôle des centres internes ou externes. Avec le PKK parlant "de l’autonomie démocratique" ou, en d’autres mots, parlant de former un gouvernement autonome comme au Kosovo, et avec le Parti pro-kurde pour la Paix et la Démocratie, ou BDP, se préparant à boycotter le référendum constitutionnel, les décideurs kurdes désormais ne se soucient plus de rien. Nous sommes arrivés à un point où il n’y a plus d’interlocuteur de chaque côté.
De l’initiative démocratique vers la médiation
Le gouvernement a pris une mesure très courageuse avec l’initiative démocratique. Mais il a échoué à la développer, comme c’est le cas dans de nombreux domaines problématiques. On a supposé dans le passé que la question kurde était simplement une question de développement économique. Mais ensuite, on a décidé que les demandes concernant les droits identitaires et démocratiques n’étaient pas une plaisanterie. Une fois de plus, la question a été réduite à la formule classique : "Si le conflit kurde doit être réglé, l’État s’en occupera." Donc la question, "Qui sera l’interlocuteur" a été évitée.
Quant à l’ouverture démocratique, le gouvernement a systématiquement évité de serrer la main des représentants des Kurdes au Parlement. Puisque les députés kurdes n’ont pas été acceptés en tant qu’interlocuteurs, il ne reste que le leader du PKK, Abdullah Öcalan avec qui parler. Peu d’actions symboliques envers des Kurdes ont été jugées suffisantes pour justifier l’ouverture démocratique. Près de 1 300 membres parmi les fonctionnaires municipaux et les responsables kurdes ont été arrêtés, les enfants jetant des pierres à la police ont été envoyés en prison et ces Kurdes revenant du camp de Makmour en Irak du nord et des montagnes Kandil ont été arrêtés, contrairement à qui avait été promis. Le pouvoir judiciaire continue d’assaillir les membres du BDP et du Parti de la Société Démocratique, ou DTP.
Les processus les plus dangereux sont les processus de réforme à moitié achevés. Il n’y a rien de pire que de cesser tout effort après des défis stimulants et des espoirs croissants. De plus, vous finissez par donner à vos ennemis et vos rivaux un argument parfait pour blâmer l’ouverture démocratique comme étant la cause de l’augmentation récente des actions violentes.
Si l’on accorde l’attention nécessaire aux initiatives laissées inachevées, on remarque qu’elles concernent toutes des questions anciennes de ce pays : les questions arménienne, grecque et kurde. Ce sont des problèmes fondamentaux remontant à la fondation de la République. Puisqu’ils ont survécu depuis lors, les résoudre est vraiment difficile. Ni le parti au pouvoir, le Parti de la Justice et du Développement, AKP, ni un aucun autre parti politique n’a la volonté suffisante pour les résoudre et mettre fin "aux guerres" une fois pour toutes. La langue et les concepts utilisés au sujet de ces conflits reposent surtout sur l’armée, ou du moins sur des solutions conflictuelles. Malgré les déclarations récentes pour poursuivre l’initiative démocratique, les membres du gouvernement penchent inévitablement vers le langage du conflit.
L’utilisation galvaudée et imprudente du mot "terreur" a rendu la question kurde totalement obscure et incompréhensible. Le PKK est une organisation qui effectue de temps en temps des actes de terreur, mais dans l’essence, il se bat pour une cause. Et aujourd’hui, l’aliénation et l’éloignement - et ainsi, le danger - ont atteint un tel niveau qu’un cessez-le-feu ne pourra être atteint qu’avec l’aide d’un médiateur d’une importance égale à celle des États-Unis. Deux des règles d’or en matière d’initiatives de médiation sont la perception par les deux parties d’une situation d’impasse, où aucun gagnant ne peut émerger, et l’analyse du coût d’une solution, qui serait moindre que celui de la poursuite du combat. Souvent les parties sont incapables de percevoir et d’évaluer correctement ces deux règles, et pourtant un médiateur est nécessaire.
Parallèlement à la recherche d’un cessez-le-feu, des commissions constituées d’experts nationaux et internationaux devraient être créées, plutôt que d’avoir des organisations d’amateurs concernées uniquement par la sécurité.
Commissions de déclassement des armes ; amnistie, rapatriement et réhabilitation ; politique régionale ; vérité et réconciliation ; et l’éducation, on devrait considérer la Constitution et les lois comme pouvant produire une politique, non pas pour la fraternité, mais pour ne pas se battre l’un contre l’autre, ne pas mourir et peut-être un jour vivre ensemble.
Hurriyet Daily News
©Traduction de l’anglais C.Gardon pour le Collectif VAN – 28 juin 2010 – 07:20 - www.collectifvan.org
Article en ligne sur le site du Collectif VAN [Vigilance Arménienne contre le Négationnisme]
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