La Valse des viennoiseries
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Et si, à force de nous rouler dans la farine, nos hommes politiques étaient devenus à l’image de Laurent Bagbo dont c’était le surnom, des boulangers experts en viennoiserie.
Tout est politique criait-on en mai 68, la viennoiserie n’échappe pas à la règle. Le pain au chocolat est une douceur de droite décomplexée, mais aussi semble t-il un objet de convoitise, que les petits beurs, qui ne sauraient se contenter de croissants à la margarine arrachent des mains des petits blancs, et ce même, si le chocolat contenu à l’intérieur y est noir. Pas étonnant, dans ces conditions là, que Jean François copéte un câble.
Par conséquent, et par opposition , le croissant est une pâtisserie de gauche. D’ailleurs le christique Arnaud Montebourg s’il n’en est pas encore à la multiplication des petits pains au chocolat, spéciallité de Joe Dassin, ne s’y est pas trompé quand il descendit de son bureau à Bercy les bras chargés de croissants pour distribuer et partager avec ses frères sidérurgistes en lutte les succulentes cornes de lune.
Si le croissant est de gauche, il n’a pas la faveur des écolos qui lui préfèrent une déclinaison plus bio, le décroissant, en forme de phallus en berne, confectionné à base de farine de mil garantie sans gluten cuit dans un four alimenté par de la bouse de vache sèche, la farine ayant été écrasée exclusivement à l’aide d’un kolon kala bamanan.(1)
Et la brioche me direz-vous ? C’est une bonne question et je vous remercie de me l’avoir posée même si elle m’embarrasse un peu l’estomac. Après mûres réflexions et moult régurgitations, je crois être en capacité de la déclarer apolitique.
Si elle a été longtemps le signe d’un embourgeoisement manifeste, sa dissémination dans les milieux populaires me donne à penser qu’elle fait consensus et ne clive plus comme l’on disait jadis du célèbre flan au caramel dont je tairai la marque.
La démonstration de l’orientation politique expliquée par la viennoiserie tourne court, d’une part en raison du faible éventail des produits concernés mais aussi à cause de cette brioche inclassable. Mais il en faut plus pour décourager l’apprenti chercheur en sciences humaines que je suis.
De la viennoiserie à la pâtisserie, il n’y a qu’un palais fin pour en faire le distinguo. Comme le formulent souvent les sociologues qui contrairement à une idée reçue ne sont pas tous sociopathes « dis moi ce que tu manges, et je te dirai qui tu es ».
D’un tempérament jusqu’au-boutiste, j’ai voulu pousser le postulat plus loin et je prétends, car la prétention est une seconde nature chez moi, que l’alimentation est, à défaut d’être un marqueur politique, « dis moi ce que tu manges, et je te dirai ce que qui tu penses » un indicateur social et culturel.
Si Vienne est incontestablement la patrie de la valse, elle est aussi la ville où Freud a pu développer sa fameuse théorie de l’inconscient expliquée par les rêves. Comme vous le savez sans doute, il est mort depuis, en laissant tout un champ de recherches en jachère.
Aussi me suis-je engouffré dans un domaine inexploré, l’inconscient labio-palatinal et j’envisage dans un avenir proche de sonder l’inconscient stomacal. Si ma théorie est encore embryonnaire puisque elle ne concerne que les chaussons aux pommes et les palmiers et que le panel de cobayes dont j’ai pu disposer s’est limité à un couple de voisins, je peux d'ors et déjà vous faire part de la conclusion de mes recherches.
La femme, qui engloutit la moitié de son RSA dans les palmiers est un être ouvert, citoyenne du monde, avide de voyages et de rencontres exotiques et secrètement amoureuse de Fréderic Lopez avec qui elle se verrait bien avoir un rendez-vous en terre inconnue tandis que le mari qui se goinfre de chaussons aux pommes est un pantouflard méfiant, renfermé et quelque peu raciste.
Il ne faut pas être grand clerc pour prévoir un prochain divorce et si je reconnais quelques biais dans mon étude qui s’expliquent par un manque de moyens financiers, la suite n’est que généralisations intuitives selon la technique dite du doigt mouillé.
Ainsi comment expliquer autrement la boulimie effrénée des oies, sinon par une appétence pathologique et un quotient intellectuel déficient qui les conduit à se gaver éhonté ment sans se soucier de la mal nutrition dans le monde. Ce faisant, elles se conduisent comme des dindes et mériteraient de subir le même sort à Noël.
Si elles étaient des êtres humains, ce qu’à Dieu ne plaise, ces volaille cupides, un peu faisanes sur les bords comme les patrons caquetants du CAC quarante, se verraient trancher le cou par la valetaille affamée après avoir été pendues comme les aristocrates de la chanson à la lanterne.
Mais cette digression aviaire m’a fait perdre le fil de ma chronique, le pain au chocolat, le croissant, la brioche, et quoi d’autre à se mettre sous la dent pour étayer cette théorie de l’intuition pâtissière afin de cerner l’être humain dans toute sa complexité.
L’on peut évidemment, se livrer à des extrapolations approximatives et décréter que l’individu qui se goinfre de religieuses à la crème est un bouffeur de curés contrarié qui ne se résout pas à assumer sa mécréante homosexualité
Tel autre, dégustateur compulsif de ‘’beignets de vent’’ autrement appelés ‘’soupirs de nonnes’’ n’est qu’un libidineux qui fantasme sur la chevelure qui se cache sous la cornette et peut être même plus, si affinités. Mais tout ceci, je le concède aisément, est tirée par les cheveux.
Je suis bien obligé de convenir que cette chronique pâtissière confectionnée avec amour et du beurre breton au sel de guérandais elle est roborative comme il convient en cette période de fêtes, ne fait guère avancer les sciences politiques mais tout comme vous, j’avais besoin de douceurs dans cette période au goût amer.
Et peut être que, lorsque vous dégusterez un Broyé Poitevin, une Gâche de Vendée, une Noix Charentaise, un Far Breton, un Flan pâtissier, un Gland au kirsch, et autres friandises, songerez vous spontanément à d’autres personnages de notre paysage politique que les deux fringants danseurs de la valse des viennoiseries.
Si c’est le cas, vous pourrez en déduire que toute ressemblance avec des personnages existants n’est absolument pas fortuite.
(1) Pilon de mortier bambara
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