La vérité sur la qualité actuelle des vins et des millesimes
Patrick Dussert-Gerber : depuis vingt ans, il y a pas mal de “faiseurs”, du côté des producteurs comme dans celui de professionnels (critiques, œnologues), qui se plaisent à encenser des vins qui n’ont pourtant “ni âme, ni vertu”.
Depuis mes débuts, j’entends des “critiques” dénigrer, par exemple, ces vins rouges bourguignons qui manqueraient de couleur, de puissance, etc... Et alors ? Qui a dit que la densité d’un vin était un symbole de qualité ou un gage de longévité ? A ces ignorants, on pourrait faire sentir un 1993, 1989, un 1976..., bien plus fabuleux qu’un vin à la mode, ultraconcentré au départ et vide de toute substance au bout de quelques années...
- L’arrivée d’investisseurs, fuyant l’Isf, n’a pas été forcément un bien pour telle ou telle appellation, et, encore moins, pour les vignerons de souche, qui ont de plus en plus de mal à transmettre leur patrimoine quand les prix des terres s‘envolent littéralement. Sur le plan marketing, main dans la main avec quelques professionnels bien payés, on a aussi vu, parfois, s’estomper la force du terroir pour en arriver à la production de vins standardisés, vite bons à boire, vite commentés, encore plus vite encensés, notés 19/20, 99/100... et je ne sais quoi comme autre ineptie !
Naturellement, il y a, heureusement, des vrais amateurs de vins qui investissent dans les vignobles, mais vous verrez qu’ils se font beaucoup plus discrets, et c’est tant mieux. Quant aux investisseurs institutionnels, en fait, et contrairement à ce que l’on aurait pu croire, ils sont beaucoup plus tempérés dans leur soif d’apparence.
- Le suivi des générations n’a pas été forcément porteur. C’est vrai à Bordeaux comme dans la Loire. Je connais tant de vins superbes à l’époque des parents (ou grands-parents), devenus aujourd’hui beaucoup moins captivants, même si, je le reconnais aisément, on parle plus d’eux qu’auparavant. Mais à quoi bon, si le vin ne suit pas ?
- Découlant de cela, on peut distinguer des tendances selon les vignobles :
* La Bourgogne et l’Alsace demeurent les entités viticoles où la famille joue vraiment un rôle prépondérant. Pas facile pour un quidam d’acheter un vignoble dans ces régions.
* Dans une moindre mesure, les prix n’étant pas non plus les mêmes, on peut citer le Val de Loire et la Vallée du Rhône, où les traditions familiales restent ancrées dans leur territoire.
* La Champagne, riche, prospère, et, comme nous le verrons, bénéficiant d’une explosion qualitative réelle, voit de nouvelles maisons, coopératives et des vignerons (certains, que vous ne trouverez pas dans le Guide, atteints par “la grosse tête”) parvenir au sommet, voire dépasser pas mal de maisons “historiques”. C’est flagrant quand on fait des dégustations “à l’aveugle” et c’est indubitable quand on fait intervenir le rapport qualité-prix-typicité. Certes, l’aura des grandes maisons semble rester stable puisque leur notoriété est toujours importante.
* Bordeaux, le Languedoc et la Provence sont donc les régions qui ont attiré le plus d’investisseurs. La Provence, pour son climat et la beauté des propriétés, le Languedoc pour la sagesse des prix des terres, Bordeaux pour son influence extraterritoriale et la facilité de créer des vins ”à la mode”. Ceci, bien entendu, au détriment de l’immense majorité des vignerons de ces régions, passionnés, passionnants, peu enclins à élever des vins pour être mieux noté que leur voisin... Et, je le rappelle, tout spécialement à Bordeaux, des bouteilles que l’on a de plus en plus de mal à situer dans des dégustations.
Car, qu’on le veuille ou non, un millésime 2004 qui ressemble au 2005 ou au 2006, ce n’est pas normal. Comme un Médoc qui ressemble à un Pessac-Léognan. En faisant des vins surboisés, surmaturés, on tue bien sûr l’élégance, mais on lisse surtout l’effet millésime, en faisant des vins dépersonnalisés, pas plus intéressant qu’une boisson chimique.
On vendange de plus en plus mûr, ce qui est une bonne chose, mais si, en plus, on utilise des concentrateurs, ajoute des levures... et pratique un élevage abusif en barriques neuves, cela donne des vins trop lourds, trop écœurants, trop alcoolisés... alors que ce n’est pas dans l’air du temps ! Et cela n’a rien à voir avec le réchauffement climatique comme certains le prétendent... En fait, il faut dire la vérité sur la qualité de chaque millésime. L’explication, en partie, de l’une des facettes de la crise des vins de Bordeaux, c’est que certains grands crus ont vendu bien trop cher en primeur le 2007. Ce n’est qu’un millésime sympathique, très agréable, bon à boire rapidement, qui commence à s’ouvrir, et c’est déjà pas mal, mais il aurait dû coûter bien moins cher ques les 2005 et 2006... Il faut que le prix du millésime corresponde à la qualité du vin pour que le marché reste confiant, les acheteurs ne sont pas si idiots. En Bourgogne, dans la Loire ou dans le Rhône, on ne vend pas un 2007 plus cher qu’un 2005, autrement dit on ne spécule pas le prix de sa bouteille au “loto” des millésimes.
On l’a compris, nous faisons face à deux mondes du vin : celui, mercantile, presque virtuel, qui profite de la méconnaissance des acheteurs, notamment des pays émergents, et se sont coupés des acheteurs fidèles et traditionnels (français, belges, suisses, anglo-saxons...). Ils pratiquent la fuite en avant, faute de bases de commercialisation stables. Pour eux, il faut sans cesse trouver un nouveau marché pour caser sa marchandise ; et les autres, qui ont, on s’en doute, nos préférences.
Brigitte Dussert : c’est cette “éthique du vin” qui vous tient tant à cœur ?
Patrick Dussert-Gerber : l’éthique du vin pourrait s’appeler l’éthique tout court. Je suis attaché à une éthique et aux propriétaires qui respectent le consommateur. Plus l’on s’éloigne d’une relation avec ce dernier, plus l’on se dirige dans une logique de vin aseptisé. Il faut qu’il y ait un échange, un retour avec l’acheteur. Il y a un vrai monde virtuel du vin qui s’est créé, certains ne savent même plus si leur vin est apprécié, qui le diffuse, qui le boit...
Que l’on ne s’y trompe pas : tout est lié. Soit vous êtes un vigneron passionné et devenez alors passionnant pour un consommateur, soit vous êtes un producteur imbu de lui-même et personne n’a envie de “boire un canon” avec vous. Dans le premier cas, vous croyez en la nature, en votre terroir, en votre histoire et vous mettez à leur disposition les progrès œnologiques. Dans l’autre cas, vous lissez les millésimes, faites du vin comme on ferait du soda, une cuvée pour les femmes, une autre pour les jeunes, une autre pour les chinois, etc...
Et tout s’enchaîne : si vous êtes en contact avec celui qui boit votre vin, il est aisé de lui expliquer que, par exemple, le 2007 est meilleur à boire aujourd’hui qu’un 2010, loin d’être prêt. Il ne s’agit pas de dire que l’un est meilleur que l’autre, cela ne veut rien dire. Tous les vins sont bons dans le temps, chaque millésime a son potentiel d’évolution. Vous retrouvez cela dans ma Vintage Code.
Ceux qui partagent la même éthique que moi, vous les retrouvez dans Millésimes et dans mon Guide, je connais leur courage et leur détermination en sachant que ce n’est pas toujours facile pour eux. Ils sont plus discrets, plus humbles devant la nature mais, croyez-moi, ils vendent tout aussi bien que ceux qui pourraient poser en se prenant pour des stars dans un magazine people...
Moi, j’aime les vignerons qui se retroussent les manches, font des salons, accueillent à la propriété et dialoguent avec leurs clients. On l’a bien vu avec la crise : les producteurs qui informent et ménagent leur clientèle n’ont pas été touchés, et c’est bien normal. Autre exemple : un vigneron digne de ce nom qui parcoure ses vignes en bottes sait très bien qu’il ne faut pas mettre trop de pesticide, connaît la culture raisonnée et raisonnable, cela fait une vingtaine d’années qu’il en a pris conscience. Ce n’est pas parce que le bio est à la mode, il le faisait naturellement auparavant, mais n’en parlait pas.
Brigitte Dussert : franchement, il y a de bons vins partout en France ?
Patrick Dussert-Gerber : évidemment, et à tous les prix. Quand on aime le vin, il faut aussi aimer la diversité. Depuis trente ans, le fait de parcourir tous les vignobles pour déguster les vins m’amène à déboucher aussi bien un vin corse qu’un Châteauneuf-du-Pape, qu’un Sancerre, un Vosne-Romanée ou un Chinon, un Chablis ou un grand rosé de Provence...
Contrairement à d’autres, je ne bois pas uniquement des vins chers que l’on m’offre... Pour moi, un grand vin, c’est un vin authentique, qui correspond à un moment donné, à un état d’esprit. On peut prendre autant de plaisir avec un Minervois, un Alsace, un Chénas ou un Touraine qu’avec le plus beau Pomerol ou Meursault, à partir du moment où chacun est typé. Il y a des occasions, des moments pour boire chaque type de vin. On ne boit pas le même vin seul en rêvant au cosmos, qu’avec des amis, ni le même vin sur une terrine ou un plat sophistiqué. C’est la grande force de notre pays : avoir une gastronomie aussi riche que ses vins, c’est formidable ! Avec nous, l’Italie est le seul autre pays au monde à pouvoir revendiquer cela. Ce n’est pas rien.
Brigitte Dussert : que faut-il vraiment savoir sur les millésimes ?
Patrick Dussert-Gerber : depuis 15 ans, il n’y a plus de mauvais millésimes, il n’y a que des millésimes plus délicats que d’autres. Les techniques ont évoluées dans le bon sens, les vignerons savent parfaitement anticiper, gérer leur vignoble.
Néanmoins, il faut savoir expliquer la spécificité de telle ou telle année. Quand on goûte des 2002 ou 2004 en Médoc, ils sont meilleurs que le 2003 pour lequel tout le monde s’enthousiasmait ! Le 2004, par exemple est un millésime formidable qui a eu mauvais presse à l’époque de la part de critiques qui ne connaissent pas grand chose au vin. Ceux-là, je ne les vois d’ailleurs jamais dans les vignobles de la vallée du Rhône, à Madiran, à Bandol ou à Saumur... ils sont pour la plupart invités dans les grands châteaux bordelais et s’en contentent. Sympa pour les milliers de vignerons talentueux des autres régions, non ?
Quand je lis de telles âneries, je me demande si ceux qui les écrivent ont jamais dégusté des millésimes plus anciens. C’est pourtant la seule garantie qui permet de relativiser, de comprendre et de se référer à une mémoire du vin. Les mêmes vont répéter ce qu’on leur a concocté dans un dossier de presse bien ficelé... Ce ne sont plus des journalistes mais des... attachés de presse ou des “hirondelles” (terme désignant un habitué des buffets de presse) ! Passons. Pour revenir à la force des millésimes, il est incontestable que le 2009 est certainement le plus beau millésime qui soit, classique, à l’inverse d’un 2005, grand, certes, mais aussi atypique à cause de la chaleur intensive. En 2009, l’acidité est également présente, ce qui apporte cet équilibre entre la puissance et l’élégance, cette fraîcheur naturelle qui signe les vrais grands vins. Il est bien trop tôt pour en parler, et l’on sait que je ne rentre pas dans le jeu des “primeurs” (encore Bordeaux) qui va bientôt rivaliser avec le salon des devins et cartomanciennes... tant on va noter un vin qui n’existe pas encore !
Brigitte Dussert : faisons un tour de France, pour développer la spécificité de chaque millésime, selon les régions... L’Alsace ?
Patrick Dussert-Gerber : en Alsace, les derniers millésimes sont savoureux, les2012 et 2011, les grands 2010 et 2009, le millésime 2008 est nettement plus réussi que le 2007, particulièrement difficile (il y a de rares exceptions), les 2006, 2005, 2004, 2002 et 2001 suivent, le 2003 a été plus délicat à vinifier (en Vendanges Tardives, misez sur les 2006, 2004, 2001, 2000, 97 ou 89). Il existe une réelle convivialité des hommes de la région et leurs vins atteignent une typicité rare, procurant la joie du vin, à des prix qui ont tendance à monter. Attention à la complexité des terroirs, voire à l’amalgame entre des crus et des lieux-dits. Il faut rechercher la fraîcheur et la vivacité, au détriment de vins trop souples, avec trop de sucrosité, qui deviennent de plus en plus “douceâtres”. Un Riesling, un vrai, doit être sec et vif.
Brigitte Dussert : vous êtes fidèle à la région beaujolaise...
Patrick Dussert-Gerber : c’est vrai que je n’apprécie pas que des “confrères” parisiens ou étrangers médisent sur la région sans n’y rien connaître. Notre rôle n’est pas d’enfoncer une appellation ou un vigneron pour se faire mousser dans un salon ou lors d’un dîner. Nous avons -surtout- un rôle de prescripteur, dans le sens noble du terme grec.
Comment ne pas apprécier un Chénas, un Fleurie, un Morgon ou un Brouilly ? Le même cépage et des sols très typiques, très différents, expliquent cette spécificité propre à la région. On ne confond pas un Chiroubles et un Moulin-à-Vent !
En Beaujolais, pour les crus, les vins sont très bons, du 2013 au 2009, le 2008 est assez réussi, le 2007 a été très difficile à maîtriser, le 2006 est excellent, le 2005 très typé, le 2004, dense et très aromatique, et le 2003, trop mûr, beaucoup moins intéressant. La force du terroir donne une réelle typicité à chaque cru, et les meilleurs vignerons s’évertuent à sortir de beaux vins, chacun représentatif du style de son appellation. On se doute qu’un Saint-Amour ne doit pas ressembler à un Morgon, et c’est très bien ainsi.
Brigitte Dussert : venons-en aux vignobles de Bordeaux..
Patrick Dussert-Gerber : j’adore les vins du bordelais, c’est certainement la raison pour laquelle je suis si déçu quand je débouche désormais des bouteilles qui feraient honte à ceux qui m’ont appris le vin : Émile Peynaud ou Jacques de Loustaunau de Guilhem, grandissimes œnologues. Et puis, je n’oublie pas les vraies figures bordelaises qui manquent tant à la région...
Globalement, les meilleurs à boire actuellement : 2011, 2007, 2006, 2004, 2002 et 2001. Ceux qu’il faut attendre : 2010, 2009, 2008, 2005. Les ambigûs, pour lesquels il s’agit de frapper à la bonne porte : 2013 et 2012. Le plus décevant : 2003.
Si l’on entre dans le détail, il y a bien sûr une différence entre les vins de la rive droite (ceux du Libournais) et ceux de la rive gauche (Médoc et Graves). On retrouve des “paires” de millésimes où la qualité est inversée : le 2005 est bien meilleur que le 2006 à Saint-Emilion et c’est le 2006 qui prime en Médoc. Il y en a d’autres.
- Dans le Médoc, misez sur les 2012, 2011, 2010, 2009, 2007, 2006, 2004 et 2002 (supérieur au 2003), voire 2001, très classiques, et faites-vous toujours plaisir avec les 1999, 1996 ou 1990. La priorité, c’est de laisser s’exprimer son terroir, en respectant la vigne, en limitant les rendements, en pratiquant la lutte raisonnée, en laissant faire la nature… Il y a une dizaine d’années, le travail des vignes avait été délaissé dans certains crus, au profit de la vinification et d’expériences à outrance. Si les techniques modernes sont souvent remarquables, les propriétaires traditionnels continuent de faire ce qu’ils savent faire, en se servant des progrès mais sans masquer leur typicité. De Pauillac à Saint-Estèphe, de Moulis à Margaux, à Listrac comme à Saint-Julien, en Haut-Médoc et en Médoc, les coups de cœur sont nombreux. En parallèle, les prix très exagérés de certains vins renommés sont difficilement cautionnables, surtout pour les 2013, 2012, 2007 et 2005.
- Pomerol. Structure, charme, intensité, distinction, les plus grands vins de Pomerol sont particulièrement sensibles et marqués par leurs sols, très diversifiés. Ici, nul besoin de s’escrimer à vouloir abuser de la barrique neuve ou d’une surconcentration pour faire un grand vin, c’est le terroir qui prime, et signe la distinction. Les 2011, 2010, 2009, 2007, 2006, 2004, 2003 et 2002 sont très savoureux (le 2002, peut-être même supérieur), le 2001 remarquable, plus fin, le 2000 parvient à maturité. Plus anciens, les grands font la différence, comme le 1995, voire le 1990.
- À Saint-Émilion, le 2011 est très classique et charmeur, comme le 2007. Beaux millésimes 2010 et 2009, le 2008 un ton en-dessous, 2006, 2004 et 2001, éclipsés à tort par le 2005 ou le 2003. Quelques crus ont remarquablement réussi le 2003, d’autres beaucoup moins, notamment ceux qui sont trop “confiturés”. Débouchez les millésimes 2007 à 1990 en ce moment, et notamment le grandissime 1995. Certaines bouteilles de 1994 et 1993, notamment, sont surprenantes d’évolution.
Un certain nombre de crus pratiquent des prix qui ne sont pas justifiés. Certains se flattant ici d’élever des cuvées très “spéciales”, il faut plus que jamais tirer un coup de chapeau aux propriétaires de talent qui élèvent les véritables grands vins de Saint-Émilion, satellites compris, du plus grand des grands crus au plus modeste rapport qualité-prix.
Brigitte Dussert : vous habitez dans le vignoble des Graves, que vous connaissez comme votre poche...
Patrick Dussert-Gerber : depuis 35 ans, j'ai suivi, en effet, les achats, les extensions, les frimes, les camions déversant des galets, admiré, cotoyé et sympathisé avec des “figures” exceptionnelles : Patrick Ricard à Chevalier, dont Olivier Bernard a suivi les traces avec talent, Jean Sanders à Haut-Bailly (on avait le même club d'aviation, à La Réole), la famille Marly (anciennement Malartic-Lagravière), Gérard Gribelin (Fieuzal, parti se faire plaisir au Maroc), François Lévêque (Chantegrive), Jean-Bernard Delmas (Haut-Brion, son fils, Jean-Philippe, ayant repris sa suite à Haut-Brion)..., constaté avec rage -ou ironie- des plantations de vignes dans des territoires sans intérêt, où le maïs pousserait aussi bien (je connais, il en pousse, chez moi).
Du plus grand vin au plus abordable, on savoure donc, du nord au sud de cette entité des Graves, une variété importante de styles de vins. Mes dégustations en Pessac-Léognan comme en Graves, des millésimes 2112 à 2001, confirment mon Classement, les valeurs sûres, où le talent des hommes s’associe à la race du terroir. Gare à certains prix néanmoins, et à une concentration outrancière chez certains, au détriment de la typicité, notamment dans le millésime 2005, pour les rouges, où l’on peut tomber sur une véritable “confiture” au détriment de l’élégance. Les blancs 2011, 2010, 2009, 2008, 2006, 2005, 2004, 2001, 2000, 1998 ou 1997 sont excellents. Des crus réellement exceptionnels, issus des territoires de Pessac, Martillac, Léognan, mais aussi ceux de Podensac, Portets ou Saint-Morillon, certains d’entre eux, dans les appellations Pessac-Léognan comme dans celle des Graves, bénéficiant d’un remarquable rapport qualité-prix-plaisir. C’est le berceau des beaux vins blancs de la région bordelaise, aux côtés de rouges puissants et typés, si l’on frappe à la bonne porte.
Brigitte Dussert : et les appellations des Côtes ou Bordeaux Supérieur, pour lesquels vous avez tenu à créer des Classements, pour récompenser les efforts des hommes ?
Ce qui réunit ces appellations, c’est le manque de visibilité, le manque d’entrain, de communication, etc.
En Bordeaux Supérieur, les dégustations des millésimes 2012 à 2000 confirment le plaisir que procurent aujourd’hui ces vins, même si, comme ailleurs, la différence des terroirs et l’élevage sont toujours prépondérants. Attention également aux cuvées trop boisées ou trop concentrées (et bien trop chères), qui n’ont aucun intérêt. Les meilleurs tiennent la distance avec des millésimes 2005, 2003, ou 2000, excellents actuellement.
Brigitte Dussert : et Sauternes, votre pêché mignon ?
Patrick Dussert-Gerber : j’avoue un faible, en effet, pour les vins liquoreux. Mais je me fais autant plaisir, sans jamais les comparer, avec un Bonnezeaux, un Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles ou un Vin de Paille.
À Sauternes, il y a des styles de vins qui me séduisent plus que d’autres. Je privilégie la finesse au côté sirupeux, préfère la fraîcheur à la liqueur. Ici, le millésime 2007 est formidable, dans la lignée du 2001. Plusieurs millésimes, en dehors du 2002 (où le plaisir est bien rare), comme les 1999 ou 1998 sont de toute beauté. Les 2006, 2005 et 2003 sont réussis, les 2005 et 2003 certainement moins typés, et le 2004 particulièrement savoureux et classique. Les plus grandes bouteilles à leur apogée sont aujourd’hui celles des millésimes 1996, 1995 ou 1989, où l’on atteint le grand art. L’équilibre géologique et climatique de la région en fait un milieu naturel idéal pour cette fascinante biologie qu’est le Botrytis Cinerea, ce minuscule champignon qui a le pouvoir d’augmenter la teneur en sucre des raisins, aidé par les brumes matinales des automnes qui précèdent un soleil chaud à midi, favorisant sa prolifération. Nous allons également nous faire plaisir avec le 2011, bien plus qu’avez les 2012, voire 2010, assez délicats. Quant au 2013, les très rares vins savoureux vont se compter sur les doigts, même si ceux qui les ont réussis offriront des vins exceptionnels...
Brigitte Dussert : la Bourgogne vous est aussi très chère, non ?
L’altitude des vignes, l’inclinaison des pentes, la richesse des sous-sols en ressources minérales… Tout concourt donc ici, à faire la différence entre un bon vin et un vin sublime, et cela explique l’extrême diversité des grands vins bourguignons, qui leur donne cette typicité unique, où l’élégance prédomine toujours, en rouge comme en blanc. J’apprécie ces vignerons talentueux et passionnés, pour lesquels il n’y a nul besoin de fioritures ni de vinifications “gonflées”, et dont les prix sont bien souvent justifiés, même s’ils remontent. La Bourgogne est un paradoxe à l’état pur, où la nature, au travers des terroirs et des microclimats, est omniprésente. Comment expliquer que l’on puisse trouver autant de différence entre un Nuits-Saint-Georges ou un Pommard, un Meursault ou un Montrachet, quand on sait que le cépage (Pinot Noir ou Chardonnay) est unique, et que l’on ne peut pas “jouer” sur la proportion des raisins ? Quand on se promène entre les murets qui entourent les vignes des Grands crus, on voit qu’à quelques mètres de distance le sol ne produit pas les mêmes crus. L’altitude des vignes, selon qu’elles se situent à 150 ou 300 m, l’inclinaison des pentes (les meilleurs vins proviennent des mi-pentes), la richesse des sous-sols en ressources minérales, en sodium, en oligoéléments… Tout concourt ici, dans un “mouchoir de poche”, à faire la différence entre un bon vin et un vin sublime. Ajoutez à cela l’exposition (fondamentale) face aux mouvements du soleil, un territoire pauvre où la terre est rare, et vous comprendrez l’extrême diversité des grands vins bourguignons. Globalement, les Grands crus sont régulièrement “supérieurs” aux Premiers crus, l’exception et le talent de l’homme confirmant la règle.
En Bourgogne, aux côtés d’une belle séquence qui comprend les millésimes 2012 à 2009, le 2008 est assez délicat, le millésime 2007 très réussi, très minéral, en blanc (très beaux Chablis) comme en rouge, ces derniers largement supérieurs au 2006. Les millésimes 2004, 2003, 2002, 2001, 2000 et 1999 sont très savoureux. Exceptionnel 2004, dans la lignée du 2000, dans les deux couleurs, qui côtoie donc un 2003 atypique, comme le grand 2005, qui demande de la patience. Superbes bouteilles en blancs dans les millésimes 2000, 1999, 1995 ou 1989, alors que les meilleurs rouges développent leur attrait dans les millésimes 1999, 1997, 1989, ou 1985.
Brigitte Dussert : et le Champagne ?
Patrick Dussert-Gerber : c’est à une véritable explosion qualitative que nous avons assisté en 25 ans. Des dizaines de vignerons ont élevé des cuvées exceptionnelles, au grand dam de quelques “grandes” maisons, historiquement parlant, qui n’ont rien vu venir. Je le vois tous les jours : quelques anciens “seigneurs” n’acceptent pas que leurs cuvées soient dépassées, qualitativement, par celles de “simples” vignerons. Mon Classement en est le reflet, et cela ne fait pas plaisir à tout le monde.
Pourtant, un bon Champagne c’est charmeur, un grand Champagne, c’est toujours un plaisir exceptionnel, que l’on n’a d’ailleurs jamais pu copier ailleurs. Les hommes et les femmes, les assemblages et les terroirs font, là comme partout, toujours la différence.
Je rappelle qu’il faut considérer le Champagne comme un vin à part entière : les très grandes cuvées de prestige (celles que l’on retrouve dans le Classement dans la catégorie des Premiers Grands vins Classés, puis dans une bonne partie des Deuxièmes Grands vins Classés) sont des cuvées de Champagne que l’on boit comme un grand vin, en les associant à des moments du repas, sur des plats appropriés. On a la chance d’accéder ainsi aussi bien au summum de la finesse qu’à celui de la complexité et de la vinosité. Bien que l’on en parle moins (à tort), le terroir, les sols ont toute leur importance en Champagne, apportant une spécificité réelle et différente selon que l’on se trouve à Cramant ou à Épernay, à Ay ou à Bouzy, dans l’Aube ou la Marne. À cela s’ajoute la proportion des cépages, et chaque maison, cave ou vigneron, possède alors les facultés de créer véritablement une cuvée légère ou puissante. Et puis, ce qu’il ne faut pas occulter pour comprendre la différence entre une grande cuvée et une autre, ce sont, outre l’art fondamental de l’assemblage que signe la main de l’homme, les incontournables vins de réserve, que l’on ajoute à des vins plus jeunes. On ne fait un grand vin que si l’on a du stock, l’exception confirmant la règle. Il y a aussi des cuvées bien trop chères, difficilement cautionnables, donc. Attention aussi aux nombreuses marques qui appartiennent à certains “faiseurs”. Ceux qui ne sont plus que des noms sur une étiquette ne font pas partie de cette hiérarchie, comme d’autres marques de négoce, dont la qualité n’est pas en cause, qui sont dirigées par des responsables de groupes qui vendent du Champagne comme de la lessive…
Il y a de grandissimes bouteilles millésimées 2006, 2004 ou 2002 (le 2003 nettement moins passionnant, trop “rôti”) et certains vieux millésimes (1998 et 1995, notamment) sont remarquables de fraîcheur et prouvent le potentiel d’évolution des meilleures cuvées. On trouve de remarquables vins, millésimés ou non, à des prix très justifiés, dans toute la gamme, comparativement à d’autres appellations, et on comprend le succès mérité de la région.
Mon Classement est nettement remanié cette année, avec des producteurs qui montent en grade et d’autres qui font l’inverse… Cette hiérarchie vient toujours, et avant tout, récompenser les efforts accomplis, le talent des hommes et leur volonté qualitative.
Brigitte Dussert : le Languedoc vous séduit davantage ?
Patrick Dussert-Gerber : j’ai fait des dégustations superbes ces dernières années, qui sont venues confirmer les précédentes, globalement depuis 2005. Le contenant est tout aussi avenant, tant les efforts des vignerons se retrouvent aussi sur leurs bouteilles.
Il y a donc des producteurs qui élèvent des vins racés et typés, dans l’ensemble du territoire, des Corbières à Saint-Chinian, de Faugères en Minervois, en passant par les Coteaux-du-Languedoc, Fitou ou vins de pays, à des prix remarquables. Des grands vins ici, il y en a, mais les terroirs sont connus et ne s’étendent pas. La force de ces vins est d’avoir su conserver leur spécificité qui se dévoile au travers des cépages de la région, chacun s’exprimant au mieux selon les sols d’alluvions, d’ardoise, de schiste ou de calcaire, en bénéficiant d’un bien beau rapport qualité-prix.
Il y a toujours des “vins de mascarade”, où l’on parle de “vins à haute expression” (expression de la méthode de vinification et du bois neuf surtout…), qui “sentent le goudron ou le café” (cela donne envie, non ?), la réglisse (on n’est pas loin de l’écœurement)… Idem pour les cuvées de vins blancs totalement fabriquées dans les chais où l’on est fier de vous faire sentir “la mangue et autres fruits exotiques”.
Il s’agit donc de ne pas confondre l’ensemble d’une progression qualitative certaine et le développement de ces vins “fabriqués” et “putassiers” qui attirent les investisseurs comme des mouches, et sont, hélas, soutenus par des “critiques”, notamment américains (ce sont les mêmes qui soutiennent les “vins de garage” bordelais). Ce problème s’étend aux vins de cépages, où je ne vois toujours pas l’intérêt de planter des cépages qui se plaisent mieux dans des régions beaucoup plus froides (les bonnes exceptions existent), ni à se lancer dans des vinifications sophistiquées pour pouvoir remplir un dossier de presse… et mentionner des prix inexcusables sous prétexte que l’on peut mettre sur une étiquette les noms de Chardonnay ou de Merlot, ou que l’on croit qu’il suffit d’acheter des barriques neuves et se payer les services d’un œnologue “tendance” pour faire un grand vin.
Concernant les millésimes, en Languedoc, Les 2013 (superbes) à 2003 sont réussis. Je soutiens les hommes et les femmes qui s’attachent à élever des vins typés par ces terroirs de garrigues, maîtrisant les rendements, respectant leur spécificité. Les terroirs ont le potentiel pour que l’on y élève tout naturellement de grands vins racés, sans vouloir copier telle ou telle appellation plus connue avec des cépages inappropriés. Pour certains, l’exagération des prix et certaines renommées bien trop récentes commencent à se dégonfler comme des baudruches.
Brigitte Dussert : en Provence, c’est le royaume du rosé...
Patrick Dussert-Gerber : on a -enfin- des rosés dignes de ce nom depuis une bonne dizaine d’années, avec une progression qualitative certaine, souvent au détriment des rouges, d’ailleurs. Les rosés reviennent donc à la tête de ce type de vin, et se font payer, aux côtés de blancs, dont certains sortent vraiment du lot.
Dans les trois couleurs, la Corse est en grande forme : les rosés sont splendides, les blancs racés, les rouges savoureux, avec ce côté “italien”, c’est-à-dire suaves, voluptueux qui leur sied à merveille, bien au-dessus d’un bon nombre de rouges de Provence, souvent forts secs, barriques ou exagérations de concentration obligent.
Les Bandol sont des vins formidables. Issus principalement du fabuleux cépage que peut être le Mourvèdre (qui apporte bouquet, corps et rondeur), les rouges de Bandol peuvent être exceptionnels. Amples, élégants, puissants, gras et très aromatiques, ils donnent toute leur véritable mesure après quelques années de vieillissement. Les rosés font aussi partie des meilleurs vins de France. Juste à côté, Cassis, avec ces blancs, des rosés et des rouges, qui profitent d’un climat exceptionnel et de la bienveillance du mistral qui nettoie les vignobles et leur fournit chaque année des températures quasiment invariables.
L’influence des millésimes est en effet beaucoup moins marquée ici, et l’on peut estimer une très bonne série, de 2013 à 2003 (le 2002 étant nettement en-dessous).
Les Coteaux-d’Aix-en-Provence, appartenant à la zone occidentale de la Provence calcaire, ont aussi fait beaucoup de progrès, tout particulièrement en rosés. Entre des reliefs constitués de chaînons parallèles au littoral, s’étendent des bassins sédimentaires où s’est concentrée l’activité viticole. L’appellation s’étend sous un climat de type méditerranéen, avec pour vent dominant le mistral, qui permet à la région de bénéficier d’un ensoleillement moyen de 2 900 h par an. Les sols sont argilo-calcaires caillouteux, sableux, souvent graveleux sur molasses et grès, et caillouteux à matrice argileuse ou limono-argileuse. On apprécie aussi un bon nombre de Coteaux Varois, où l’on débouche des bouteilles de plus en plus séduisantes.
Et les terroirs ont aussi leur importance, ici. En Côtes-de-Provence, le vignoble prend naissance dans les Bouches-du-Rhône, au pied de la montagne Sainte-Victoire. Accroché aux flancs de coteaux sur des “restanques”, ces terrasses aménagées par l’homme, ou bien isolé au milieu des pinèdes, et bénéficie de sols généralement pauvres en humus, perméables et caillouteux.
Mais, évidemment, il faut savoir choisir la bonne adresse ici, se méfier des vins et des prix de “touristes”, et de la grande cavalerie des rouges et rosés de bas de gamme que l’on débouche parfois. Ceux qui comptent sont ceux de ces propriétaires qui laissent s’exprimer au mieux les grands cépages de la région (Grenache, Mourvèdre, Cinsault, Rolle, Ugni Blanc…), dans ces terroirs complexes, argilo-calcaires, caillouteux, graveleux ou sableux. Eux élèvent des vins formidables dans toutes les appellations, en rouge, en blanc et en rosé. Idem pour la corse, qui mérite d’être respectée à part entière.
Brigitte Dussert : vous avez plus de réticence avec le Sud-Ouest ?
Patrick Dussert-Gerber : peu de vignerons semblent motivés et intéressés pour envoyer leurs échantillons, tout spécialement en Bergerac et Gaillac, et on comprend mieux pourquoi on entend si peu parler de ces vins. Chacun fait ce qu’il veut, et il ne me semble pas nécessaire de faire le voyage à sens unique.
J’ai beaucoup apprécié les millésimes 2011, 2010 et 2009 en Madiran, Cahors et Jurançon, où les efforts accomplis depuis une dizaine d’années portent leurs fruits aujourd’hui. Certains Igp, comme les vins de Gascogne, gagnent également à être mieux respectés.
Néanmoins, on peut éviter les cuvées surchargées par le bois et “fabriquées” pour avoir une bonne note auprès de “critiques”, ceci facilitant une hausse de prix incautionnable. Pour exemple, à Cahors, je me méfie des cuvées et des communications spéciales “Malbec”, qui mettent trop le cépage en avant, et de quelques vins de mode. Ne vaut-il pas mieux montrer sa propre personnalité quand on en a comme c’est le cas ici ou à Madiran ?
À quoi bon avoir des cépages de caractère comme le Tannat, le Cot, la Négrette ou le Gros Manseng si c’est pour “lisser” les vins et les dépersonnaliser au point que l’on ne sait plus ce que l’on goûte ? La complexité des terroirs et des climats est pourtant bien réelle dans la région, et prouve que l’on ne fait pas la même qualité, selon les aléas de la nature, au fin fond du Béarn ou dans le Lot. C’est ce qui compte, et crée la typicité. Particulièrement à Cahors ou à Madiran, mais aussi dans l’ensemble de ce grand vignoble, les millésimes 2011, 2010, 2009, 2008, 2006, 2005, 2004, 2003 et 2001 sont des réussites, le 2007 se goûte bien. Les vins ont une réelle typicité, un potentiel de garde (beaux 1999, 1995 ou 1990) où les cépages et les sols ont leur influence et une véritable présence historique.
Quelques rapports qualité-prix-plaisir exceptionnels, en rouges, en blancs secs et en liquoreux (millésimes 2011, 2009, 2006, 2004, 2000, 1995 ou 1990). Toujours pas fan des “microcuvées” (en Bergerac, à Cahors, à Monbazillac...), pas typées et à des prix incautionnables, les meilleurs vignerons s’attachant ici à élever des vins racés.
Brigitte Dussert : vous avez débuté dans la Loire...
Patrick Dussert-Gerber : et j’ai toujours soutenu ces vignerons de Sancerre, de Touraine, d’Anjou ou de Saumur, où j’ai un bon nombre d’amis. Les vins de la région possèdent deux atouts considérables : un rapport qualité-prix réellement exceptionnel et une complexité due bien sûr à ces sols différents, les uns plus spécifiques que les autres.
Il faut -hélas- regretter le manque de volonté d’un bon nombre d’appellations (Anjou, Touraine) où les vignerons semblent n’accorder aucun sens à une communication, pourtant essentielle aujourd’hui. Sans parler du Muscadet, où l’on a l’impression que, pour certains, l’objectif est de... s’endormir.
Pourtant, ceux qui bougent (le Pays Nivernais en est le meilleur exemple) sont parvenus à hisser leurs vins dans les plus hautes sphères ! J’aime retrouver ces hommes et ces femmes qui s’attachent à défendre leur personnalité. En Anjou-Saumur, peu d’autres vins peuvent copier les meilleurs crus de la région, marqués par ces sols de tuffeau ou de roche calcaire en parfaite osmose avec les cépages Cabernet franc et Chenin, le premier s’épanouissant sûrement le mieux ici, dans cette région où il fait bon s’octroyer quelques étapes gourmandes et historiques. De Champigny à Beaulieu-sur-Layon, du Puy-Notre-Dame à Parnay, la région est riche en terroirs et en saveurs, avec des blancs très séduisants, des rouges puissants et colorés, au nez de violette comme ceux de Saumur-Champigny.
Il suffit aussi de goûter un Sancerre Les Belles Dames et un autre Les Romains, un Quincy ou un Pouilly-Fumé silex pour s’assurer de la typicité des vins. Cela fait donc du bien de “sentir” la puissance des terroirs et permet de renvoyer au jardin d’enfants les vins qui poussent partout et les producteurs qui croient encore qu’il suffit de planter un cépage pour obtenir un grand vin… À Quincy comme à Pouilly, à Chinon comme à Monlouis, à Menetou-Salon ou à Cheverny, la région fourmille de vins qui possèdent une typicité exacerbée. Les cépages Chenin ou Sauvignon, pour les blancs, savent en effet se marier parfaitement avec ces sols de silex, d’argiles ou de marnes, et produit une typicité propre. Un bon nombre de propriétaires sont présents dans mon Guide depuis longtemps, ce qui prouve leur grande régularité qualitative.
Si le millésime 2012 n’est pas évident, en rouges, le 2011 tire son épingle du jeu, même si les quantités ne sont pas au rendez-vous. Les 2010 et 2009 sont superbes, gras, denses, très parfumés. Le millésime 2008 est particulièrement réussi, même si, parfois, les quantités sont très faibles. Le 2007 est très difficile en rouges en Touraine comme en Anjou, et c’est la raison pour laquelle les rosés -eux- sont particulièremernt savoureux. Les blancs 2007 sont dans la belle lignée des 2006, et la typicité s’allie à un rapport qualité-prix régulièrement remarquable. Pour les blancs secs, de très grandes bouteilles en Pouilly-Fumé comme à Vouvray, à Sancerre comme à Savennières ou à Saumur, où les vins possèdent un réel potentiel d’évolution, des millésimes comme les 2004 ou 2002 se goûtant très bien actuellement.
Les liquoreux sont exceptionnels, notamment en Coteaux-du-Layon, Bonnezeaux ou Vouvray, et les rouges associent charpente et fraîcheur, du plus souple (Touraine, Bourgueil, Sancerre…) au plus charnu (Chinon, Saumur-Champigny…), des vins qui s’apprécient jeunes mais savent aussi garder la distance (remarquables 2000, 1998 ou 1995). Le millésime 2002 est très réussi en blancs, difficile en rouges, et les 2004, 2003, 2001 sont savoureux. Beaux liquoreux en 2011, 2010, 2009, 2007, 2004, 2003 et 2001, et un millésime 2005, assez typé, intéressant.
Brigitte Dussert : un tour de France qui se termine par la Vallée du Rhône...
Patrick Dussert-Gerber : voilà un autre bel exemple de la race des terroirs, non ? Prenez Châteauneuf-du-Pape où le terroir se caractérise principalement par un sol extrêmement ingrat composé de gros galets roulés, amoncelés autrefois par le glacier du Rhône, qui fournissent à la vigne des conditions exceptionnelles de maturation en lui renvoyant pendant la nuit l’intense chaleur qu’ils ont emmagasinée pendant le jour. Les vins blancs offrent un bouquet floral duquel s’échappent des parfums de fleur de vigne, de lis ou de narcisse. Les rouges sont de couleur intense, puissants, de garde, et n’ont pas besoin d’artifices œnologiques pour être au sommet.
Mais la richesse de la région, ce sont aussi les appellations moins connues qui bénéficient d’un rapport qualité-prix-typicité formidable : Beaumes-de-Venise, Vinsobres, Cairanne...
Pour les millésimes, de 2013 à 2009, on est sûr de se faire plaisir, le 2008 est décevant, le 2007 remarquable, peut-être supérieur au 2006. Les 2005 et 2003 sont très mûrs, le 2004, très classique, le 2002, très difficile à maîtriser. Il faut prendre le temps de conserver ces vins, car on débouche de grandes bouteilles actuellement dans des millésimes comme 2005, 1998, 1995 ou 1990.”
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