La victimophilie triomphante ou la Justice en danger
Il s’agit de la réactualisation d’un texte que j’avais commis il y a environ deux mois.... Le fond reste identique ce qui tend à prouver que le malaise est là, bien là et qu’il est malheureusement pérenne. Il y a une sorte de fatalité avec Nicolas Sarkozy, à savoir que dans le cadre de ses deux fonctions régaliennes les plus emblématiques : Chef des Armées et président du Conseil Supérieur de la Magistrature, il se sera mis l’ensemble de ces deux corps à dos.
L’intervention de Nicolas Sarkozy a mis en lumière cette dérive permanente vers le sensationnel et le compassionnel qui tient souvent lieu de méthode de gouvernement au président élu. Méthode qui tend bien plus à satisfaire l’opinion publique qu'à aider les victimes. Il a institué un subtil transfert de responsabilité, un désengagement de la solidarité nationale vers une solidarité médiatico/populaire.
L’emprise émotionnelle de l’actualité
Nicolas Sarkozy joue en maître sur les peurs, qu’elles soient individuelles ou ancestralement collectives. La tyrannie de l’actualité alliée à l’impérieuse nécessité de coller aussitôt aux drames en tous genres avec empathie et sollicitude empressée, a créé une nouvelle notion : la victimologie exclusive.
La victimophilie est en marche et elle vient s’accorder parfaitement avec la vision qu’a Nicolas Sarkozy de la justice. La mise à feu du détonateur est armée : la destruction de notre système judiciaire est lancée. Mais voilà il n'avait pas prévu que les magistrats finiraient par entrer en résistance non seulement pour s'élever contre des attaques inadmissibles, mais aussi, en filigrane, pour tenter de contrer la dérive de notre système judiciaire dans laquelle le Président tend à l'entraîner.
Un système à l’anglo-saxonne retaillé à sa mesure
Il veut maintenant, entre autres exemples, que les magistrats des tribunaux correctionnels soient assistés de jurés populaires et que ces mêmes jurés populaires se prononcent également sur l’opportunité des libertés conditionnelles. Je passe rapidement sur le coût insensé de la mesure car des jurés ça se défraye, ceci d’autant plus qu’ils devront se déplacer sur les longues distances qu’impose maintenant la carte judiciaire issue du massacre que Rachida Dati a fait subir à nos tribunaux : il faut du temps pour se déplacer d’un point à un autre dans un désert.
Nicolas Sarkozy n’aime pas les magistrats, est-ce là un réflexe d’avocat (encore que la dernière fois où il a du plaider cela doit remonter à la nuit des temps) sauf quand ils se mettent aux ordres. L’indépendance de la magistrature lui est haïssable, le modèle judicaire français insupportable : à notre procédure inquisitoire il rêve de substituer une procédure accusatoire à l’américaine. C’est ainsi qu’à force de visionnage de série télévisées il en est venu à concrétiser cette pulsion, d’abord suppression du juge d’instruction puis généralisation des jurys populaires, on a échappé de peu, enfin pour l’instant seulement, à l’élection des juges quoiqu’un de ses zélateurs n’ait pas manqué d’avancer ce pion.
S’attaquer ainsi à un des piliers de notre société, après en avoir lézardé d’autres, donne un idée de l’énormité du travail de reconstruction auquel il faudra s’atteler.
Roland Greuzat
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