La voie du chiffre
Une courte réflexion nocturne sur le chiffre au sein de notre système

La voie du chiffre
Des chiffres, des chiffres et toujours des chiffres
Des chiffres pour le salaire
Des chiffres pour le chômage
Des indices, des taux, des dettes
Encore des chiffres
Pour les prix, les stats et la postérité
Pour la chance ou l'intellect
Des chiffres pour l'audience,
Des chiffres pour la récompense, le buzz, ou la légitimité
Des chiffres pour élire, sécuriser ou légiférer
Et pour finalité,
Des chiffres pour régner...
Eminemment immatériels, les chiffres constituent une simple et ingénieuse conception de l'esprit humain. Utilisés à la base pour dénombrer et quantifier, ces simples signes graphiques et auditifs encadrent notre réalité, et ce, de manière toujours plus prégnante.
Toujours plus prégnantes car nous sommes bombardés de chiffres à longueur de temps. Et puisque nous en sommes noyés, nous ne prenons pas la peine de vérifier ni les sources, ni la réalité à laquelle ils renvoient. Certains chiffres même nous dépassent au point de ne plus savoir les lire et les interpréter. Certains nous exaspèrent, d'autres nous fascinent. Certains nous attristent ou nous indignent alors que d'autres nous donnent de l'espoir.
Mais aujourd'hui, d'un point de vue humain, les chiffres détruisent. Par convoitise, par comparaison, par égoïsme ou par l'insatisfaction permanente inhérente au fonctionnement de notre société, les chiffres en sont devenus le coeur même. Qu'on les accepte ou qu'on les nie, ils constituent aujourd'hui l'essence pervertissant nos facultés de réflexion, orientant nos jugements, et participant à la construction de notre système de valeurs.
Cette essence, nous l'avons intégrée dès le plus jeune age, en comprenant que les chiffres sont des outils mais aussi (et surtout ?) des évaluations.
« Il faut bien travailler à l'école pour avoir de bonnes notes mon petit bonhomme. C'est ce qui te permettra d'ouvrir les portes vers ce que tu veux faire dans la vie. Tu veux te retrouver éboueur ? Non ? Alors travaille dur... »
Et voilà... c'est fait. A peine gamin, donc à l'heure où l'esprit critique n'est pas spécialement existant et exacerbé comme à l'age adulte, l'humain se retrouve sans moyens de se défendre contre ce modèle qu'il va intégrer au sein même de ses processus mentaux lui permettant de raisonner. Cela prendra du temps, et cela se développera tout au long de la quête de soi. Cependant les premiers barreaux de notre prison se dressent alors devant nous, pauvres enfants, sans même que nous ne puissions les voir. La soumission au fonctionnement de notre société commence très tôt semble-t-il.
Et cette soumission est inculquée sciemment. Nous l'acceptons implicitement, et acceptons de la transmettre à notre descendance, secondé par un système scolaire formant peu à peu à rentrer dans le rang, dans les codes sociétaux, dans le respect de ce système que l'on ne supporte pourtant plus mais qui nous maltraite, nous autres petites gens. Ironique n'est-ce pas ?
« Travaille pour gagner ta vie, obtenir un salaire, accéder à ton indépendance. Travaille pour découvrir qui tu es, combien tu vaux et combien tu rapportes. Travaille et prends conscience de ta place dans la société car tu as un rôle à y jouer. Mesure toi aux challenges de plus en plus inaccessibles que l'on t'impose. Fais des concessions car le contexte est rude. Soit simplement reconnaissant de pouvoir travailler. Car au delà de ton labeur, tu seras récompensé et d'autres n'ont pas cette chance. Construis ta propre cage, dans la résignation, mais sois fier de ton pays. Contentes toi de n'être qu'un pion nourricier de ta propre déchéance et de celle de ton monde. Sois certain de travailler pour construire qui tu es. Soumets toi et avales les chiffres que l'on te crache au visage. Intègre les bien mais ne les remets pas en cause. Il finiront par devenir une fin en soit. Assures tes arrières. Consomme et dilapide le fruit de tes efforts. Mais marche dignement, car tu es souverain. Rends toi aux urnes, mais après... ferme là. Jouis de tes chaînes, garde ton bâillon et continue d'oeuvrer en silence pour ce système jusqu'à ce que les forces te quittent. Et n'oublie jamais qu'en cas d'échec, tu ne peux t'en prendre qu'à toi même et demeure responsable de ta propre condition. »
Une tranche de texte surement caricaturale, mais cependant représentative du carcan que constituent les chiffres sur nos vies. Comment l'humanité a-t-elle pu se laisser dériver au point de devenir esclave de ces entités immatérielles ? Comment se fait-il qu'un simple zéro de plus sur une fiche de paie change radicalement les conditions dans lesquelles faire sa vie ? Comment se fait il qu'un chiffre en baisse aux Etats Unis produise de nombreux laisser pour compte partout ailleurs ? Comment se fait-il que nous soyons toujours soumis à la monnaie alors que celle-ci, malgré les vulgaires bouts de papiers dans nos portefeuilles, demeure essentiellement virtuelle et impalpable ? De simples écritures informatiques passées d'un grand compte à un autre, et c'est le quotidien d'hommes et de femmes qui s'en trouve impacté.
Comment ose-t-on aujourd'hui faire payer au peuple un dette qui n'est pas la sienne ? Comment se satisfaire de cette escroquerie ayant un impact direct sur nos conditions de vie ? Comment peut on encore attendre la sacro-sainte croissance lorsque celle ci ne demeure plus qu'un indicateur obsolète ? Et comment enfin peut-on encore croire en ces élites brassant du vent à longueur de temps, soignant leurs intérêts au détriment du bien commun ?
C'est simple... de nouveaux chiffres suffisent.
Des chiffres pour Argumenter et convaincre
Des chiffres pour épée, des chiffres pour bouclier
Pour définir la tendance
Pour quantifier la compétence.
Encore et toujours des chiffres pour provoquer la peur
pour être face à nos erreurs.
Des chiffres pour diviser ou manipuler
Pour payer
Pour imposer
Ou encore ceux derrière lesquels se retrancher pour se protéger.
Des chiffres pour spolier et soumettre
Des chiffres pour qu'ils puissent régner en maitres
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