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Accueil du site > Tribune Libre > La vulgarité comme élément de langage

La vulgarité comme élément de langage

Hommes politiques, de média, le constat est aujourd’hui affligeant. La violence verbale est présente à tous les étages de la société. Noms d’oiseaux, insultes, agressions physiques, la vulgarité semble avoir gagné du galon en atteignant les sommités politiques de notre pays. Étrange transformation du langage dans la sphère publique, la « racaille » et les « cons » ne sont plus l’exclusivité des cages d’escaliers ou des troisièmes mi-temps. Le peuple d’en haut s’y met aussi, le comble. Jeu de mots sans finesse autour d’une ablation des seins ou allusion scandaleuse sur les origines d’esclave… Triste constat de la classe politique, triste réalité. Le lâcher de mot, plutôt gros, serait une libération nécessaire dans les joutes oratoires. Y aurait-il une notion de plaisir buccal dans la parole crue ? Je ne pense pas. Je penche plutôt pour un acte de faiblesse…

Sans faire la liste des insultes et autres expressions poétiques, faire un « coup » de communication médiatique passe, à défaut d’autres ressources, par la provocation, vulgaire si possible. L’insulte serait l’expression décomplexée, un jeu pour faire le buzz. Tout peut se dire, reste à savoir devant qui et où. Pour toute chose, il y a des lieux. Dans la rue, la vulgarité peut s’apparenter à une expression de la virilité, masculine comme féminine, sur un plateau télé ou pire, dans un hémicycle, c’est une erreur manifeste, une perte de contrôle de soi. J’imagine assez bien le père et la mère de famille, à table devant le 20h, grondant le fils qui mange avec ses doigts, alors que passe en boucle à la télé, le doigt, le majeur, d’un député à l’encontre de son contradicteur. Ce n’est qu’un doigt me diriez-vous, un détail sur une main…

Nous avions l’habitude d’avoir les traditionnels dérapages du leader de l’extrême droite, dérapage qui n’avait d’autre but que de le faire exister dans les moments de disette médiatique. Cela générait une polémique de quelques jours, voire de quelques semaines et puis le soufflet retombait. Aujourd’hui, la vulgarité n’est plus le monopôle de l’extrême droite. Chacun s’en empare, la sculpte, la taille à son image. La vulgarité devient une arme par destination, une façon de mettre à terre, d’humilier, d’insulter, de tuer l’autre.

À droite comme à gauche, la vulgarité devient un élément de communication à part entière, une façon de faire parler de soi. À défaut d’apporter du contenu, elle est l’expression du vide, de la violence à l’état pur. Violenter l’autre étant l’effet recherché. Construire non, détruire oui.

La vulgarité violente apparaît donc plus accessible, plus compréhensible, plus intelligible pour l’autre, « l’autre » étant l’auditeur, le spectateur, l’électeur… à court terme en tout cas. La vulgarité serait donc, pour le politique, le chemin le plus court pour être compris. Une sorte de communication identitaire « Regarde moi, je parle comme toi, je suis toi ». La vulgarité serait cet artifice au service d’une communication de proximité. Se faire comprendre de son interlocuteur nécessite de se mettre à son niveau. Mais de quel niveau parle-t-on ? Être vulgaire pour être sur d’être compris par la base que je cherche à séduire… Triste constat. Triste aussi la considération condescendante de certaines élites envers les gens à qui le message est destiné. « Je parle pour ce qui est en bas, je parle avec les mots que le « bas » peut comprendre ».

La vulgarité comme élément de langage des forts à destination des faibles. La vulgarité comme porte d’entrée dans le jardin des gens. Si la vulgarité est l’expression d’une domination de la passion sur l’esprit, l’on peut se demander qui, du politique ou de son lectorat, maintient l’autre dans la zone la plus primitive du cerveau.

A force de vouloir déconsidérer l’autre, l’autre celui qui est inférieur, en le cantonnant dans une communication vulgaire pour rendre le message politique « intellectuellement accessible », le risque étant de ne plus produire des phrases, mais des sons… Pas étonnant que certains, dans un élan populiste à l’insu de leur plein grès, dépasse le mur du son.

Nicolas GEORGES


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13 réactions à cet article    


  • Fergus Fergus 17 mai 2013 13:20

    Bonjour, DLSL.

    Pas d’accord avec vous car il est possible de s’opposer à un interviewer sans recours à la vulgarité, mais à un ton cassant ou un propos blessant pour le journaliste.

    Pour moi, l’augmentation du nombre des propos vulgaires dans le discours politique à deux origines : d’une part, et comme l’a souligné l’auteur, dans le désir inepte d’adopter un langage populaire (comme si la vulgarité ne traversait pas toutes les couches de la population) ; d’autre part, dans la volonté, non moins inepte, de faire preuve d’une virilité porteuse en creux d’une capacité d’action.


  • Scual 17 mai 2013 08:14

    Entre amis on discute... entre ennemis on s’insulte.

    Il va falloir s’y habituer, car l’action des gros partis politique dépasse de loin les limites du tolérable et de la trahison pour qu’on discute avec eux, surtout qu’on sait qu’ils mentent ce qui rend la chose profondément inutile. Ils seront insultés jusqu’à ce qu’ils soient enfin chassés. Il ne peut rien se produire d’autre, c’est trop tard.

    Je garde pourtant espoir que cela se fera dans un calme relatif, même si personne ne les pleurerait.


      • Scual,
      • Pourquoi entre amis ou ennemis ? J’aurai préféré « entre honnêtes hommes on dialogue. » Or cette notion d’individu intelligent, réfléchi, mature n’est plus sur cette terre qui fut dit-on celle des lumières. La faute à qui ? A l’éducation qui a fui la cellule originelle, la famille, qui est devenue laxiste sur les bancs de l’école, et surtout qui depuis plusieurs années a le funeste pouvoir de s’étaler à travers l’éther plus vite que la lumière. La langue française foutant le camp elle fait place à la vulgarité, les seuls mots ou gestes compris de tous, les benêts compris. Et je suis d’accord avec l’auteur. On trouve de plus en plus de ces spécimens qui devraient être exemplaires dans ce domaine, tout en haut de l’échelle sociale, laissant ainsi apparaitre au grand jour leur véritable nature mais surtout leur bêtise... pour laquelle tant d’ autres idiots ont voté des deux mains. Souvenez vous, "Casse toi pauvre c.... !

    • alinea Alinea 17 mai 2013 11:14

      Je ne suis pas d’accord avec vous ; d’une part la vulgarité, ce n’est pas forcément d’appeler un chat un chat ; ce langage provient à mon sens du ras-le-bol de la langue de bois, des phrases creuses, des mots dont la signification évolue ou change, à notre insu !
      De plus il ne faut pas remonter bien loin dans notre histoire pour constater que la langue des députés et des politiques, fin XIXe, début XXe si-cle, était très fleurie. Un livre est sorti là-dessus, mais je n’en ai pas la référence !
      Dans une réalité brutale et violente, devant l’inaction des politiques, leur hypocrisie, leurs mensonges, le langage cru est un baume ! D’autant plus qu’il faut avoir vraiment les oreilles chastes pour s’en offusquer ; nous ne sommes quand même pas chez les charretiers !


        • Il n’y a pas que le langage cru Alinea, il y a soit l’indifférence, soit le « self control » accompagné d’un humour cruel car très bien ciblé, sans pour cela devoir employer le langage vulgaire. La langue et l’élégance françaises y gagneraient tant. Sachez également que la vulgarité du langage, celui des mots surtout, demeure la porte grande ouverte à la violence souvent aveugle et même meurtrière.

      • alinea Alinea 17 mai 2013 13:22

        C’est, Henri, que je n’ai jamais entendu de « vulgarité » ; si, le « cass’toi pov’con » ; mais c’était il y a longtemps ! Sinon, rien que des mots « qui sont dans le dictionnaire » !!


        • Bien compris Alinea et sans rancune. Je retire volontiers « casse toi etc...etc... »

      • miha 17 mai 2013 13:35

        Plutôt d’accord avec votre article.

        Cependant, il y a une différence entre la vulgarité et la grossièreté.

        Quand on est grossier, on est souvent vulgaire, d’accord.

        Certains parviennent aussi très bien à être vulgaires tout en utilisant un langage châtié (exhibitions de richesses, déclarations racistes, mépris des pauvres, rejet de certaines personnes, ...).


        • focalix focalix 17 mai 2013 13:48

          Les gros mots sont les épices de la langue.
          Tout est dans leur bon usage.
          Avec modération, foutre !


          • volt volt 17 mai 2013 14:19

            vous tirez le bon constat, et les conseillers en comm. sont nuls. nullissimes.

            le diagnostic de fergus est exact, sauf que dans les deux cas ça ne paie pas.
            tout cela correspond à une stratégie du court terme, sur le long terme ça échoue.
            pourquoi ? 
            tout simplement parce que le bon gros mot qui avait fait rire est alors oublié,
            reste un fond de grimace.
            quelle que soit la violence de la joute oratoire, tenir le discours à sa hauteur, avant de relever du respect de l’autre, est question du respect de soi, et cette dernière est payante, non seulement en termes d’image, mais surtout comme joie.
            car derrière la cassure droite - gauche il se pourrait qu’une autre traverse la scène, celle du combat millénaire entre les joyeux et les jaloux.
            la jalousie est parfois plus puissante que le soleil, on l’entend, ses remugles...
            rien ne vient à bout de la jalousie, sinon la joie.

            • ricoxy ricoxy 17 mai 2013 16:06

              Premier axiome = on n’obtient jamais l’estime du peuple en parlant de façon populacière.

              Deuxième axiome : en rendant vulgaire son langage, on rend vulgaire sa pensée, et par là-même soi-même.


              • Fergus Fergus 17 mai 2013 19:42

                Bonjour, Ricoxy et Henri Diacono.

                Je partage totalement les opinions que vous avez exprimées, respectivement à 16 h 06 et 13 h 15. En politique, le recours à la vulgarité est synonyme de faiblesse dans l’arguemtation. Effet négatif garanti dans la durée.

                Cordialement.


                • TSS 17 mai 2013 20:12

                  Vous devriez regarder le film « In the loop » qui montre les relations entre GVT anglais et

                  américain au moment de la 2ème guerre d’Irak !

                  L’acteur principal qui joue le rôle du spin doctor de T.Blair a un langage tres imagé et tous les

                  autres sont à l’avenant... !!

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