• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Laissez la vie, la vraie, là où elle est !

Laissez la vie, la vraie, là où elle est !

Ne nous trompons pas sur la publicité, ne nous trompons pas sur la lutte anti-pub. On a vite fait de croire que la publicité a pour seul défaut de « pousser à la consommation de choses dont nous n’avons pas besoin ». En l’occurrence, tout anti-pub ne cautionne pas cette critique... Il faut, pour avoir un débat sain sur la publicité, observer certaines choses. Chacun est libre de consommer tant qu’il veut et ce qu’il veut. De toute manière, l’argent gagné est voué à être dépensé, et tant mieux - toutes limites écologiques gardées. Et sans publicité, quid du financement de nos médias... Mais cette partie de la critique de la pub occulte malheureusement le reste de tout ce qu’on peut reprocher à ce mensonge généralisé. Je veux parler ici de pollution morale et philosophique à l’échelle de la société, de nos mentalités.

La « publicité »  : j’entends par là la totalité des messages à objectif de marketing que nous recevons chaque jour, et plus particulièrement ceux qui n’argumentent pas sur les qualités du produit. Ce qui en regroupe tout de même... la quasi-totalité.

Autre précision préliminaire : je n’accuse ni le marché, ni ses acteurs, ni les publicitaires, ni leurs clients. Si chaque publicité participe actuellement au triste état de faits que je compte décrire, c’est qu’elle est dans la continuité de l’optimisation permanente de chaque chose de notre société, rendue obligatoire par la concurrence, la mondialisation, la communication et les réputations instantanées. Chaque objet, vêtement, battement de cil, chaque personne, qui a droit à son quart d’heure de gloire, chaque déclaration, chaque geste, chaque recoin de nos appartements, de nos cultures, de nos personnalités, de notre intimité, est à optimiser. Et comme nos démocraties libérales l’ont bien compris, nous n’avons qu’une seule vie : celle-ci n’est plus devenue qu’une longue course à l’optimisation, qu’un long CV, qu’un long profil pour site de rencontres à optimiser. Chaque publicité, qui est un visage d’une entreprise, se doit d’être de même optimisée, de promettre de même la perfection ultime, pour l’objet, pour les conséquences que son achat aura sur notre vie, sur notre libido, sur notre gueule, sur notre chien. Mais là n’est pas la question.


Le mensonge et le vol de valeurs généralisés

Quoique. C’est en fait bien là qu’est la question : sur nos murs, x fois par jour, nous voyons la perfection. Une perfection. Une perfection sans gros sans moches sans poils sans tristesse et sans échec. La publicité est un mensonge, et un mensonge qui, outre frustrer et culpabiliser (je n’aborderai pas ces sujets), déforme voire occulte le politique. Déforme voire occulte la réalité. Nos murs devraient être dédiés à la réalité. Or seuls les artistes et journalistes n’ont aujourd’hui aucun intérêt pécuniaire à déformer la réalité et le politique. Sur nos murs comme à la télévision et la radio, ce sont eux qui devraient occuper la plus large place - afin que dans nos esprits aussi, la réalité et le politique occupent la plus large place. Pourquoi nos murs, qui nous appartiennent plus que la radio et la télé, ne seraient pas soumis aux mêmes impératifs ?

Le mensonge de la publicité va plus loin, bien plus loin. En publicité, soit le produit lui-même est la raison du bonheur de l’individu, soit le bonheur vient d’ailleurs, et le produit conditionne ce bonheur. Cet ailleurs est choisi par pur populisme (c’est-à-dire selon le plus petit dénominateur commun) : amour, libido, famille, amitié, épanouissement professionnel et / ou social.

Montrer donc ces gens ainsi heureux est immensément réducteur. En dehors de ces valeurs, l’individu dépeint par la publicité n’est que consommateur. Et la société avec lui, n’est que productrice et consommatrice.

Mais surtout l’objet à vendre, s’il n’est la cause, ou la condition, est donc l’accompagnateur privilégié du bonheur. C’est ici que la publicité est la plus odieuse. Qui donc laisse des marques s’approprier de telles valeurs ? « La vie. La vraie » (« Ma vie. Ma carte »). Comment des entreprises, sur qui nous n’avons en aucun cas eu notre mot à dire, se donnent-elles le droit d’en appeler à la vie, la liberté, l’épanouissement, l’amour ! On peut tout vendre, en faisant appel à « la vie », mais on peut aussi tout faire, tout faire croire, tout faire oublier.

Il n’y a ici aucune théorie du complot : les entreprises n’utilisent pas ces valeurs pour transformer insidieusement la société en machine à consommer, et nos « Vies. Les vraies » en caddies de supermarché. Et d’ailleurs, personne n’est dupe ! Mais si personne n’est dupe, alors pourquoi continue-t-on cette aberration ? Pourquoi ne laisse-t-on pas la vie là où elle est, et l’amour, et la beauté, et la famille ? Ce n’est pas un complot machiavélique, c’est un triste abandon général de nos plus belles valeurs, les plus universelles et les plus intimes, à des acteurs de l’économie qui, sans divaguer sur leur morale, n’ont juste rien à faire avec tout ceci.


La consommation dans chaque recoin de l’esprit

Au-delà de la tristesse de la société dans laquelle on nous plonge, tout devient grave dès lors que la publicité en fait appel à ces valeurs. Lier l’achat à « la vie » (et d’autant plus si c’est « la vraie »), c’est étendre l’acte d’achat à des dimensions psychologiques, sociales, morales qui n’ont aucun rapport... et là est le travail de la pub. Faire de votre achat autre chose qu’un achat : une réussite, une arme, une preuve, une source d’amour, que sais-je encore. C’est pourtant faux... Enfin, j’ose encore l’espérer.

De plus, en liant l’acte d’achat, la possession, la jouissance d’un produit à des individus dans n’importe quel lieu, acte, position, situation, la publicité fait entrer le marché partout, tout le temps dans nos vies. Et effectivement, c’est vrai : personne ne fait quoi que ce soit sans un objet, qui provient du marché. Enfin, c’est vrai... Serait-ce vrai sans la publicité ?

Que dis-je, sans la publicité... Je n’appelle pas à son extinction. J’en appelle à une nouvelle forme d’information des nouveautés qu’offre le marché (oui c’est son seul rôle, normalement ; rappelez-vous en la prochaine fois que vous prenez le métro). Peut-être cette forme serait trouvée si un débat républicain avait un jour lieu sur la publicité - ne rêvons pas trop. Car je me dois de le répéter, tant l’amalgame est fait : je ne rêve pas de l’abolition de la publicité, mais d’une annonce de l’offre qui ne parle que du produit, de ses caractéristiques, et laisse le reste à nos réflexions tranquilles.


Les gens sont heureux

Les gens aiment (l’amour, encore une valeur...) leur produit ; qui, d’ailleurs, les aime en retour, et leur permet d’aimer... C’est un peu loin de la vérité : l’objectif d’un produit est d’être vendu le plus cher au plus grand nombre, et de durer le moins longtemps ; il n’en a rien à faire de votre vie, de votre amour, votre libido, vos amis, votre épanouissement professionnel. Il n’est pas vraiment aimable, ni aimant, ce produit... Et d’ailleurs l’individu non plus ; lorsqu’il vit sa vie, jouit de son amour, de sa libido, de ses amis, il n’en a rien à faire de ses derniers achats ! Alors pourquoi présente-t-on nos vies ainsi ? Pourquoi ce mensonge ?




Il est temps de comprendre que le mouvement anti-pub n’est pas (toujours) un ras-le-bol contre la consommation, contre le marché, contre les échecs du capitalisme, contre son immoralité. Il est temps de cesser de le réduire à l’altermondialisme, à la lutte anticapitaliste, de faire des amalgames entre ses partisans et les faucheurs d’OGM, les "décroissantistes" ou autres anarchistes anti-G8, même s’ils se rejoignent souvent. Il serait temps de lui offrir enfin des réponses, une argumentation digne de ce nom. Il serait temps de remarquer que c’est un mouvement complexe et multiple. Il y’a notamment des océans de pensée entre « Le journal de la décroissance » et « Révolte consommée », en passant par Le Canard enchaîné.

Pour ma part c’est le mensonge généralisé, accepté, légalisé, promu même, cette pollution, cette aberration ayant pignon sur rue et qui décore nos murs et nos esprits que je regrette. Ce mensonge se fait sous couvert de la séduction, de l’autodéfense des entreprises, de leur besoin pragmatique de survivre ; or dois-je rappeler que même sans la pub nous ferions quand même quelque chose de notre argent, tout notre argent  ?



Gregory Kapustin


Moyenne des avis sur cet article :  4.38/5   (32 votes)




Réagissez à l'article

16 réactions à cet article    


  • pierrarnard (---.---.86.85) 28 février 2007 11:41

    Il y a normalement en France un Bureau de Vérification de la Publicité qui est là pour vérifier que le message publicitaire est en adéquation avec le produit et la morale.

    Il me semble qu’il se contente d’entériner que la grosseur du mensonge est socialement acceptable.....


    • -GF- -GF- 28 février 2007 11:55

      Tout est dit dans le châpo, un synonyme à « publicité » « marketing » « pollution morale » : MANIPULATION.

      Par essence, la publicité N’EST PAS une simple diffusion d’information. C’est l’utilisation de techniques de manipulation -oups, de vente dans le seul et unique but : faire faire à autrui ce qu’il ne ferait pas de son propre chef, à savoir consommer un produit précis. Et ce en jouant sur l’émotionnel, la symbolique, la peur, le désir...

      A l’égard des anti-pubs, attention à ne pas tomber vous-même dans la « manipulation » et la « propagande anti-pub » ! Il est toujours souhaitable de rester cohérent. ;o)

      - GF-


      • -GF- -GF- 28 février 2007 11:59

        ah oui j’oubliais,

        La manipulation s’articule essentiellement sur la DESINFORMATION et la SURINFORMATION. Les deux combinés : la désinformation pour conditionner les mentalités ’propagandées’, la surinformation pour noyer la vrai info dans la masse et la discréditer.


      • dubitatif (---.---.4.3) 28 février 2007 21:02

        Dis-donc bonhomme :t’as une tête à te faire cibler par les publiscistes : fais gaffe, c’est insidieux...Quelle marque de basquet porte-tu ?


      • gem gem 28 février 2007 12:01

        La pub est un mensonge, c’est tellement évident que même la justice refuse de le condamner : personne n’est dupe de la chose et donc personne ne peut se plaindre, puisque mentir n’est pas un délit en soi. Mes enfants le savent.

        Mais la vie n’est-elle que vérité ? Mensonge gros ou petit, déguisement de la vérité ou simple omission, que celui qui n’a jamais pecher jette la première pierre...

        Vol de valeur ? que nenni ! ces valeurs ne sont pas volées, elles restent disponibles pour tout le monde. Le seul fait de s’exprimer implique d’utiliser les codes, les mots, les valeurs disponibles.

        La publicité à la forme qu’elle a aujourd’hui pour une raison : l’efficacité. Il faut croire que les gens préfèrent les objets associés au bonheur... étonnant, non ?


        • Rocla (---.---.235.9) 28 février 2007 13:02

          En fait on nous assène de la pub sans que nous demandions rien .Il serait intéressant en tant que consommateur de savoir , au moment de nous dire « qui est le moins cher » de savoir plutôt « à quel prix achetez-vous les produits que vous vendez ?  » Ce qui nous éclairerait bien plus que vos prix de vente . De la même façon on aurait une transparence sur les transactions , la rémunération des producteurs et des différents intervenants . Et accessoirement du prix du transport depuis la Chine de tous ces produits .

          Rocla


          • gem gem 28 février 2007 13:30

            on a déjà la réponse. La marge des grandes enseignes de distribution, par exemple, est de l’ordre de 1%. Et elle est entièrement faite sur

            - le revenu procuré par le délai entre l’encaissement du prix payé par le consommateur et le paiment au fournisseur (90 jours = 3 mois = 1% du capital concerné sur la base d’un taux d’intérêt de 4% annuel)

            - les « marges arrières », depuis quelques temps (c’est un phénomène assez récent).

            Autrement dit : ces gens-là vendent pratiquement tout à prix coutant !


          • Yaarg (---.---.70.143) 1er mars 2007 12:23

            Faux : la marge est de 6%, ce qui leur laisse précisément de la marge pour faire des remises ou des ventes promotionnelles.

            Ensuite cela n’est valable que pour l’alimentaire, mais dans les supermarchés, le secteur électroménager / Hifi / Home Vidéo / informatique marge beaucoup plus puisqu’on observe entre le prix « grande surface » et le pric VPC sur internet des différences de l’ordre de 30 à 50%.

            L’emploi de l’expression « à prix coutant » est un abus de langage : il faut entendre « à prix coutant » une fois déduites toutes les dépenses de fonctionnement. Il faut donc nécessairement et obligatoirement marger pour :
            - payer le personnel
            - payer la pub du magasin lui-même (Carrefour, Auchan font beaucoup de publicité)
            - alimenter le fond de roulement
            - verser les dividendes aux actionnaires

            Bien comprendre, donc, que « prix coutant » ne veut absolument pas dire « prix d’achat ».

            Savoir par exemple qu’un litre de lait frais vendu 1 euro est payé entre 20 et 30 centimes à la coopérative.

            Savoir qu’un kilo de patates vendu 1 euro est payé entre 10 et 15 centimes aux producteurs.

            La publicité est beaucoup plus qu’un mensonge (ça on le savait déjà) mais c’est aussi et surtout un vol. Si la publicité n’existait pas, les choses se vendraient quand même et elles coûteraient moins cher.

            Ici Yaarg, à vous Cognac-Jay.


          • levoisin (---.---.84.10) 28 février 2007 14:14

            Oh au fait, les artistes et les journalistes ont aussi des gros intérêts financiers à à déformer la réalité et le politique : s’assurer une popularité persistante qui a une grande valeur marchande.


            • The Prey (---.---.51.214) 28 février 2007 14:47

              La pub touche les esprits faibles en les conditionnant au profit des argentiers prédateurs, agresse les autres de son fascisme masqué à deux balles censé flatter le pulsionnel inconscient du primate saurien qui sommeille en vous.

              C’est l’un des plus grands freins inhibiteurs au progrès et à l’émancipation des peuples, le cheval fou du démon capitaliste, un scandale sans pareil dans l’histoire de la gouvernance humaine.

              Avec la bénédiction et la complicité des puissants dont la santé repose sur l’exploitation en masse de la médiocrité des sens de leurs serfs contemporains.

              Ceux qui ne sont pas encore radio-pilotés ou trépanés, ne payent rien pour attendre, tôt ou tard, le système les rattrapera pour les assimiler, les phagociter ou les éliminer, discrètement et sans état d’âme.


              • mediacollabo subversif (---.---.0.59) 28 février 2007 15:36

                La pub imposée incarne l’hégémonie totalitaire de la corruption, la monétisation gagnante de la médiocrité ambiante.

                Alors que le peuple voterait majoritairement contre (ex : dans le métro, sur la route ou à la télé), les élus autorisent cette néo-stratégie de prédation pour se remplir les poches un peu plus et délèguent une justice ultra répressive à l’encontre des opposants-résistants actifs.

                Bien sûr les communiquants qui en vivent sans honneur, ont l’art de renverser les valeurs pour se faire les chantres d’un bienfait pour le plus grand nombre (et surtout pour leurs comptes en banque) afin de faire passer la pilule bleue dans les brèches qu’on leur offre sur un plateau.

                Le degré de civilisation d’un groupe ou d’un individu, est inversement proportionnel à son asservissement à la pub.

                C’est pourquoi, elle encourage, par les bons sentiments de la moraline productiviste, à la conservation et à l’immigration d’esprits primitifs dans les pays trop évolués, pour limiter-compenser ainsi les pertes-rejets par le haut, par l’entretien et le renouvellement de sa réserve de chasse gardée.


                • bulu (---.---.142.161) 28 février 2007 16:28

                  On travaille dur pour acheter du symbole matraque a longueur de journee, uniformement partout en occident. C’est necessaire pour justifier la quantite de travail fournie par l’individu qui va bien au dela de la juste survie de celui-ci.


                  • eric (---.---.245.11) 1er mars 2007 12:12

                    la pub rend débile.


                    • Yaarg (---.---.70.143) 1er mars 2007 12:34

                      LUTTONS POUR L’ABOLITION DE LA PUB, CRIME CONTRE L’HUMANITÉ !


                      • sweetsmoke (---.---.241.2) 1er mars 2007 15:27

                        Si la pub n’est pas responsable, ce n’est surement pas le consommateur final à 100%, qui, depuis sa naissance, et jusqu’à la fin de sa vie, est « formaté » pour vivre en ayant l’idée qu’il à le choix sur et pour toutes les décisions de sa vie, ce qui est faux et facilement démontrable, surtout quand les pires choix sont ceux qui semblent être les plus sincères, à l’image du mariage, entreprise destinée uniquement à faire payer deux fois les consommateurs que nous sommes, une fois en faillite civile.

                        Deux apparts, deux voitures, deux frigos, deux télés...

                        Très bon article.


                        • Rocla (---.---.111.122) 1er mars 2007 15:39

                          C ’est pas difficile , branchez-vous sut RTL entre 16 et 18 heures , les nombre de pubs pour la grande distribution est ahurissant , un soir également j’ ai mis la télé , il y avait là un énergumène qui parlait des arnaques dans la vie courante , le nombre de fois où cette émission était coupée par la pub est phénoménal , j’ ai résisté le temps de 2 coupures . Depuis un bon moment je m’ abstiens brancher la télé . Ce gars là et compagnie , pas mes amis . On nous prend pour des zombies .

                          Rocla

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON






Les thématiques de l'article


Palmarès