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Larry Page, cofondateur de Google, milite-t-il innocemment pour la réduction du temps de travail ?

Lors d’un sommet organisé par un fonds d’investissement, les deux créateurs de Google, Larry Page et Serguey Brin, ont été questionnés sur la problématique du remplacement de l’homme par les machines. Pour avoir souligné dans mon blog le danger d’une mécanisation qui produit plus de chômage que de biens de consommation, j’ai été favorablement impressionné par cette initiative, au premier abord.

Larry Page, spécialiste en anthropologie ?

« Si vous réfléchissez vraiment à ce dont vous avez besoin pour être heureux – votre foyer, votre sécurité, saisir les bonnes opportunités pour vos enfants, les anthropologues ont identifié tout cela –, il est moins difficile aujourd’hui de se procurer ces choses. La quantité de ressources, de travail, pour obtenir tout cela est vraiment réduit. Donc l’idée qu’il faille travailler frénétiquement pour satisfaire ces besoins n’est tout simplement pas vraie. Je pense que c’est un problème de ne pas reconnaître cela. »

L’entrée en matière de Larry Page fait naître quelques remarques : il met en avant le foyer et la sécurité comme causes du bonheur en s’appuyant sur les dires d’anthropologues. Les anthropologues devisent-ils sur le bonheur et ses causes potentielles ? Ces considérations relèvent plutôt de la philosophie. Si les anthropologues s’exprimaient sur le bonheur, ce ne serait probablement pas pour affirmer de manière péremptoire qu’on a identifié les causes du bonheur !

Le foyer et la sécurité correspondent à des valeurs états-uniennes essentielles. L’anthropologie serait à même de souligner le caractère religieux de ces éléments, l’importance démesurée qu’ils occupent dans l’esprit des américains. Larry Page identifie le foyer comme lieu du bonheur pour une raison qui me semble tout à fait intéressée : il s’agit de l’endroit où résident les principaux utilisateurs du moteur de recherche, les personnes qui naviguent chez elles sur Internet et qui prochainement porteront des Google Glass.

Des propositions concrètes

Larry Page s’est ensuite montré inquiet au sujet de l’environnement : « C’est pourquoi nous sommes occupés à détruire l’environnement et d’autres choses, ce que nous n’avons peut-être pas besoin de faire ». Puis il a exposé une idée à propos de laquelle il a échangé avec son ami Richard Branson, le patron de Virgin :

« Le Royaume-Uni n’a pas assez d’emplois, [Richard Branson] a essayé d’amener les gens à embaucher deux personnes en temps partiel au lieu d’un temps plein. Ainsi, au moins, les jeunes peuvent avoir un emploi à mi-temps plutôt que pas d’emploi du tout. Et le coût pour les employeurs est un peu plus avantageux.

En élargissant cette idée, en temps de chômage de masse, on peut réduire le temps de travail. Si je demande à la plupart des gens « voudriez-vous une semaine de vacances de plus », 100 % lèvera la main et répondra oui. Même chose si je propose une semaine de quatre jours de travail. Les gens aiment leur travail, mais veulent aussi consacrer du temps à leur famille, développer leurs centres d’intérêt. »

Pourquoi pas les 35 heures ?

Il ne manquerait plus qu’il fasse l’apologie des 35 heures, mais il semble s’être gardé d’évoquer le cas de la France. Etait-ce une omission volontaire ? En France, où le temps de travail est déjà réduit, la question du chômage est peut-être plus importante qu’aux États-Unis ou en Grande-Bretagne – je dis peut-être, car les chiffres du chômage outre-Atlantique ne prennent pas en compte des exclus de plus en plus nombreux.

En France, les salariés ne réclament pas moins de temps de travail, mais plus de pouvoir d’achat. La grande majorité des gens ne cherchant qu’à gagner plus pour pouvoir dépenser plus, je ne suis pas d’accord avec la croyance de Larry Page en un assentiment à la semaine de quatre jours, car ce qu’il ne mentionne pas, c’est qu’elle serait payée quatre jours.

Derrière un discours en apparence social, se dissimule simplement l’intérêt d’un dirigeant qui profiterait du fait que les gens restent plus chez eux. Ces derniers auraient du temps pour surfer sur Internet et cliquer sur les pubs Google qui envahissent les résultats de recherche. Les travailleurs à temps partiel pourraient cliquer, certes, mais peut-être pas acheter…

Malgré l’ambivalence des paroles du cofondateur de Google, une ambivalence malheureusement classique, cette sortie sur la réduction du temps de travail a le mérite de poser ouvertement le problème de l’impact de l’automatisation sur l’économie.

Joaquim Defghi

Blog : actudupouvoir.fr

Twitter : @JDefghi


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6 réactions à cet article    


  • xmen-classe4 xmen-classe4 12 juillet 2014 13:27

    le temps du travail c’est aussi un problème de cout du travail et de la rentabilité d’aller travailler quand il pleut.


    • sleeping-zombie 12 juillet 2014 18:32

      Hello,

      Quand on n’a qu’un marteau, on voit des clous partout.
      En l’occurrence, le co-patron de Google qui ferait de la pub détournée ? ridicule, il n’a pas besoin de ça, donc il est probablement sincère dans ses propos...


      • Gemini Gemini 12 juillet 2014 23:46

        Son avis est effectivement fort probablement intéressé. Ceci étant, il pose malgré tout de vrai questions, que ce soit à propos de l’environnement ou du temps de travail. En revanche, il manque dans son discours l’aspect de l’égalité.

        Le projet de société qu’il dessine est intéressant, va dans la bonne voie, mais est très incomplet.

        Il faut travailler moins, oui, c’est évident, puisque nous sommes très productifs, et qu’en plus, nous produisons trop.

        Il faut sauvegarder notre environnement, oui, c’est évident. C’est lui qui nous nourrit et nous permet d’exister. Nous devons donc produire mieux, mais surtout moins. Nous utilisons et gâchons bien trop de ressources. Il nous faut de la décroissance, et pas qu’un peu ( en France, notre mode de vie nécessiterait trois planètes …)

        Mais, et c’est là le gros manque du discours de Larry Page, il n’aborde pas le problème des inégalités. Il nous faut décroître, fortement, mais cela ne peut se faire dans de bonnes conditions que si les inégalités sont réduites, très réduites même. La taille du gâteau à se partager entre humains étant finie, il est inconcevable qu’il ne soit pas partagé équitablement (ce qui ne signifie pas forcément en parts égales, mais, par contre, il est certain que les inégalités actuelles sont tout simplement indécentes. Le débat devra déterminer le niveau d’égalité toléré).


        • sleeping-zombie 13 juillet 2014 00:42

          Il reste américain, qu’il ne fasse qu’évoquer une éventuelle injustice de partage et il sera immédiatement qualifié « communiste ». Déjà, ses propos actuels sont limite-limite... :D


        • floyd floyd 14 juillet 2014 21:04

          C’est vraiment l’hôpital qui se fout de la charité : les employés de google sont connus pour se dédier corps et âme à leur travail. Dans les faits c’est plutôt 80 heures par semaine que les 35 heures ! On encense toujours les services qui sont fournis aux employés de Google, mais ceux-ci sont là avant tout pour que l’employé n’est pas besoin de retourner chez lui. Alors après mettre en avant le foyer, c’est vraiment se moquer du monde.


          • Jean Keim Jean Keim 15 juillet 2014 08:58

            Je ne savais pas que l’anthropologie s’occupait du bonheur des gens.

            Monsieur Larry Page ne s’écarte pas des travers de ses alter ego, d’abord accepter de devenir immensément riche - accordons lui que ce n’était pas forcément sa motivation première - sans se préoccuper des dégâts collatéraux et ensuite faire dans l’humanitaire et/ou le social. Certains de ses ploutocrates arrivent même à tirer du profit de leur ouverture vers les autres.
            Résumons : le progrès technologique fait qu’il n’y a pas assez de travail pour tout le monde, alors on fait quoi ? Mais non de non mais c’est bien sur, on généralise le travail à mi-temps et cela va de soi les salaires sont divisés par 2, de plus, je cite votre article : « le coût pour les employeurs est un peu plus avantageux. », ben tien !
            Ce monsieur tourne en rond dans sa logique sans fenêtre sur l’extérieur, toujours coincé dans la logique du profit, il lui est apparemment impossible d’envisager, comme tant d’autres, qu’il est juste nécessaire et suffisant d’instaurer la coopération, le partage et l’entraide pour faire de ce monde un lieu de vie humain, respectueux de la Vie et de son environnement.

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