Le 13 novembre, défaite du djihadisme
Du 11 septembre au 13 novembre, les massacres de 2001 à New-York et de 2015 à Paris nous renvoient une similitude troublante. Les modalités (des actions suicidaires), les lieux choisis (le cœur de deux capitales mondiales) et les cibles (membres des classes sociales urbaines actives et plutôt aisées) apparaissent symétriques.
Mais c’est sur le plan de l’idéologie que la continuité semble la plus forte, « Daech » se posant bien comme l’organisation qui a pris la relève d’Al-Qaida, l’élève qui prétend dépasser le maître. Or, les commentateurs sont nombreux à insister sur la dimension avant tout idéologique de la guerre que ces organisations veulent mener contre les puissances occidentales et leurs alliés.
Pourtant, si l’on évalue l’efficacité d’une idéologie à sa capacité à mettre à profit des symboles et à emporter une adhésion, à susciter une influence sur les mentalités, la différence entre 2001 et 2015 saute aux yeux.
Les terroristes du 11 septembre ont fait tomber des symboles forts et évidents de la puissance économique capitaliste triomphante. Ce faisant, ils ont non seulement suscité une allégorie religieuse apocalyptique, mais ils ont aussi capté une mystique révolutionnaire et tiers-mondiste. Le 11 septembre fut ainsi un véritable hold-up : la jubilation que les attentats ont suscitée parmi de nombreuses populations, y compris non musulmanes, en est le témoignage. Le portrait de Ben Laden à côté de celui de Che Guevarra sur les marchés de Lagos, il fallait réussir à le faire ! Et ils l'ont fait en produisant des images parmi les plus sidérantes qui aient sans doute jamais existé, réussissant ainsi à brouiller, sinon à effacer, la dimension humaine et individuelle du drame.
Les terroristes du 13 novembre, eux, s’en sont pris à des lieux dont la symbolique est complètement nulle, sauf pour les fanatiques déjà convaincus. La fête, le plaisir de la détente, la mixité sociale et sexuelle, la musique… Mais rien en termes d’oppression économique, militaire, raciale, aucune dimension politique pouvant parler collectivement aux dépossédés. De plus, leur action n’a généré que peu d’images violentes immédiates, mais de nombreux témoignages individuels après-coup, si bien que le désastre humain a aussitôt pris le dessus. En ce sens, le 13 novembre est incapable de produire le symbole brut, puissamment ambigu car à la fois horrifique et libératoire, du 11 septembre.
Si le but des terroristes est de créer confusion et clivage, le 11 septembre fut une victoire. Le 13 novembre est une défaite.
Il ne reste aux commanditaires qu’un seul espoir : que les dirigeants français, conformes à leurs prédécesseurs américains, finissent par créer eux-mêmes confusion et clivage. C’est donc finalement seulement là que le risque d’une continuité est évident.
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