Le 15 janvier 2008, il ne s’est rien passé

Par une étrange coïncidence, l’actualité présente un spectre très caractéristique ce mardi 15 janvier. A l’image, un spectre lumineux où se dessinent les fréquences dans les différentes couleurs. Un lecteur bien calé, bien étalonné sur les infos, à l’instar du spectromètre de laboratoire qui, lui aussi, doit être étalonné, verra dans les faits du jour un panorama fidèle du monde, comme si un même Soleil diffusait une lumière devenue habituelle. Ce mardi 15 janvier revêt un caractère assez étrange.
Les zones sensibles de la géopolitique. Excepté l’Afrique, elles sont représentées à travers des tragédies devenues ordinaires. Afghanistan, attentat meurtrier contre un ministre norvégien dans un hôtel par une poignée de talibans. Pakistan, attaque d’un convoi paramilitaire par des intégristes. Liban, attentat contre un véhicule de l’ambassade américaine. Turquie, attaque de l’armée contre des positions du PKK. Une bombe fait un mort en Algérie. Israël, raid meurtrier contre Gaza. Le Proche et Moyen-Orient sont devenus une zone très sensible, avec au centre l’Iran qui a fait l’objet d’une intention hostile, de nature défensive, de la part d’Olmert. Et Bush qui met aussi en garde Téhéran après le récent accrochage dans le détroit d’Ormuz. Sur le plan diplomatique, quelques anicroches entre la Russie et le British Council. Les nations souffrent de leur ego. Une agressivité, je montre mes crocs donc mon ego existe. Autant parler d’ « egossivité ».
Les mauvais chiffres de l’économie. Ils arrivent en tir groupé. L’inflation qui monte, mais pas de quoi s’inquiéter, une légère fièvre pour l’instant et sans doute contrôlée. Du coup, Fillon renonce à cette TVA encore désignée comme sociale par les journalistes et c’est tant mieux. Le Cac40 qui perd plus de deux points et dévisse gentiment comme les autres bourses. Des mauvais résultats de l’économie allemande en perte de croissance. Une banque américaine en difficulté. L’annonce par EMI d’un train de licenciement hélas pour les travailleurs. Le pouvoir d’achat des stars de la musique ne pourra être maintenu et ce n’est pas un drame. Les dividendes des golden boys de la finance londonienne ont augmenté cette année. Mais pas ceux de Wall Street. Bref, des nouvelles mauvaises pour l’économie en général, mais pas de quoi changer la face de l’Histoire. De simples fluctuations qui ont décidé d’atterrir dans les médias le même jour, avec cette chose étrange, le PIB français passe devant celui du Royaume-Uni, pas parce qu’on produit plus, mais à cause d’une baisse de la livre. Comme quoi, les chiffres ne veulent pas dire grand-chose. C’est le cas de la baisse de la délinquance, des chiffres encore, ceux de l’Insee et encore des tas de chiffres disséminés dans les médias et qui ne servent pas à déchiffrer le monde. Des p’tits trous, encore des p’tits trous pour le poinçonneur des Lilas, des p’tits chiffres, encore des p’tits chiffres pour le « calculateur » des médias.
Et encore d’autres chiffres commentés. Le jour où la France dépasse les Anglais, le sarkomètre passe dans le rouge. Le président est devenu arithmétiquement impopulaire pour reprendre les termes d’une dépêche. Au gouvernement, c’est le même cirque et ce pataquès autour de l’évaluation des ministres. Ils ont nommé Besson pour effectuer cette mission impossible, comme du reste la TVA sociale. Besson, on dirait que c’est un peu le jouet de Sarkozy. Imaginez une équipe de recherche qui serait évaluée par le concierge du laboratoire, courage fuyons et nos ministres de penser, j’enrage, Fillon ! C’est à pleurer de rire autant qu’attristant que de savoir qu’un type est payé pour servir de gadget au gouvernement alors que cet argent pourrait être employé différemment. Par exemple, pour financer des recherches qui vont changer la face de nos connaissances ! Un seul peut tout bouleverser. Comme du temps de Descartes. Mais une âme seule aussi peut être sauvée, bien plus méritante que ce Besson devenu un peu subsidiaire dans ce jeu politique. A Marseille et à Dijon, des disputes politiques autour du Modem. Le monde politique ne fait que se disputer dans les nations civilisées, mais il vaut mieux ça qu’une dictature. L’économie de tanguer et, dans les zones sensibles, les armes et les explosifs servent à régler des comptes entres factions rivales inaptes à la discussion. Et si c’était aussi le cas d’un autre Monde, ce journal si réputé qui traverse une crise dont le ressort est emblématique tant il implique deux pôles déterminant dans la gestion du système. L’argent, problèmes financiers, que traverse du reste l’ensemble de la presse et les managers, aux gestions comptables, mais pas visionnaires pour un sou. Ajoutons un Alain Minc discret, mais désigné comme factieux, intriguant de palais, manipulateur de l’homme, presque un coupable idéal qui tomberait à pic pour expliquer ce qui relève d’un collectif complexe, administrateurs, journalistes, etc.
Ce tableau des événements du monde, obtenu en accédant aux sites d’info sur le web, est somme toute assez proche de ce qu’un journaliste dans son bureau peut capter, avec des tas de dépêches provenant des agences de presse. Le 15 mars 2008, si ça se trouve, il n’y aura aucun attentat, l’inflation aura baissé, la bourse sera remontée, comme le ressort des ménages que les statisticiens appellent moral. Et Le Monde sera rafistolé pour un moment. Bref, il ne se passe pas grand-chose et ce ne doit pas être facile pour une équipe de rédaction, surtout pour le JT, de fournir le tableau d’un monde où il ne se passe pas grand-chose.
Pourtant, ce tableau n’est pas fidèle à ce que vivent les gens au quotidien. Le monde médiatique a sa routine et le spectre de ce 15 janvier, même s’il est assez chargé, est d’une banalité consternante tant aucun fait ne vient troubler le cours du monde et des sociétés. D’une banalité comme le quotidien des gens, quoiqu’il y ait plus de ressenti dans la journée d’un homme que dans la somme des titres diffusés par la presse. Un monde avance à l’écart des caméras et de la presse qui en glisse parfois quelques morceaux alors que la littérature tente maladroitement d’en peindre les contours et les saveurs et que l’art est à la peine par les temps qui courent et ces foulent qui accourent sur quelques mots d’ordre des dépositaires de l’ordre culturel pour devenir les instruments d’une évaluation ministérielle. Pendant ce temps (AFP 15/01, 20 : 49), une œuvre dite d’art de Jean-Pierre Raynaud a été détruite au marteau-piqueur, faute d’entente des parties, sur fond de sous et aussi d’ego. Et l’artiste de déclarer que détruire une, son, œuvre d’art, c’est comme tirer au revolver sur une personne. Bref, la bêtise incarnée d’un mécontemporain. Si bien qu’aux mauvais chiffres, aux actes terroristes, aux bêtises de la politique, s’ajoute ce fait illustrant les deux fléaux de la civilisation, qu’on pressent en filigrane de ce 15 janvier, le désir de fric et l’amour de soi, la cupidité et le vertige de l’ego, bref, deux des trois libidos constituant l’essence du genre humain selon Augustin. Ce 15 janvier, il ne s’est rien passé !
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