Le 3ème choc pétrolier
Cet article est extrait du livre "Transition énergétique. Ces vérités qui dérangent ! " sorti en mars 2018 aux éditions De Boeck [Cassoret].
Le pétrole est depuis les années 1960 la première source d’énergie au monde. En 1973, alors que la demande de pétrole n’avait jamais cessé d’augmenter et que le prix du baril était stable, les pays producteurs de pétrole ont décidé un embargo pétrolier contre plusieurs pays occidentaux qui soutenaient Israël dans la guerre du Kippour. Conséquemment, le prix du baril a été multiplié par trois entre 1972 et 1975 ; ce fut le premier choc pétrolier. En 1979, la révolution en Iran a déclenché le second. Les deux hausses de prix sont parfaitement visibles sur la figure 1, qui montre l’évolution du prix du baril de 1945 à 2010.
Ces manques de pétrole ont cassé la croissance, entraîné des crises économiques, du chômage, des déficits publics… Ce qui est également très visible, c’est que le record du prix du baril a été atteint en 2008, juste avant ce qu’on a appelé « crise financière ». Le pic du prix de 2008 ne résulte pas d’un conflit ou d’un embargo, mais probablement simplement du rapport entre l’offre et la demande, celle-ci étant devenue plus élevée que les capacités de production. La crise de 2008 est, selon certains, largement liée à la raréfaction du pétrole, qui n’aurait plus permis d’alimenter l’économie.
L’économiste du CNRS Gaël Giraud affirmait en 2014 [Giraud interview] que « nos économies se sont endettées pour compenser la hausse du prix du pétrole ! Comme le crédit était très bon marché, cela a permis de rendre le choc pétrolier relativement indolore. Dans le même temps, la politique monétaire, la déréglementation et la myopie du secteur bancaire ont aussi provoqué le gonflement de la bulle des subprimes, dont l’éclatement en 2007 a enclenché la crise. Le remède qui a permis d’amortir le choc pétrolier a donc aussi provoqué la pire crise financière de l’histoire, elle-même largement responsable de la crise actuelle des dettes publiques, de la fragilisation de l’euro, etc. Tout se passe donc comme si nous étions en train de payer, maintenant, le véritable coût de ce troisième choc pétrolier. » La cause profonde de cette crise ne serait donc pas seulement financière mais aussi physique.
Tim Jackson, économiste britannique, spécialiste en développement durable, écrivait en 2009 [Jackson] : « Il semble désormais probable que les prix très élevés atteints par les principales matières premières à la mi-2008 résultaient, pour une partie, de la spéculation et, pour une autre partie, de problèmes d’offre identifiables, comme la limitation des capacités de raffinage en cas de forte demande. »
Mathieu Auzanneau, spécialiste des questions pétrolières, suggère dans son livre "Or noir" que « l’augmentation du cours du baril alimente puissamment l’inflation, laquelle déclenche en réaction une hausse des taux d’intérêts, hausse qui provoque l’explosion de la bulle des subprimes » [Auzanneau].
Il est donc très probable que le manque d’énergie a joué un rôle important dans la crise dite financière de 2008. La figure 2 montre l’évolution de la consommation de pétrole des États-Unis de 1965 à 2015, similaire à celle des autres pays riches. On constate qu’elle est passée par un maximum en 2005 et a commencé à diminuer dès 2006, avant le début de la crise, ce qui corrobore l’idée que le manque de pétrole a entraîné la crise. La production mondiale de pétrole s’est d’ailleurs stabilisée de 2004 à 2008, comme le montre la figure 3. La crise économique a bien sûr provoqué ensuite une baisse de la demande qui, conjuguée à l’arrivée sur le marché de pétroles non conventionnels, a considérablement fait baisser les prix dans les années suivantes. Pour combien de temps ?
Références :
[Cassoret] Bertrand Cassoret, Transition énergétique, ces vérités qui dérangent !, éditions Deboeck, 2018.
[Giraud interview] Gaël Giraud, interview sur le blog « Oil Man » de Mathieu Auzanneau, http://petrole.blog.lemonde.fr/2014/04/19/gael-giraud-du-cnrs-le-vrai-role-de-lenergie-va-obliger-les-economistes-a-changer-de-dogme/
[Jackson] Tim Jackson, Prospérité sans croissance. La transition vers une économie durable, Éditions De Boeck, 2009.
[Auzanneau] Mathieu Auzanneau, Or noir. La grande histoire du pétrole, La Découverte, 2015.
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