Lettre au Colonel Kadhafi

Si j'en crois l'Équipe de l'Édition Spéciale de Canal +, toutes les photos et vidéos retraçant la visite en France en 2007 du Colonel Kadhafi, sur invitation de notre actuel président de la république, auraient disparu du site de l'Élysée.
Je suppose un méfait de Big Brother et, fort heureusement, j'ai retrouvé une lettre que j'avais écrite à l'attention du Colonel Kadhafi en décembre 2007 et que je livre à ceux que l'histoire de notre beau pays, terre de fraternité et de liberté, intéresse :
J’ai cru comprendre que vous aviez pour projet de venir en France courant de ce mois de décembre, Colonel Kadhafi ? Quelle drôle d’idée d’avoir choisi le mois de décembre ! En décembre, c’est le Père Noël que l’on attend et non pas un suppôt de Satan.
À bien y réfléchir, aucun mois de l’année ne me paraît propice pour vous recevoir sur le sol de MON pays, d’ailleurs car, sachez le colonel, en ce qui me concerne, vous n’y serez jamais le bienvenu et que vous nous fassiez des chattemites avec des promesses de traités commerciaux ou d’éventuel achat du Rafale ne change rien à l’affaire.
Croyez-vous vraiment, vous que j’appelle Colonel parce que pour rien au monde je ne vous accorderais l’honneur de vous appeler Monsieur, vous que j’appelle Colonel à contrecoeur sachant que vous avez usurpé ce grade (car les galons de colonel ne vous ont pas été attribués à cause de votre mérite ou à cause d’éclats de bravoure que je sache ? Ils ont bien été cousus sur votre uniforme par le modeste capitaine Kadhafi que vous êtes en réalité, n’est ce pas ?), croyez-vous vraiment que vos risettes de grand méchant loup vont tromper les français ?
Parce que moi je n’ai pas oublié et je n’oublierai jamais tous ces attentats, tous ces morts, toutes ces souffrances dont vous êtes responsable.
Pensez-vous parfois à toutes ces victimes, colonel ?
- Ceux qui ont fait les frais d’un attentat dans une discothèque de Berlin-Ouest, « La Belle », fréquentée par des militaires américains en avril 1986. Deux GI’s américains et une femme turque ont été tués, 260 autres personnes ont été blessées dont certaines mutilées à vie.
- Ceux dont l’explosion en plein vol, le 21 décembre 1988, du Boeing 747 de la Pan Am qui reliait Londres à New York par le vol 103, a causé la mort. 270 au total entre les passagers, l’équipage et les 11 habitants de la ville de Lockerbie en Écosse qui ont été tués par les débris de l’avion qui la survolait au moment de la catastrophe.
- Ceux qui avaient embarqué dans un DC10 de la Compagnie UTA à Brazzaville le 19 septembre 1989 et qui regagnaient paisiblement Paris par le vol 772 avant que l’avion explose au dessus du désert de Ténéré. 170 passagers et membres d’équipage de 27 nationalités différentes ont trouvé la mort dans cet attentat.
- Enfin, pour couronner le tout, ces infirmières et ce médecin palestinien injustement accusés d’avoir inoculé le virus du sida à environ 400 enfants libyens, ces innocents emprisonnés, maltraités, torturés, soumis à des parodies de justice pendant les huit années où vous les avez gardés en otages, entre 1999 et 2007
Et vous croyez vraiment que les 2,16 milliards de dollars versés à titre d’indemnité aux familles des 270 victimes de l’explosion de la Pan Am suffisent à racheter vos nombreuses infamies, Colonel ?
L’ONU est peut être oublieuse qui s’est satisfaite de voir livrer les agents des services secrets impliqués dans cet attentat à la justice écossaise, oublieuse et clémente au point de suspendre les sanctions entreprises contre la Libye. Mais l’ONU n’a pas souffert de la perte d’un père, d’une épouse, d’un enfant, elle peut donc se permettre une amnésie bien commode pour faciliter les relations diplomatiques.
S’il ne tenait qu’à moi, jamais vous ne mettriez les pieds sur le sol français, Colonel.
Je rougis de confusion en pensant que le gouvernement de mon pays fait reconduire à la frontière des étrangers bien plus honorables que vous pour la seule raison qu’ils n’ont pas de papiers.
Il paraît que votre dernière lubie consisterait à vouloir qu’on installe une tente dans les jardins de l’Elysée pour que vous puissiez y recevoir les personnes qu’il vous plairait d’y convier ?
Pas de problème ; en France, nous ne manquons pas de tentes qui, depuis quelques temps, abritent ceux qui n’ont pas les moyens financiers de se loger décemment.
Par contre, si on installe votre tente dans les jardins de l’Elysée pour satisfaire votre caprice de petit tyran, je me sens le droit, en qualité de contribuable, d’exiger que les tentes de toutes les personnes chassées de la rue de la Banque à Paris soient, elles aussi, plantées dans les jardins de l’Elysée.
Je rougis de honte en pensant que le président de la république élu par les français va vous serrer la main. Personnellement, je préfèrerais m’amputer des deux bras plutôt que vous saluer de ce geste d’accueil.
Je rougis d’indignation à l’idée qu’une partie des impôts que je verse à l’État va être utilisé pour vos agapes et je veux espérer que les cuisiniers de l’Elysée auront la bonne idée de plagier les coqs de la marine lorsqu’ils se vengeaient de capitaines aux mœurs d’esclavagistes.
Le 6 décembre 2007
4 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON