Le 6 mai, je voterai pour...
... Ségolène Royal, et non contre Nicolas Sarkozy. Je ne cherche pas à convertir les incrédules, ni à pondre un énième article « Fan de » (j’ai suffisamment critiqué d’autres auteurs pour cela), juste à expliquer un cheminement, entre conviction et doute...
C’est de ce fait un curieux paradoxe : c’est au lendemain de la gueule de bois du premier tour, avec une victoire a priori improbable, que Ségolène Royal m’a de nouveau séduit. La première fois, c’était suite à sa déclaration de candidature. Bien que supporter de DSK, j’avais été agréablement surpris par son franc-parler, son refus de stigmatiser Tony Blair (alors que c’était la mode, au PS), et ses discours loin de l’angélisme supposé de la gauche sur les questions sécuritaires. Des prises de position loin d’être consensuelles au PS, mais la prise de risque m’avait séduit. Mais ensuite, il faut avouer que plus les soutiens arrivaient, plus la "femme libre et indépendante" pâtinait, devant ménager l’aile gauche (Montebourg, Peillon) et l’aile droite (Collomb) de ses soutiens. Elle a eu beaucoup de mal à passer pour autre chose qu’une icône, à avancer (non sans essayer) d’autres arguments de la choisir que "c’est une femme", et elle est en tête des sondages.
Ce qui explique mon scepticisme de l’époque que je ne renie pas, DSK me semblait avoir un programme plus élaboré, plus franchement orienté vers la social-démocratie, la seule voie moderne et crédible pour le PS (pourquoi devons-nous systématiquement croire que les socialistes français seraient plus intelligents que le reste des socialistes européens ?). La déception de la non désignation de DSK fut toutefois largement compensée car l’acharnement de certains à signaler la moindre de ses "bourdes" qui, à défaut de me faire adhérer à ses idées, me l’a rendue beaucoup plus sympathique (surtout que, sans tomber dans la même paranoïa que l’ami Reboul, certaines remarques semblaient fortement misogynes). Le meeting de Grenoble, sur la jeunesse et l’éducation, fut un moment fort où, à défaut de me convaincre sur ses idées (oui, je l’avoue, je trouve la promesse de garantir un emploi à un jeune au bout de six mois aussi démagogique que la promesse de donner un foyer à tous les SDF en cinq ans), Ségolène Royal m’a surpris par son énergie. Il y a une chose qu’on peut lui reconnaître et que même Nicolas Sarkozy lui reconnaît : quelle que soit sa cote dans les sondages : Ségolène ne renonce jamais et ne laisse surtout jamais transparaître aucune angoisse.
Bien que modéré, je n’ai pas été convaincu du tout par l’alliance assez utopique que proposait Bayrou. Comme le résumait bien Poignant : "Les Français ont peur de Sarkozy car ils savent ce qu’il va faire, ils ont peur de Ségolène Royal car ils ne savent pas très bien ce qu’elle va faire, et ils ont peur de Bayrou car ils ne voient pas comment il va faire !". Je précise d’ailleurs à mes collègues rédacteurs UMP que si battre Sarkozy était ma seule et unique préoccupation dans la vie, j’aurais voté Bayrou au premier tour. Simplement le choix d’un projet et surtout de l’équipe pour le réaliser m’ont porté vers Ségolène, même si j’ai regretté que Ségolène ait mis de côté sa période "blairiste" qui lui avait plutôt réussi jusque-là, au profit du consensus mou, même avec une aile gauche pourtant largement battue (comme le courant strauss-kahnien, il est vrai) lors de la désignation de la candidate. Le discours de Villepinte avait certes permis de recadrer son programme en 110 propositions plutôt qu’en une idéologie et un éternel débat plus ou moins à gauche (c’est d’ailleurs autour de ces propositions que le PS devra se reconstruire en cas d’échec, plutôt que de refaire encore et toujours cinq ans de querelle idéologique...).
Par contre, Ségolène Royal s’est montrée plus convaincante depuis le début de la semaine (ce n’est pas de la méthode Coué : les baromètres des sondages remontent). "Les cris les plus désespérés sont les chants les plus beaux", comme l’écrivait Musset, et, c’est, ironie du sort, au moment où la chance de succès semblait la plus mince que Ségolène a abattu sa dernière carte, jouant le tout pour le tout : un recentrage du PS pour une alliance avec l’UDF.
Et là, j’ai retrouvé ce qui m’avait plu au début de sa campagne : une volonté de sortir le PS d’une certaine ornière idéologique. Les craintes de "ce que Sarkozy va faire" et la peur d’un 21 avril bis semblaient suffisantes pour garantir un report optimal des voix de la gauche de la gauche ; alors pourquoi ne pas avoir tout de suite admis que, plus que jamais, la présidentielle pouvait et devait se gagner au centre, quitte à perdre les Mélenchon ou Emmanuelli ?
Je vais être sincère : je ne pense pas que Ségolène Royal gagne le 6 mai au soir. Mais je trouve cette deuxième partie de campagne beaucoup plus intéressante que la première, et elle peut offrir des perspectives intéressantes pour redistribuer les cartes du centre à gauche à partir des prochaines législatives (moins périlleuses car la gauche ne pourra pas faire pire qu’en 2002). Après tout, une alliance entre le coeur des socialistes et le rigorisme économique du centre a déjà eu lieu, il y a soixante-dix ans, à l’époque du Front populaire qui avait permis de sortir la France de la crise de 1932 (avec le soutien mais le refus de gouverner de l’extrême gauche, bien plus forte qu’elle ne l’est maintenant...). Ceux qui ont si longuement étudié Blum doivent s’en souvenir...
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