Le bac, cette institution dépassée
700 000 lycéens ont débuté aujourd'hui avec la philo les épreuves de l'édition N° 208 du baccalauréat. Et comme à chaque fois depuis des décennies on s'interroge sur l'intérêt de cet examen que l'on devrait profondément remodeler dans la forme et le fond.
La rénovation du baccalauréat est nécessaire pour deux raisons. La première est l’inquiétant taux d’échec (58%) des bacheliers en première année d’université (on doit aussi se poser la question de l'organisation universitaire mais c'est un autre sujet...). Si on veut éviter la sélection à l’entrée de l’université que l'on voit se profiler, le baccalauréat doit devenir plus solide. La deuxième raison est l’extrême complexité de l’organisation : sa tenue en juin aboutit à ce qu’aujourd’hui, tous les lycéens et de très nombreux collégiens ont déjà fini l’année ! Ce sont des dizaines d’heures d’enseignement en moins pour les élèves. La charge des professeurs qui doivent préparer 4 880 sujets par session puis corriger 4 millions de copies, et celle des chefs d’établissement qui doivent assurer le bon fonctionnement de près de 5000 centres d’examen est très lourde.
Pas de clivage, mais un manque de courage
Les recommandations de la médiatrice de l’éducation nationale, en 2015, réclamaient une vraie réforme. Le think tank Terra Nova, proche du PS, évoque une « machine qui tourne à plein régime mais que personne ne contrôle et dont l'utilité réelle devient chaque année plus floue ». Le Conseil national d'évaluation du système scolaire propose, lui, de s'attaquer aux options, à leurs forts coefficients et à « la course aux mentions artificielles qui en découlent ». A Droite, les Républicains suggèrent de « recentrer les épreuves sur les matières fondamentales de chaque section par des coefficients significatifs », mais seulement « après en avoir établi les modalités précises avec les enseignants ».
La réforme du bac est un sujet de réflexion peu clivant, maintes fois repoussé par des gouvernements dont l'absence de courage politique et le manque de dialogue avec les représentants des enseignants et des parents d'élève semblent une caractéristique également partagée par la Droite et la Gauche (Cf la tentative de Fillon en 2004). Pour autant, ni les uns ni les autres ne semblent fermés à une réforme qui devrait aboutir à moins de stress pour les élèves, moins de lourdeur dans l'organisation, plus de justice entre les divers académies. De cette volonté à peu près unanimement partagée émerge la solution : le contrôle continu.
Contrôle continu + examen final
La grande majorité des parents, des enseignants, des spécialistes de l'éducation estiment que le bac, tel qu'il est, pose une question de justice - voire de chance - entre les candidats. L'examen se joue sur quelques jours au cours desquels le candidat peut être malade, connaître des problèmes personnels, voire être empêché de se rendre à son lieu d'examen. Le contrôle continu étalé sur les années de Seconde, Première et Terminale qui lisserait les notes serait alors un bien meilleur juge de la valeur réel de l'élève que le « one shot » actuel.
Mais ce contrôle continu doit être sérieusement considéré, et d'abord par les enseignants qui devraient être sensibilisés à l'importance d'une notation exagérée en positive ou en négatif. Il devrait également tenir compte de l'ensemble des matières étudiées par section pour éviter les calculs des petits malins qui bossent à fond une matière pour en délaisser une autre. En revanche, l'examen final, car il doit bien en rester un, comporterait un socle, commun à toutes les sections, de matières indispensables à la vie quotidienne d'un citoyen... même si celui-ci n'a pas le bac : Français (et pas littérature), anglais (parce qu'on peut difficilement faire autrement, quel que soit soit son futur job), calcul / géométrie (et pas mathématiques), histoire/géographie. A ce socle on pourrait ajouter des options limitées à 5 ou 6 tenant compte des sections : littérature, mathématique, autres langues vivantes, langues anciennes, philo, physique/chimie, informatique etc. tel que c'est pratiqué chez nos voisins.
Enfin, il faudrait définitivement en finir avec cette stupide loi d'orientation signée Jospin d'amener « 80% d'une classe d'âge au niveau du baccalauréat » (et non au bac, grosse nuance). Pourquoi ? Parce que le fonctionnement de l'Education Nationale n'a pas évolué depuis Jules Ferry et repose encore sur le principe féodal de l'affidé et de la soumission à la hiérarchie. Un recteur dont l'académie présenterait des résultats non conformes à la sainte loi a peu de chance de « faire une carrière ». D'où les absurdes « commissions de rattrapage », chargées de faire remonter les notes pour que l'on puisse atteindre les 80% fatidiques.
On pouvait concevoir que le bac était, dans les années 1990, une clé anti-chômage en ouvrant les portes de la facultés. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. l'Education nationale peut former autant de bacheliers (ou de bac+5) qu'elle le veut, ce sont les entreprises qui décideront de les recruter, au niveau qu'elles choisiront.
En guise de conclusion, j'adresse à tous les bacheliers mes sincères encouragements et je conseille aux parents de relativiser l'affaire : mieux vaut rater son bac et réussir sa vie que le contraire.
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