Le bac sera perturbé !
Le gouvernement a remporté une bataille le 17 juin, en parvenant à remplacer les professeurs grévistes lors des surveillance des épreuves de philosophie et de français. Mais sa victoire est loin d'être définitive....
Je commencerai tout d'abord par un rapide retour sur la grève du 17 juin. Comme l'a bien expliqué cet article de Libération, les chiffres donnés par le ministère de l'éducation nationale étaient totalement absurdes. Pour bien comprendre l'ampleur de cette grève, il faut tenir compte du fait que les professeurs soupçonnés de vouloir y participer n'ont pas été convoqués aux surveillance, et qu'il a fallu recourir à des pratiques inhabituelles pour permettre un déroulement "normal" des épreuves de philosophie et de français : un seul surveillant dans certaines salles, recours à des personnels administratifs ou à des AED (assistants d'éducation, anciennement appelés "surveillants"), par exemple.
Ce matin-là, je suis allé faire un tour dans le lycée où j'enseigne. J'y ai retrouvé une collègue qui, comme moi, n'avait pas été convoquée. Très rapidement, les professeurs de réserve ont été appelés à remplacer les grévistes, mais cela ne suffisait visiblement pas car le proviseur-adjoint a dit à ma collègue et à moi-même que nous étions "réquisitionnés" pour surveiller dans une salle. Ma collègue a tout de suite répondu qu'une réquisition nécessitait un décret, et que nous ne pouvions donc pas être réquisitionnés. Le proviseur-adjoint - qui ne me lâchait pas la main, comme s'il craignait de me voir décamper - a alors précisé sa pensée : "Vous serez considérés comme grévistes si vous n'allez pas surveiller les élèves". Nous avons répondu que c'était bien notre intention. Par la suite, j'ai appris qu'il y avait au moins une salle où les candidats n'étaient surveillés que par une seule personne. J'ignore si le proviseur a finalement trouvé quelqu'un (lui-même ?) pour résoudre ce problème. Toujours est-il que c'était un peu la panique dans mon établissement, qui est pourtant relativement tranquille d'habitude. J'ai donc de bonnes raisons de penser que les choses ont été encore plus chaotiques dans des régions secouées depuis des mois par une mobilisation des enseignants (région toulousaine et Île-de-France, notamment).
Reste que le ministère a réussi son pari : faire en sorte qu'aucune épreuve ne soit annulée ou reportée. Mais le baccalauréat est encore loin d'être terminé, et il se pourrait que monsieur Blanquer se fasse des cheveux blancs (si je peux me permettre cette expression quelque peu irrévérencieuse) le 4 juillet, jour des délibérations des jurys de bac. En effet, dans plusieurs académies, un grand nombre de professeurs de philosophie ont décidé de faire une rétention de notes afin de faire pression sur le gouvernement.
Pour l'instant, voici les académies concernées : Créteil, Toulouse (toujours très mobilisée), Rouen, Dijon, Amiens, Lille, Nancy-Metz. Dans mon académie (Nancy-Metz), la mobilisation est pour l'instant un peu timide, mais 35 professeurs (sur 140 correcteurs environ) se sont déclarés favorables à une rétention des notes. Dans l'académie de Créteil, une partie des professeurs d'histoire-géographie a décidé de faire de même. A Versailles, presque tous les professeurs de philosophie avaient même décidé de ne pas prendre leurs copies, mais comme ils se sont sentis très isolés, ils ont rapidement arrêté cette grève de la correction. Aux dernières nouvelles, ils devaient se réunir avec leurs collègues de l'académie de Paris pour décider de la suite de la mobilisation. Je ne serai pas étonné que les correcteurs de l'académie de Versailles fassent aux aussi une rétention des notes : qui peut le plus (grève des corrections) peut le moins (rétention des notes).
Je précise que je dois la plupart de ces informations à des témoins directs ou à des acteurs de ces événements. Je suis en effet en contact avec des professeurs de philosophie de toute la France par le biais d'une liste de diffusion des professeurs de philosophie du SNES (syndicat majoritaire des professeurs du second degré). Je précise également que toutes ces mobilisations n'auraient sans doute pas été possibles sans la création de collectifs comprenant des professeurs de divers syndicats, de professeurs non-syndiqués, et parfois des parents d'élèves.
Pour terminer, chères lectrices, chers lecteurs, je vous invite à lire les textes ci-dessous. Ils vous donneront une idée plus précise de ce qui se passe dans les académies mentionnées plus haut, et des raisons de la colère des professeurs.
Jordi Grau, professeur dans l'académie de Nancy-Metz,
membre du collectif lorrain contre les réformes Blanquer
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Académie de Toulouse
Pour information, je vous fais suivre le compte-rendu de l'AG de Toulouse qui a, à l'unanimité des votants (soit 86 enseignants), décidé une rétention illimitée des notes, jusqu'à ouverture de négociations.
Sur les 102 présents à l'AG, seuls 7 collègues avaient voté préalablement contre le principe d'une action, 9 n'ayant pas pris part au vote et 1 abstention.
La majorité (48 voix) se prononcent déjà pour une grève le jour des jurys (6 contre).
L'IPR a été fortement marginalisé après nous avoir suggéré que le lycée (privé) où se déroulent les réunions d'entente risquait d'appeler les CRS... parce que nous souhaitions parler de la réforme !!!
Bonsoir,
Aujourd'hui mardi 18 juin, les professeurs de philosophie de l'académie de Toulouse étaient réunis pour réceptionner les copies et former les commissions d'entente. Cela se passait au lycée Saint Joseph de Toulouse à 14 heures.
L'assemblée des enseignants grévistes de Toulouse avait répondu favorablement à l'appel que nous avions lancé à la réunion des enseignants du Tarn qui avait eu lieu la veille. Nous souhaitions un soutien de leur part et en effet, en arrivant devant la lycée Saint Joseph, 200 collègues de Toulouse et de l'académie formaient un barrage filtrant, scandant des slogans hostiles à la réforme Blanquer.
Les professeurs de philosophie ont pu passer récupérer leurs copies mais ils ont été soutenus dans leur conviction qu'il était important de ne pas arrêter le mouvement.
Une assemblée générale a pu se tenir à l'intérieur de l'établissement, ce malgré les interventions dissuasives de deux IPR, l'IPR de philosophie et le doyen des IPR. Nous avons bravé leurs injonctions pressantes et une centaine de collègues se sont réunis sous un préau.
Cela a été l'occasion de discuter sur les suites à donner au mouvement. Des points de vue différents ont pu s'exprimer.
Une large majorité s'est prononcée pour continuer le mouvement de protestation puisqu'à ce jour aucune négociation n'a pu avoir lieu, le gouvernement et le ministre Blanquer s'y opposant.
Il a été voté à l'unanimité des votants (86 voix) la rétention des notes. Nous devrions normalement rentrer les notes avant le 2 juillet à 12h. Nous corrigerons les copies mais ne rentrerons pas les notes si d'ici là aucune réponse positive n'a été apportée à nos demandes : au moins un moratoire sur la réforme et une remise à plat de nos conditions de travail en général. Cette rétention pourra se poursuivre, nous en déciderons collectivement jusqu'au jour de la réunion des jurys. D'ores et déjà, une majorité se prononce pour une grève le jour de la réunion des jurys, le jeudi 4 juillet (48 pour la grève, 6 contre, 25 abstentions).
L'idée qui a émergé est de procéder de façon graduelle : si aucun signe positif n'est émis par Blanquer, nous continuerons la rétention des notes jusqu'au moment de la réunion des jurys.
Les professeurs de philosophie appellent les collègues des autres disciplines à faire de même. Nous nous sentons aussi solidaires de tous ceux qui sont attaqués par les diverses mesures gouvernementales présentes et à venir.
Il a été décidé que nous reverrions lors de la réunion dite d'harmonisation qui aura lieu le jeudi 27 juin à 14 h, toujours au lycée Saint Joseph.
Une liste des adresses de courriel des professeurs présents à L'assemblée générale a été dressée de façon à ce que nous puissions rester en contact et échanger.
Dans la mesure du possible, nous participerons aux réunions de l'assemblée des enseignants grévistes de Toulouse.
Ensemble, nous pouvons faire reculer Blanquer et empêcher la mise en lace d'une école encore plus inégalitaire et managériale. Cela dépend de l'implication de chacun d'entre-nous.
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Académie de Créteil
Communiqué de presse des correcteurs et correctrices de philosophie
Nous, professeur.e.s de philosophie de l'Académie de Créteil réuni.e.s à l'occasion de la réunion d'entente du 18/06 au lycée Jean Jaurès de Montreuil avons voté, après discussion d'autres modalités d'actions, la rétention des notes du baccalauréat pour une durée indéterminée.
En plein accord avec les revendications de l’intersyndicale ayant appelé à la grève du 17/06, nous demandons :
· le retrait des réformes des lycées et du baccalauréat ;
· le retrait de la loi Blanquer et du projet de loi « Fonction publique » ;
· la revalorisation des rémunérations rattrapant sans contrepartie l'ensemble du pouvoir d'achat perdu depuis le gel du point d'indice ;
· le refus des heures supplémentaires imposées et de la dégradation des conditions d'enseignement.
Un rassemblement ou une manifestation en direction du Ministère sera organisée le 02/07, date limite de la remise des notes prévue par les convocations dans l'Académie de Créteil.
Nous appelons les enseignant.e.s de toutes les disciplines et de l'ensemble des Académies à nous rejoindre dans notre action de rétention des notes du bac.
Détail des votes :
Retrait des réformes du bac et des lycées :
92 pour
0 contre
3 abstentions
Retrait de la loi Blanquer et du projet de loi « Fonction publique »
93 pour
0 contre
2 abstentions
Demande de revalorisation salariale :
(pas de décompte pour les votes pour mais du même ordre que les deux revendications précédentes)
1 contre
0 abstention
Ne pas retirer ses copies aujourd'hui :
1 pour
44 contre
5 abstentions
4 nppv
Mise en place d'une notation bienveillante (noter par ex. les copies de 15 à 20) :
27 pour
2 contre
34 abstentions
7 nppv
Rétention des notes (pour une durée à déterminer)
52 pour
0 contre
24 abstentions
Rétention prolongée pour retarder la publication des résultats du bac dans son jury :
38 pour
Rétention pour une durée symbolique ne provoquant pas de report des résultats du bac :
0 pour
Appel aux collègues de toutes disciplines et de toutes les académies à retenir les notes du bac :
unanimité (71 pour)
Rassemblement ou manifestation en direction du Ministère le 02/07, date limite de la remise des notes prévue par les convocations dans l'Académie de Créteil : unanimité (72 pour)
Nouvelle AG le jour de la réunion d'harmonisation : unanimité
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Histoire-géographie
Mercredi 19/06, Créteil.
Rapide compte rendu de La réunion des profs d'HG de Creteil ce matin. C'était une réunion officielle concernant les profs (HG) corrigeant les STMG et les coordonateurs/trices des autres séries.
Il a été voté la rétention des notes sur 2 jours jusqu'au 4 date à laquelle on va aux jurys avec nos copies.
Le vote : 70 pour 40 abstentions 5 contre.
Par ailleurs a été votée une adresse aux inspecteurs/trices
« Adresse à nos IPR :
Faîtes confiance à notre expertise Les nouveaux programmes d’Histoire-Geographie en nous inquiétent. Moins d’heure, plus de chapitres, moins de dédoublements. Nous vous demandons de faire remonter nos craintes afin que des allègements soient mis en place le plus vite possible. ».
La prochaine AG sera le 1er ou plus probablement le 2 pour être ensemble car les pressions se multiplieront (à Noisiel).
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Académie de Dijon
Nous, professeurs de philosophie de l’Académie de Dijon, non syndiqués et syndiqués, nous sommes réunis en AG avant la commission d’entente du baccalauréat 2019 le Mardi 18 juin 2019 à 9h.
Nous avons voté, à l’issue de cette AG, la rétention des notes de bac qui ne seront pas saisies à la date mentionnée sur notre convocation si nos revendications ne sont pas prises en compte.
Nous sommes opposés à la loi sur l’école de la confiance, et à la réforme du lycée et du baccalauréat pour plusieurs raisons :
En ce qui concerne la loi sur l’école de la confiance
L’article 1 impose un devoir d’exemplarité qui réduit la liberté d’expression des enseignants.
En ce qui concerne la réforme du lycée
- Elle est l’outil qui prolonge et renforce la logique de sélection de Parcoursup : il s’agit de faire entrer les élèves dans la contrainte de places réduites, inégalement réparties dans les établissements selon leur implantation, et non de leur donner réellement la possibilité de choisir leur parcours.
-Si le bac passe à 45% en contrôle continu, sa valeur variera avec la réputation du lycée où il est passé ; ce qui aura un impact sur les poursuites d’études.
- La réforme réduit le nombre d’heures et de postes : disciplines inégalement implantées et parfois mutualisées ; « classes » éclatées ; groupes prévus de base à 35, allègements et dédoublements soumis aux choix locaux et non garantis.
+La Réforme entraîne des suppressions de postes en développant les cours par visio-conférence et par le CNED
En ce qui concerne la spécialité HLP
La philosophie est associée à la littérature, alors que d’autres choix étaient possibles. En outre, le partage de l’horaire de l’épreuve entre deux disciplines réduit la part de chacune à 2h, voire une seule heure en classe de 1ère (sur une épreuve de 2h) : comment garantir l’exercice d’une pensée construite dans un temps aussi contraint ?
Nous revendiquons :
- L’abrogation de la réforme du lycée ;
- Le maintien d’un baccalauréat national premier grade universitaire, passé dans des épreuves communes, nationales, terminales, ponctuelles et anonymes ;
- Le retour à des dédoublements obligatoires et garantis nationalement dans toutes les séries dès que la division dépasse les 25 élèves.
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Académie de Versailles
A Versailles, une AG de 120 correcteurs s'est prononcée pour la non prise en charge reconductible des copies ( environ 50 votes "pour" de mémoire...).
Communiqué de l’Assemblée Générale des professeur.e.s de l’Académie de Versailles
Les professeur.e.s de philosophie de l’académie de Versailles, réuni.e.s en AG le 18 juin 2019 au lycée Léonard de Vinci de Levallois-Perret, réaffirment leur opposition à la réforme Blanquer et à Parcoursup, et soutiennent les revendications de l’intersyndicale exprimées dans leur communiqué en date du 17 juin 2019. À une très large majorité, nous avons décidé de poursuivre le mouvement initié le lundi 17, premier jour des épreuves écrites du baccalauréat. Pour prolonger la grève des surveillances menée par de nombreux collègues dans les établissements de France, et reconduite ce jour, nous avons pris collectivement la décision de ne pas aller retirer nos copies, et ce de mnière reconductible, afin que le Ministère daigne ouvrir des négociations sur une réforme précipitée et largement désapprouvée par les personnels de l’Éducation Nationale. Des actions supplémentaires sont également discutés, comme la rétention des notes ou une notation fictive des copies.
Nous appelons l’ensemble des collègues de toutes les disciplines à se réunir en assemblée générale et à discuter des modalités d’action destinées à ouvrir ces négociations.
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Dans l'académie de Rouen, 29 collègues (sur 49 présents à l'AG), correcteurs de l'épreuve de Philosophie du Bac, ont décidé de prendre les copies, de les corriger mais de faire la rétention des notes jusqu'à ce qu'il y ait des négociations d'engagées, avec dépôt chez un huissier.
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Académie d'Amiens
Appel de l'AG des professeur-e-s de philosophie
de l'académie d'Amiens
Les enseignant-e-s de philosophie de l'académie d'Amiens, réuni-e-s en assemblée générale le 20 juin 2019 à la suite de leur réunion d'entente pour les corrections des copies du bac, revendiquent dans l'immédiat :
-
le maintien du baccalauréat national avec des épreuves finales ;
-
une augmentation des moyens matériels et humains accordés au service public d'éducation ;
-
des classes à 25 élèves maximum.
Plus généralement, ils demandent :
-
le retrait des réformes des lycées et du baccalauréat ;
-
le retrait des projets de loi « école de la confiance » et « transformation de la fonction publique »
Revendications adoptées avec 65 voix pour et 1 voix contre sur 66 présent-e-s.
Pour obtenir satisfaction, ils ont décidé :
-
de se réunir à nouveau en AG académique des enseignant-e-s de philosophie le 27 juin, à la suite de la réunion d'harmonisation de correction des copies du bac, et de rejoindre l'après-midi les rassemblements prévus dans le cadre de la mobilisation nationale pour la défense des services publics.
65 voix pour et 1 abstention sur 66 présent-e-s
-
de se mettre en grève reconductible le 3 juillet avec rétention des notes des copies du bac, de se rassembler devant le rectorat d'Amiens à 10 h et de se réunir en AG pour décider des suites de leur action.
64 voix pour et 2 abstentions sur 66 présent-e-s.
L’assemblée générale des professeur-e-s de philosophie de l’académie d’Amiens envoie un appel à la rétention des notes à tout-e-s les collègues de toutes les disciplines partout en France, afin de remporter enfin la victoire contre ces politiques qui entendent détruire le service public d’éducation.
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Académie de Lille
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