Le bal des cochons
Marcela Iacub est une femme d’une grande intelligence. Féministe, elle ne se situe sur aucune ligne préfabriquée. Les mamys de la Feminista comme Clémentine Autain et autres filles plan-plan ne s’y trompent pas, qui culbutent le nouveau livre de madame Iacub dans le lit de l’indignation de circonstance. Retour annoncé au puritanisme.
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Quand Iacub défendait DSK
Marcela Iacub soutient le mariage homo et le végétarisme. Elle a démoli l’enquête biaisée sur la violence faite aux femmes en 2001 en France. Elle prône la liberté de l’individu, y compris dans la prostitution. Une liberté la plus grande possible. C’est un axe central de sa pensée. J’ai du respect pour sa ligne et son acuité intellectuelle. Mais je ne comprends pas pourquoi elle écrit sur DSK. Pour moi l'affaire DSK-Diallo est terminée et cette parution n'aurait pas vraiment d'intérêt si elle ne dansait pas sur des fantômes. Plus que le livre lui-même c'est la médiatisation de M. Iacub qui m'interpelle, ainsi que le thème lâché dans le public : le cochon.
Madame Iacub a eu une relation de 7 mois avec Dominique Strauss-Kahn en 2012. Rappelons qu’elle a été une des seules féministes en France à le défendre, à réclamer avec force et conviction la présomption d’innocence, à dénoncer l’acharnement de la presse. N’écrivait-elle pas dans Libération en juin 2012, alors qu’elle était sa maîtresse, à propos d’un livre paru sur son homme :
« Des énoncés aux sources très diverses sont présentés tous azimuts comme s’ils avaient la même valeur de vérité : informations publiques, rumeurs, racontars, documents judiciaires, simples hypothèses.
(...) Et peu importe que certains faits n’aient jamais eu lieu ou qu’ils soient exagérés. Car le récit vise moins à dire la vérité historique qu’à faire la synthèse de l’opinion que se font les médias d’un homme devenu une célébrité mythologique négative depuis un peu plus d’un an. »
Quelques mois plus tard elle comparait DSK au héros de L’étranger, d’Albert camus :
« L'affaire du Carlton de Lille ressemble à maints égards au procès de Meursault. Il avait été condamné à la guillotine parce qu'il n'avait pas pleuré lors de l'enterrement de sa mère. Comme si la fonction de la justice pénale était non pas de punir les comportements illégaux, mais d'autres offenses qui n'ont aucune traduction juridique. »
Enfin elle commentait ainsi l’annonce de l’accord entre Strauss-Kahn et Nafissatou Diallo :
« Celles qui dénoncent la prostitution devraient se demander si elles ne seraient pas prêtes à laisser leurs principes de côté si on les payait, comme à la spectaculaire Nafissatou Diallo, 6 millions de dollars pour une pipe. On peut imaginer que certaines des militantes les plus acharnées seraient prêtes à se trahir pour une telle somme - fût-ce pour financer les associations qui luttent contre la prostitution. »
Les culs rigides et la porcherie
On voit donc que Iacub n’est pas la première minette venue qui aurait confondu une prise en levrette ou un cunnilingus affolant avec la légende de la domination masculine. Clémentine Autain (qui comme trois ou quatre doit penser à la présidence de la République tous les matins en s’épilant) n’aime pas. Pour elle le procès de DSK est bouclé - procès pénal ou moral, quelle importance :
« ... Marcela Iacub inverse les rôles et prend la défense du bourreau qui (...) devient victime. (...) Finalement, sa vision fait écho à l’ordre moral, comme si la sexualité était sale, comme s’il fallait se soumettre à ses codes ancestraux en acceptant le porc qui sommeille en chaque homme. »
Clémentine Autain confirme l’opinion qu’elle a des hommes et de leur sexualité : le porc sommeille en chacun d’eux. C’est là la faute initiale, fondamentale, rédhibitoire des hommes : être un porc. Ce disant elle plonge elle-même tête et corps dans l’auge aux cochons du sexisme misandre et s’y vautre sans retenue. Chacun ses goûts. Clémentine Autain surfe sur le politiquement correct d’une révolution déjà passée. Ça ne mange pas de pain. Une remarque cependant : si depuis des millénaires les femmes aiment les hommes c’est qu’une truie sommeille en elles. Bien. Entre porcs et truies on devrait s’entendre. C’est la même famille. Cela manque de romantisme, mais ça a le mérite d’être explicite. Et puis les grands sentiments et les matins de lumière n’empêchent pas de s’encanailler quelque peu.
Si les hommes doivent accepter les désirs des femmes, la réciproque est toute aussi vraie. Si l’on parle du porc qui sommeillerait en chaque homme, on devrait aussi parler des rigides du cul. Celles qui se donnent tant de peine à préserver une image parfaite qu’il ne reste aux hommes que la porcherie pour s’amuser un peu. La sexualité est objet de tensions. Oui. Il semblerait même que c’est normal. L’homme, plus insécure qu’on ne le pense, a besoin de beaucoup de signes et certains les cherchent partout. Même les Princes charmants et les chevaliers succombent à l’inquiétude reproductrice du mâle. Lancelot, fidèle parmi les fidèle du roi, baisait la femme de celui-ci, laquelle semblait aimer cela. Dans la bible, quelle femme a eu le pouvoir de faire s’accoupler Abram avec sa servante Agar parce qu’elle-même était stérile ? La femme même d’Abram, Saraï. Comment voulez-vous qu’avec de tels exemples les hommes soient autre chose que des cochons ?
Le grand collisionneur et la quête du Baisons
Ici se collisionnent avec une violence exceptionnelle la liberté et la morale. Au nom de la liberté chacun mène sa vie comme il l’entend s’il n’impose pas de contrainte à autrui. La contrainte doit être clairement définie et identifiée : elle est d’ordre physique, des corps, de la force de l’un qui asservit l’autre. Le comportement de libertinage n’est pas en soi un élément qui porterait soupçon de contrainte et permettrait de qualifier des actes d’illicites. Des riches, gros, petits, qui pètent, baisent comme de porcs et on un groin de cochon ne font rien d’illégal a priori. Pas plus que des femmes riches, opulentes, cochonnes, suceuses de queues au kilomètre, qui vont payer des gigolos sur les plages du Maroc. Ils sont immoraux peut-être, pour certains, mais pas illicite, dans un système juridique qui est basé sur le consentement individuel. La liberté individuelle est le voyant vert de ce système. Elle est la mesure et donne valeur à la morale personnelle, qui n’est plus une contrainte. C’est un choix personnel conscient. C’est pourquoi la loi doit laisser chacun choisir sa vie.
DSK représente l’équivalent du Cern sur le plan sociétal : un grand collisionneur. On y cherche la particule de Dieu - le Baisons sans Culpabilité. Il y a eu surcharge. Il a été grillé.
Tango argentin
DSK ne touchera pas de royalties sur les livres que d’autres écrivent sur lui. Pourtant il leur fait gagner beaucoup d’argent. Il devrait dorénavant faire signer un contrat avant de coucher : 50-50 sur toute publication à venir. De quoi s’offrir encore quelques fellations de porc avec quelques truies.
Mais pourquoi donc Marcela Iacub lâche-t-elle en public une aventure d’ordre privé ? Elle qui paraissait si atypique, fait-elle maintenant dans l’opportunisme pécunier ? Je n’ose quand-même pas penser qu’elle ait couché sept mois avec lui juste pour écrire son livre. Ou alors c’est du sacerdoce. Un doute m’habite : avant de le sucer la première fois, avait-elle déjà son carnet de notes dans son sac et son enregistreur ouvert ? Avant de lui laisser caresser sa chatte humide, pensait-elle au titre et à l’éditeur ? On dirait une émission de téléréalité que l’on ne sait plus comment arrêter. Chacun vient y chercher son chèque.
Quant au mot cochon il pose question. Pas tant à cause du stéréotype dénigrant habituellement jeté sur la magnifique sexualité masculine. Mais pour une raison bien plus pernicieuse. DSK est juif. Le cochon est interdit dans la religion juive. Dire d’un juif qu’il a du cochon en lui c’est comme dire à un musulman qu’il est un porc. Une injure suprême. Serait-ce le tempérament natif argentin de Marcela Iacub qui s’exprime de manière si imagée ? Quel sorte de tango a-t-elle appris dans son pays marqué par le nazisme ? L’Argentine de Juan Peron, pays où de nombreux dignitaires nazis ont fui en 1945 :
« Dans son livre de 2002, Le véritable Odessa, le chercheur argentin Uki Goñi a utilisé de nouveaux accès aux archives du pays pour démontrer que les diplomates et officiers de renseignement argentins avaient, suivant les instructions de Peron, vivement encouragé les criminels de guerre nazis et fascistes à s’établir en Argentine. » (Wiki)
Si l’écrivain Louis-Ferdinand Céline avait connu DSK, qu’aurait-il écrit ? Céline ne cachait pas son antisémitisme, comme beaucoup d’intellectuels au début du XXe siècle et jusqu’en 1940. Si Céline vivait maintenant la violence contre DSK serait encore plus forte.
Tout est bon dans le cochon
Marcela Iacub pense-t-elle a cette comédie musicale qui célébrait l’ascension d’Eva Peron, femme forte devenue icône grâce à la carrière de son président de mari ? La chante-t-elle sous la douche tous les matins ?
Une autre femme, un jour, écrira l’histoire d’un homme ordinaire, de sa démesure, de ses contradictions, de ses rêves. Il lui montrera la sexualité masculine sans fard. Saura-t-elle écrire sur la sensibilité de l’homme autant que sur sa canaillerie ? Saura-t-elle se départir du stéréotype bien pratique du cochon ? Fera-t-elle évoluer le bestiaire hors du simplisme homme-cochon ?
Une question me reste : au-delà de l’histoire d’une femme avec un homme riche et célèbre, de quoi un tel livre est-il annonciateur ? De la reconversion de Marcela Iacub dans la pub : « Tout est bon dans le cochon » ? Ce serait un bel aboutissement pour le féminisme. Le cochon étant, pour paraphraser la maîtresse du président Hollande, un « animal de merde ».
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