Le besogneux, le serrurier et la pipe de la lingère
En relisant le courriel de madame Iacub à DSK je l’imagine en lingère, faisant la lessive dans la buanderie, quand un serrurier nu survient. J’ai évoqué la teneur de ce courriel dans mon précédent billet. Elle « regrette profondément » et demande pardon à Dominique Strauss Kahn. Sa motivation était « d’essayer de comprendre ce phénomène étrange que tu es. » Une lingère a parfaitement le droit de comprendre. Ce n'est pas réservé à Michel Onfray ou à Gustave Flaubert.

La pipe légère de la lingère
Elle a même le droit d'écrire. La littérature est parsemées d’histoires, fictives ou inspirées du réel, dont le but est de mettre en scène des personnages et de tenter de décrire et découvrir leur psychologie. L’intention est louable sur le principe : comprendre ce qui anime un individu plutôt que de le monter sur un piédestal ou d’en faire un bouc émissaire. Je pense même que la littérature, à force de se poser en regard observateur des moeurs, favorise la chute des idoles laissées à elles-mêmes.
Dans l’Etranger d’Albert Camus, ce héros malgré lui, que rien de préparait à la célébrité, meurtrier un peu par hasard, est à la fois héros morbide et quidam perdu dans un monde pour lequel il n’a pas de clés. La condamnation d’un tribunal n’ouvre pas de serrure : elle ne raconte pas l’histoire du condamné, de ce qui l’a amené à cette situation. Par histoire je n’entends pas en faire une victime de la société, mais bien plus de comprendre un parcours, une manière de voir le monde hors de la pénitence, de découvrir les failles ou désirs dans lesquelles un comportement s’est peu à peu construit.
Dans ce sens DSK appartient d’abord à sa propre histoire. Et je doute que l’on en sache plus un jour. Qu’est-ce qui conduit à une telle frénésie de sexe ? Il serait intéressant d’en comprendre les mécanismes ou la motivation. Mais il n’en parlera pas car quoi qu’il dise il est désormais suspect. Mais suspect moralement car en l'absence de toute condamnation il n'est coupable pénalement de rien, n'en déplaise à ceux qui veulent refaire la justice au Café du Commerce. Indépendemment de toute position des uns ou des autres c'est la réalité objective en l'état.
On peut le juger moralement et le prendre comme « modèle sombre » de ce qui n’est pas bien. Soit. On peut même en faire un bouc émissaire. Mais rien de plus. D'ailleurs il est amusant de le voir condamné moralement par certaines féministes (C. Autain, p.e.) pour un comportement sexuel qui n'est que l'expression de la révolution sexuelle et la liberté individuelle voulues à l'époque par ces mêmes féministes. Le comble de la confusion des valeurs ! Il est amusant également de voir Marcela Iacub le traiter de cochon alors qu'elle-même ne fait rien d'autre que partager avec lui le même goût du stupre, du sperme et de la fornication. Qu'elle ait été en service commandé n'y change rien - ou plutôt si : en flinguant DSK sur sa sticte vie privée elle se suicide elle-même en public. Pour ce qui est de la sexualité, j’imagine que DSK n’est pas le seul conjoint adultérin, pas le seul humain à aimer les coups furtifs ou l’abondance de partenaires, mais il est celui dont on parle. Son histoire n’a fait le tour du monde que par sa notoriété et sa position sociale. Je doute qu’une pipe légère administrée vite fait par une lingère à un serrurier de passage aurait eu le même succès médiatique.
La vdm du besogneux
La notoriété expose désormais à ce que chaque coup tiré puisse être consigné, décrit, enregistré, avec la durée, la taille de l’objet, la photo du slip, les fantaisies, et à ce que la personne célèbre se retrouve sur les rayons d’une librairie, mise en boîte selon les fantasmes d’un besogneux ou d’une comptable du sexe qui récupère son 13e salaire. Qui donc écrira un jour, sans fard, la vdm (vie de merde) dépourvue d’éthique des besogneux, qui ne valent pas mieux que les « grands » dont ils se délectent ?
Dans une société devenue maniaque de la propreté morale Marcela Iacub est payée pour laver le linge sale. Le lecteur paie pour voir l’eau noire s’écouler de la machine et pour chercher les taches de sperme sur le linge qui sèche. En payant le lecteur nourrit ses fantasmes ou sa certitude d’être meilleur que le monstre. On soigne sa vie de merde comme on peut. La lingère quant à elle rentre chez soi avec son chèque. Pipe en sus. Rien de nouveau sous le soleil.
La légèreté du serrurrier
Mais un aspect reste comme un gros point d’interrogation. Madame Iacub parle des gens qui l’auraient poussée à écrire ce livre :
« Les gens avec lesquels j’ai travaillé m’ont un peu dégoûté après coup parce qu’ils se sont servis de moi comme d’un instrument pour te nuire. (...) Mon livre sur ton affaire américaine je l’ai écrit parce que ce sont eux qui me l’ont demandé. »
Qui sont ces gens, ces « ils » qui restent là comme des fantômes et dont elle n’aurait pas vu l’intention initiale ? Si elle admet en être le bras armé, qui sont ses commanditaires ?
On peut supposer qu’il y a l’équipe de Laurent Joffrin (du Nouvel Observateur), l’idiot utile de service. Aurait-il eu, lui tout seul, l’audace de mettre en place un tel plan ? La lingère Iacub et le commis-voyageur Joffrin ont-ils monté ce coup à eux seuls ? Il semble que non puisqu’elle dit « ils » au pluriel.
« Ils », et rien de plus. La lingère Iacub fait penser au petit enfant pris la main dans le pot de confiture et qui dit, avec de grands yeux candides : « C’est pas moi c’est eux ». Eux étant à choix, les grands, les fantômes, ou les pulsions personnelles sur lesquelles elle n’a pas encore su poser un langage.
Mais si c’est un vrai complot, il faudrait aller plus loin. Ce courriel est trop pudique. Des noms ! Et que ça saigne ! Lingère Marcela, la balle est dans votre camp. A vous de tirer un coup en direction des commanditaires. Que jaillisse le sperme de la vérité, la lessive liquide purificatrice, la balle à blanc qui montre les noirs desseins des gens de l’ombre.
Quant au serrurier, s’il apprécie les pipes légères de la lingère, il devrait quand-même éviter de se promener tout nu dans la buanderie. Même sous le prétexte de vérifier les serrures et de tester l’allée et venue du pêne dans la gâche. Une autre que la lingère aurait pu s’en offusquer. Et puis ce qui nous intéresse, ce n’est pas si le pêne glisse dans la gâche, c’est : « Qui est derrière la porte de la buanderie ? Qui sont ces « ils », ces drôles d’oiseaux, nom d’une pipe ? »
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