Le budget de l’armée en déroute pour 2.2 milliards d’euros
L'armée a besoin de 2.2 milliards d'euros.
Pour un budget, pensions comprises, de 42 Md€, ça fait environ 5%. Ce n'est pas énorme, mais faudra-t-il taper dans les 16,7 Md€ de l'équipement ? Ou dans les 10,8 Md€ de la masse salariale ?
Ce trou correspond à la recette exceptionnelle de 2,2 milliards attendue de la vente de fréquences hertziennes militaires mais devenue de plus en plus fantomatique, et, même si elle se réalisait, apparemment très surévaluée.
C'est un déficit de 5% sans compter les faux frais comme les pénalités pour les Mistral que nous refusons de vendre à la Russie.
Alors, sur quoi raboter ?
D'un côté sur le personnel avec 9.000 soldats français qui sont engagés sur le terrain, Mali, Irak, etc, avec en ligne de mire les crises internationales qui se multiplient ?
De l'autre sur du matériel vieux de 40 à 50 ans, tels les ravitailleurs en vol et les véhicules blindés légers (VAB), qui sont vétustes ou obsolètes ?
En France on n'a pas de pétrole ni de sous, mais on a des idées. Le ministère de la Défense innove en créant des "sociétés de projets" ou SPV (Special Purpose Vehicle) auxquelles l'armée vendra du matériel (avions, navires...) pour le lui relouer aussitôt. A terme, l'ensemble des coûts de location a de fortes chances d'être plus élevé qu'un achat, mais à court terme, le budget est gagnant et tout le monde est content, surtout les adorateurs du déficit de moins de 3%. Tant pis si les coûts des frais de gestion et des frais techniques sont de 10 %, soit 200 millions de frais supplémentaires pour un montant de 2 milliards d'euros.
Il y a aussi des avantages juridiques : alors que les revenus issus des cessions de participations de l'État ne sont employables qu'à des opérations d'investissement capitalistique ou de désendettement de l'État, ces sociétés peuvent les recevoir directement et rembourser l'État.
Des députés ont bien tiqué en flairant une cavalerie budgétaire, le ministre a répondu que non.
Comme 2 milliards ne se trouvent pas sous les sabots d'un cheval, regardons comment sont gérés les 42 milliards du budget du ministère. Avec quelle ardeur le gaspillage est-il chassé ?
Les vieux qui ont fait leur service militaire se rappellent ces histoires de camions qui vrombissaient pour consommer leur ration de carburant dans le but obtenir au moins autant l'année suivante. La règle colportée était que toute ligne de crédit avec du rab à la fin de l'année risquait d'être diminuée. Est-ce que ces dépenses réelles ou légendaires, dans le seul but de maintenir des crédits, existent de nos jours ? Je ne sais pas.
Mais en tant qu'informaticien je relèverai deux bugs, Louvois et les logiciels de Microsoft, sans prétendre les évaluer à 2 milliards. Quoique.
Le 22 novembre 2013, Louvois, le progiciel de traitement des soldes militaires a été officiellement condamné à mort. C'est un logiciel de gestion de la solde des militaires français, véritable ennemi de l'intérieur qui a plongé 160.000 familles dans le chaos depuis son installation en 2011. Ce « logiciel fou » a donné des paies de 200 euros, de 50 euros, voire moins.
En avril 2013 Jean-Paul Bodin, le secrétaire général pour l'administration (SGA), avait reconnu que l'armée devait "faire face à des trop-versés d'environ 100 millions d'euros, ainsi qu'à toute une série de reprises d'avance de solde qui n'ont pas été effectuées en 2012, des erreurs d'imputation ou des doubles paiements d'indemnités".
Le ministère du Budget avait annoncé à son lancement des économies de 600 millions d'euros sur les dix années à venir et un exemple d'économie et de sécurité des agents. La Cour des comptes a constaté tout l'inverse.
Les logiciels de Microsoft ne sont pas la tasse de thé de l'April, l'association du logiciel libre, encore moins quand en 2009, le ministère de la Défense signe un juteux contrat dit « Open Bar » avec l’éditeur Microsoft ; un accord-cadre réalisé sans appel d’offres ni mise en concurrence du logiciel libre, malgré de nombreux avis défavorables, au prix de nombreux abandons des principes relatifs aux achats publics et dans le plus grand secret.
Alors, que dit-on, Microsoft Irlande ? On dit merci l'optimisation fiscale et les Etats qui la favorisent au détriment de leurs recettes !
http://www.april.org/open-bar-microsoftdefense-renouvele-jusquen-2017-quand-des-changements
Paris, le 22 janvier 2014. Communiqué de presse.
Fin décembre 2013, le ministère de la Défense a donné suite à notre demande de communication de documents administratifs sur le contrat « Open Bar » passé avec Microsoft.
Nous avons donc reçu le nouveau contrat pour la période 2013-2017, ainsi que l'acte d'engagement du marché subséquent et la note du secrétariat général pour l'administration portant sur le renouvellement de l'accord-cadre.
Ces documents confirment que le contrat « Open Bar » a bien été renouvelé en 2013 et, malgré un caviardage important, donnent quelques éléments sur la taille du contrat, ainsi que sur la dépendance toujours plus grande du ministère de la Défense à Microsoft. Malgré les changements à la tête de l'État et dans les administrations depuis 2012, la politique de partenariat privilégié avec Microsoft se poursuit.
… Si on ne connaît pas les montants exacts du contrat, puisqu'ils ont été noircis, celui-ci porte sur au moins 200 000 postes.…
« Pas un mot des problématiques de surveillances ou des portes dérobées présentes dans les logiciels privateurs, alors que cela représente un danger immédiat pour la sécurité nationale » ajoute Frédéric Couchet, délégué général de l'April. « Au contraire, on voit dans ce dossier la volonté de suivre aveuglément un choix pourtant dangereux pour la sécurité nationale et l'indépendance technologique. »
..
Article de Médiapart du jeudi 12 décembre 2013, dans lequel un acteur du dossier témoignait
« Je suis un militaire. Et je dois dire que je ne suis pas très fier de mon pays », poursuit-il. « J’aurais pu accepter beaucoup de choses, mais à partir du moment où on m’explique pourquoi. Là, nous n’avons jamais eu de réponse. La devise pour laquelle nous nous battons, et pour laquelle certains d’entre-nous ont versé leur sang, c’est « Liberté, égalité, fraternité ». Dans ce dossier, nous avons bradé notre liberté, nous avons trahi notre pays. Et encore aujourd’hui, je suis incapable de vous dire pourquoi… »
Les petits ruisseaux font les grandes rivières.
Et les petites centaines de millions les milliards manquants ?
Autres références :
https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Le-systeme-de-paye-Louvois
http://www.defense.gouv.fr/sga/le-sga-en-action/budget-finances-de-la-defense/budget
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