Le Bwali, rite initiatique de la tribu Lega, en RD Congo
A l’instar des autres rites initiatiques en RD Congo, le Bwali, rite identitaire du peuple Lega, n’a pas survécu à la guerre qui a secoué le pays depuis 1996.
A la fin de l’année scolaire qui coïncide avec le début de grandes vacances, quand les élèves quittent les écoles, une voix résonne, vers 18 heures, dans tous les villages des zones de Mwenga, Shabunada et Pangi, pour demander aux femmes du village d’apprêter leurs jeunes garçons afin qu’ils aillent participer aux rites initiatiques destinés à les préparer à vie adulte.
Le rite lega, dénommé Bwali, est l’un des rites les plus anciens de la multitude des tribus présentes en RD Congo.
La tribu Lega est parmi les plus importantes de la RD Congo, et elle couvre pratiquement trois grandes zones au Sud Kivi et Maniema, notamment celles de Mwenga, Shabunda et Pangi. La superficie de ces trois zones est plus grande que le Burundi, le Rwanda et l’Ouganda réunis.
La RD Congo comprend plus de trois cents tribus, et chaque tribu a ses rites initiatiques pour préparer les jeunes de sexe masculin à la vie adulte. La zone de Mwenga est à presque 70 kilomètres de la ville de Bukavu, chef-lieu du Sud Kivu, et elle constitue le point de départ des jeunes qui sont appelés à participer à ce rite. Cependant, avant leur départ, leurs familes doivent leur préparer les provisions, spécialement des coqs vivants qui seront égorgés en présence de leur dieu appelé Kimbilikiti.
Kimbilikiti, dieu des legas, est l’incarnation de l’identité de la tribu Lega, qui comprend plus d’un million d’índiviudus. Ce dieu est sensé protéger la culture lega, centrée sur la solidarité mutuelle et sur l’amour du prochain. Au moment du départ pour le rite, qui se déroule dans la forêt éparpillée le long de ces trois zones, les jeunes garçons, dont l’âge varie entre 14 et 17 ans, doivent se déshabiller et porter un simple linge pour se couvrir le sexe. A la date de départ pour le rite, la fête est organisée dans tous les villages, les poules sont égorgées et mangées en présence des chefs des villages.
La durée de l’initiation est de trente jours, et les jeunes hommes sont tenus de garder un secret total sur tout ce qui se passera pendant la durée de leur séjour. Les conversations sur ce sujet devraient se passer entre les initiés seulement, c’est-à-dire les personnes qui ont déjà particiupé à ce rite. Les non-initiés ne sauront jamais ce qui se passe tant qu’ils n’auront pas vécu leur propre expérience.
Cette pratique initiatique créait une cohésion sociale dans la population lega répartie dans ces trois zones, bien que leur dialectes fussent différents. Il était facile, pour tous les legas dispersés dans les autres provinces de la RD Congo ou dans les pays voisins, de se reconnaître grâce à ce rite.
Ce n’est pas la langue ou la coutume qui faisait leur union, mais la reconnaissance et la participation à ce rite. Malheureusement, la guerre, qui a commencé en 1996, n’a pas permis à ces jeunes de continuer à participer à ce rite, parce que la moitié de la population de ces zones a fui les combats, et la voix de leur dieu kimbilikiti ne résonnait plus pendant la période des vacances.
Comme le bruit des armes ne fait pas seulement peur aux humains et aux animaux, mais aussi aux esprits censés les protéger, la voix du dieu des Lega a disparu dans cette partie de la RD Congo.
Malgré une certaine accalmie dans cette province, le Sud Kivu reste toujours dangereux, parce que tous les groupes armés en ont fait leur zone de repli. Et comme tout rassemblement et tout regroupement reste suspect aux yeux des autorités, cette initiation, qui faisait l’unité de la tribu Lega, a disparu.
En attendant que la paix effective revienne pour que le dieu des Lega se manifeste, la jeune génération dispersée dans tous les pays voisins et dans le monde à cause de la guerre est en train de se demander quand et comment elle pourra participer à nouveau à ce rite, dont ses aînés et parents considèrent qu’il donne une identité commune.
Ce rite restera comme un mystère pour la géneration future lega, aussi longtemps que la paix ne sera pas présente en RD Congo.
Source :
Kilosho Barthélemy Covalence Genève
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