Le cadeau empoisonné des États-Unis aux futures générations syriennes…
Le 10 novembre dernier, l’USAID (l’Agence des États-Unis pour le Développement international) annonçait :
- « Un partenaire de l’USAID dans le nord-est de la Syrie continue de distribuer de la farine de blé aux boulangeries locales pour fournir du pain aux familles déplacées, aux réfugiés et aux communautés d’accueil des personnes vulnérables. Après une saison de précipitations extrêmement faibles, cette aide est encore plus cruciale pour améliorer la sécurité alimentaire ».
Pour rappel, le nord-est de la Syrie est illégalement occupé par les États-Unis qui soutiennent les forces séparatistes armées regroupées sous l’acronyme « FDS », avec la lettre D pour démocratiques et la lettre S pour syriennes.
Le 18 novembre, la correspondante syrienne d’Al-Mayadeen TV à Damas, Madame Dima Nassif, présentait une autre annonce publiée par le site de l’ambassade américaine quelques jours plus tôt, concernant cette fois la livraison de « semences de blé » :
Sauf que Madame Nassif a dit dans son rapport que cette offre de semences de blé par l’USAID ouvrait à nouveau le dossier de la plus dangereuse des guerres étasuniennes contre la sécurité alimentaire syrienne. Pourquoi ?
Nous n’avons pas tardé à le savoir. En effet, le 23 novembre l’agence de presse officielle syrienne, SANA, faisait savoir que les tests des laboratoires du Ministère de l’Agriculture avaient montré que des échantillons, prélevés à partir des semences livrées aux agriculteurs du nord-est du pays par l’USAID, étaient contaminés par une espèce de nématodes particulièrement ravageuse pour les récoltes à venir2. Puis, le 26 novembre, le préfet de la région de Hassake, le général Ghassan al-Khalil, précisait à la télévision syrienne, Al-Akhbariya, que contrairement à ce qui avait été dit, ces semences n’étaient pas d’origine turque mais d’origine étasunienne. Nous rapportons ici l’essentiel de sa déclaration :
« Il a été porté à notre connaissance que des semences sont entrées dans la région de Hassake via la frontière turque. Nous avons immédiatement reçu et analysé des échantillons de cet arrivage. Les résultats ont montré une contamination de l’ordre de 0,3% par un parasite de la famille des Nématodes, une maladie qui tue la terre au bout d’une ou deux moissons. C’est pourquoi, il ne faut absolument pas semer ces graines pour trois raisons : 1/ l’association fréquente avec un autre parasite entraînant la pourriture des épis ; 2/ baisse de la germination de plus de 80% ; 3/ présence de plus de 3% de graines cassées.
Quant à l’origine des ces semences, il a été déclaré qu’elles étaient d’origine turque parce que les sacs étaient estampillés ADANA. En fait, elles sont d’origine américaine et portent l’inscription : Don du peuple américain. Ont-elles été mélangées avec des semences turques ? C’est une autre affaire.
Nous, nous aurions aimé que le peuple américain ne nous offre pas des semences destructrices de nos moissons. Nous aurions aimé que les États-Unis ne prennent pas les graines de notre sol pour les planter dans leurs différents États et ensuite venir nous faire don de leurs mauvaises graines, afin de nous rendre dépendants et nous amener à importer leur blé, comme ils ont procédé en Égypte suite aux accords de Camp David.
Dès que nous avons reçu les résultats des tests sur des échantillons de ces semences, nous avons prévenu nos frères agriculteurs via les préfectures, les médias et les réseaux sociaux, afin qu’ils se gardent de les semer. Ce dont il n’a pas été difficile de les convaincre.
Quant au représentant des Nations Unies sur place, nous l’avons en effet informé qu’en plus de tous ses méfaits, dont le vol des silos de blé et du pétrole, l’occupant américain cherche maintenant à détruire notre sol par le biais de ces semences. Des semences dangereuses étant donné qu’elles contiennent 0,3% de nématodes, alors qu’une seule graine peut détruire un champ entier et circuler d’un champ à l’autre. Il nous faudrait des millions de dollars et plus de sept années pour nous en débarrasser. Et il est possible que nous ne puissions pas y arriver »3…
Fallait-il que le préfet de la région de Hassake détaille ce qu’il entendait par : « Nous aurions aimé que les États-Unis ne prennent pas les graines de notre sol… » ?
- Icarda – Alep
Les médias du monde entier ont parlé du transport de l’inestimable banque de semences du centre ICARDA d’Alep, transportées clandestinement vers l’archipel arctique du Svalbard en Norvège, alors que son centre de recherche était délocalisé au Liban et au Maroc, parce que le bâtiment subissait les attaques des terroristes « révolutionnaires », lesquels ont fini par l’occuper et le laisser en ruines. Un centre consacré à la protection et à la préservation des cultures dans les régions les plus arides, et dont les milliers d’échantillons contenaient l’héritage des prémices de l’agriculture, puisque les premières cultures que le monde ait jamais connues sont nées en Syrie et que le paysan syrien vit et respire au rythme de sa terre depuis la nuit des temps.
Ce qui est scandaleux, ce n’est pas que d’autres peuples aient profité de ces semences syriennes, mais que ceux qui en ont profité cherchent maintenant à stériliser la terre qui les a engendrées. Et les États-Unis en ont profité.
C’est en tout cas ce qui ressort d’un article de 2018 publié par la Yale School of The environment, intitulé « How Seeds from War-Torn Syria Could Help Save American Wheat » [en français : Comment les semences de la Syrie déchirée par la guerre pourraient aider à sauver le blé américain].
Brièvement, l’auteur – qui, soit dit en passant, adopte la version de la coalition dite internationale quant aux raisons de la guerre en Syrie – dit clairement que pour lutter contre les maladies ravageuses des cultures de blé, maladies aggravées par le réchauffement climatique et par la perte de diversité alarmante des semences dans toutes les régions des USA, les chercheurs se sont tournés vers des graines évacuées de Syrie.
Ainsi une herbe ancienne, l’Aegopolis tauschii, qui pousse à l’état sauvage sur les collines entourant Tal Hadya à Alep s’est révélée résistante à une longue liste de maladies de céréales : naine jaune de l’orge, virus de la mosaïque, rouille du blé, ainsi que la mouche de Hesse qui faisait des ravages dans le Kansas. Par ailleurs, d’autres graines provenant de Syrie se sont révélées résistantes à la fusariose, un champignon virulent qui détruit les plants de blé, et pourraient ainsi aidé des agriculteurs de l’Illinois et du Dakota à sauver leurs moissons.
L’auteur ajoute que suite à la série d’expériences de modifications génétiques réussies et achevées en avril 2018, il a été officiellement décidé d’intégrer les survivants aux attaques de la mouche Hesse dans la sélection des variétés de blé américain destinées au commerce et de disperser les Aegilops tauschii auprès des sélectionneurs américains. Si bien que les semences syriennes « pourraient se retrouver très bientôt dans les aliments consommés par les Américains… »4.
Mais quelles seraient les autres conséquences d’une telle manœuvre ?
C’est le parlementaire, Khaled Abboud, présent sur le plateau d’Al-Akhbariya TV qui a répondu à cette interrogation. Il a rappelé qu’à partir des années 60 l’État syrien a pris le contrôle de la production de blé, subventionnant les cultivateurs, investissant dans l’irrigation, construisant des installations de stockage, garantissant l’achat des récoltes, etc. pour atteindre l’autosuffisance en blé, dans l’idée stratégique de garantir la sécurité alimentaire, l’indépendance et la stabilité sociale et politique du pays. Par conséquent, lorsque les USA introduisent de telles semences après avoir échoué à atteindre leur principal objectif, ils s’en prennent à ce pilier stratégique de l’indépendance de la Syrie et de sa stabilité, d’autant plus qu’ils devront se retirer tôt ou tard.
Il a aussi rappelé que mis à part le fait que ces semences infectées « brûlent » la terre pour des années au bout d’une à deux moissons, le recours de certains pays de la région aux grands semenciers étrangers s’est soldé par une baisse du rendement obligeant les agriculteurs à acheter des semences tous les ans. Raison pour laquelle, Paul Bremer, l’administrateur américain provisoire de la coalition internationale en Irak, de mai 2003 à juin 2007, aurait décrété à la fin de son mandat que les agriculteurs ne devaient pas planter leurs propres semences car les États-Unis allaient leur fournir des semences de bien meilleure qualité.
Finalement, la sécheresse a bon dos. Après le vol des récoltes de blé par camions entiers expédiés vers l’Irak ou la Turquie et les incendies provoqués des champs de blés, cette offrande des USA prétendument destinée à assurer la sécurité alimentaire dans les zones contrôlées par les séparatistes, devait empoisonner la terre syrienne déjà suffisamment maltraitée par l’usage de bombes à uranium appauvri dans leur prétendue guerre contre Daech et la guerre de l’eau menée par leur allié turc.
Reste à espérer que les 74 agriculteurs de la région nord-est qui ont reçu 2,5 tonnes de ces semences contaminées, comme l’a déclaré le directeur de l’Agriculture, l’ingénieur Saïd Jiji5, pourront les neutraliser d’une façon ou d’une autre, surtout que l’État syrien a mis à leur disposition toutes les semences originales nécessaires. Sinon, de tous les dommages qui pèseront sur les générations syriennes futures, ce dernier cadeau empoisonné de l’USAID pourrait être le plus durable et le plus destructeur de la guerre cruelle sur la Syrie.
Mouna Alno-Nakhal
- L’intervention de Dima Nassif sur Al-Mayadeen TV https://www.youtube.com/watch?v=FHqvAZr3jso
- « Les tests des laboratoires confirment l’invalidité de la semence de blé distribuée par l’occupation américaine dans la banlieue de Hassaké »
- L’émission d’Al-Akhbariya à propos du cadeau empoisonné de l’USAID
- « How Seeds from War-Torn Syria Could Help Save American Wheat »
- « 74 agriculteurs de la région nord-est ont reçu 2,5 tonnes des semences de l’USAID »
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