Le capitaine dans la tempête
Et pourtant la mer est d'huile ….
Voilà donc cette affiche qui va couvrir nos murs, envahir l'espace public pour nous imposer une autre image du petit homme. Durant cinq années, il s'est montré agité, tourmenté, agressif, prétentieux. Le voici débarrassé de ses attributs magnifiques. Point de Ray Ban ni de portable consulté de manière compulsive, pas de Rolex visible, sa majesté se présente en toute simplicité.
Il a changé et vous devez le croire sur image ( on ne vous demandera pas d'accréditer sa parole, vous savez trop qu'elle n'engage que ceux qui sont assez naïfs pour la croire). Il apparaît calme et serein, esquissant même un léger sourire enfin départi de son air narquois. Il a le front dégagé, le regard clair, vous pouvez avoir confiance en lui.
Il fait dos à la mer, lui qui se présente pourtant comme le capitaine d'un navire dans la tourmente. Il oriente son regard vers le levant. Adieu l'Amérique et ce modèle qui a échoué. C'est vers le voisin Allemand que notre candidat lorgne avec respect. La tentation était grande de glisser un modeste pédalo en fond d'image, mais il ne faut tout de même pas exagérer.
Le ciel est bleu, bleu d'un horizon qui se coupe jusqu'aux Vosges et un peu au-delà. Pas de soleil couchant, aucune teinte rouge. Bleu, blanc, noir, les nouvelles couleurs d'une France qui va abandonner son modèle social, l'héritage du conseil national de la résistance. C'en est fini des faiblesses et des mollesses, à droite toute, l'image ne trompe pas.
Bien carré sur la partie gauche de l'affiche, le grand homme est en gros plan. C'est lui et lui seul qui tient le cap. Il est la tête pensante d'un redressement annoncé qui tourne le dos définitivement à la gauche, au peuple. Nulle trace d'humain, pas de vie en dehors de cette présence tutélaire. Il est seul aux commandes et c'est même un sacré coup de barre à droite.
Il ne nous fait pas face, il n'est pas temps de se regarder dans les yeux et de dresser d'abord le bilan du mandat passé. Ce profil évite l'inventaire, seul compte désormais les lendemains qui chanteront à nouveau. Le slogan est d'ailleurs sans ambiguïté, ce seront des chants martiaux pour une France forte qu'il s'agira de remettre au pas !
La France Forte : FFL à l'envers, le petit signe subliminal pour l'ombre tutélaire du grand Charles qui ne doit pas se reconnaître dans cet agité qui tient du cabri. Force Française Libre, humour déplacé pour une France livrée pieds et poings liés au modèle allemand et à une Europe qui nie les peuples. Les vrais Gaullistes doivent s'étrangler mais ils sont habitués désormais à se plier face à ce géant.
La France est première, la France est grande avec son petit homme. Il fallait trouver un adjectif plus court que les six lettres de son patronyme. Les cinq de Forte feront bien l'affaire et nous placent explicitement dans un projet qui exigera qu'aucune autre tête ne dépasse. Et pour démontrer que chacun doit s'effacer devant la nation, le nom du désormais candidat n'apparait qu'en lettres ridicules au pied de l'affiche. Il est même curieux de constater que Sarko seul reste visible, comme si la terminaison exotique devait disparaître dans la chemise blanche du notable.
Le corps est nié, pas de bras ni de jambes, pas de buste, seul la tête apparaît dans ce portrait qui pour les besoins du message droitier accepte de montrer en évidence, ce bouton qui focalise tous les regards. C'est le retour à l'humain, à l'homme imparfait qui nous dira bientôt : « Je vais vous écouter ! ».
Demain, le calme de cette affiche sera contredit par les coups d'éclats permanents de la campagne, par les trépidations incessantes d'un homme trop pressé pour se retourner et faire son bilan. Demain pourtant cette affiche nous renverra une image en trompe l'œil et il y aura encore bien des naïfs pour accorder créance à celui qui a creusé la dette de façon abyssale.
Iconographiquement sien.
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