Le capital au XXIème siècle de Piketty adapté au cinéma : un excellent documentaire !
Adapter un essai politique au cinéma n'est pas chose aisée. Thomas Piketty et Justin Pemberton ont relevé le défi avec un certain bonheur, en illustrant leur documentaire d'extraits de films historiques et d'entrevues avec des économistes anglo-saxons revenus des délires ultra-libéraux de Milton Friedmann.
J'ai assisté à une projection du Capital au XXIème proposé par le cinéma associatif du bourg breton où je passais quelques jours de vacances. Sans enthousiasme au départ, car je craignais subir un baratin convenu d'écolo-bobo bien pensant. Ce ne fut pas le cas, car ce film s'est révélé pédagogue, bien argumenté et pleins de perspectives.
Les auteurs reviennent sur la notion de capital, d'accumulation des richesses, depuis les origines du libéralisme au XVIIIème siècle. La logique est toujours la même : les riches veulent être de plus en plus riches et se moquent de l'intérêt général, dont le sort du petit peuple. Du capitalisme féodal et aristocratiques aux sociétés écrans côtées en bourse, de Versailles aux paradis fiscaux contemporains, une règle s'est toujours imposée : c'est l'absence de... règle et la faiblesse de l'état qui permet aux rentiers d'accumuler du profit quand le peuple doit trimer pour se loger et se nourrir.
Ce n'est pas un hasard si les libéraux détestent les services publics et les frontières douanières. Les lois, c'est pour les pauvres proclamait un caid du film Borsalino. Rien n'est moins vrai dans un système ultra-libéral basé sur la spéculation, qui rend impossible l'ascenseur social par le mérite, l'éducation et le travail. Comme au XVIIIème siècle, c'est l'héritage qui fait désormais la fortune des jeunes. Comme il y a 300 ans, nous revenons à une société de la reproduction sociale.
Piketty rappelle que tout est question de volonté politique pour redistribuer les richesses. En taxant les paradis fiscaux, en nationalisant les industries de première nécessité, en permettant un accès au logement pour tous. Homme de gauche, il oublie que le rétablissement des frontières pour mieux contrôler les flux de capitaux est aussi une nécéssité, et que l'unité culturelle d'un peuple est également un atout contre les dérégulations. En citant l'exemple chinois, où les pauvres ont aussi bénéficié d'une amélioration de leur niveau de vie depuis 1980 (+800% de revenus contre 2000% pour les élites chinoises), il laisse entendre sans le vouloir que l'unité biologique et culturelle du peuple chinois joue un rôle. Piketty cite cependant la Chine pour démontrer que la présence d'un état fort (officiellement, la Chine est toujours marxiste-léniniste) permet de réguler l'économie. Le modèle chinois n'a rien à voir avec la logique Reagan-Thatcher, cette dernière ayant elle-même profité du welfare state pour étudier et accèder aux classes supérieures de la société ; une possibilité qu'elle a interdit aux jeunes anglais de par sa politique antisociale.
En Europe, les jeunes générations vivent plus mal que leurs ainés. Le coût de la vie est plus élevé qu'en 1990, alors que les salaires ont stagné, chacun l'a constaté pour soi-même et ses proches. Thomas Piketty qu'il ne s'agit pas d'une fatalité et que tout peut changer par volonté politique. D'où son inquiétude : nos peuples abrutis par les médias pourront-ils sortir de cette logique orwellienne ou les conséquences inévitables au capitalisme intégral (guerres, révolutions, émeutes etc.) se répéteront-elles une nouvelle fois ?
1% de la population possède plus que les 99% restants. Une incroyable logique à l'époque du tout numérique et d'une époque présentée comme la fin de l'histoire. Mais la fin de quelle histoire au juste ? Celle de la civilisation et de la morale ?
Extrait du documentaire :
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19586264&cfilm=247518.html
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