Le CHAOS, vous dis-je !
Je ne pensais pas que l’un des exemples du blocage de notre société viendrait de ce côté là, mais l’exemple d’Air France est un cas d’école à tous les niveaux.
Après les portiques “Écotaxe“, les incendies de Morlaix, la grève d’Air France !
Ce qui pourrait paraître comme un contre exemple, devient un cas symptomatique.
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH107/images-458-1a6f2.jpg)
Air France est une des plus vieilles compagnies au monde et elle jouissait d’une très bonne réputation il y a encore 20 ans.
Depuis de nombreuses années, son image se dégrade et la concurrence est rude.
Sur les longs courriers :
L’image de luxe à la “Française“ a disparu du fait de l’apparition de nouvelles compagnies (notamment du Golf) qui mettent sur les lignes long courrier des appareils plus récents, moins gourmands, mieux équipés, avec des équipages très bien formés qui ont des salaires inférieurs à ± 30 à 50 % et qui travaillent ± 36 % de plus (sans parler du carburant où ils s’approvisionnent presque partout dans le monde à prix / équivalent national).
Conclusion : Air France perd des parts de marché sur les longs courriers et avait déjà entrepris une réforme qui devait lui permettre de redevenir compétitive (réforme structurelle et dégraissage dont les salariés les moins rémunérés avaient supporté le principal des contraintes).
Sur les moyens et courts courriers :
C’est l’un des marchés où Air France pouvait espérer se rattraper puisqu’en croissance régulière. Pour cela, il faut se doter d’un outil qui puisse supporter la concurrence, moins exacerbée car principalement entre compagnies Européennes.
D’où, la filiale lowcost Transavia qui doit, pour avoir une chance de prendre une part du gâteau qui croit régulièrement, affronter à coût identique les compagnies qui se sont déjà installées sur le créneau (EasyJet, flybe.com, Ryanair, Volotea,…).
Ces compagnies sont déjà installées et pratiquent des tarifs très concurrentiels du fait que tous les éléments de confort superflu sont supprimés et par des prix de revient drastiquement réduits, y compris sur les coûts d’équipages navigants.
Sur ces compagnies, les pilotes volent bien plus qu’à Air France (±700 h./an “Lufthansa, B. A.“ à ± 850 h./an “Ryanair, easyJet“ contre ± 600 h./an chez Air France) pour des salaires nets assez proches.
Mais les avantages sociaux dont disposent les pilotes d’Air France (Départ en retraites avancé, retraite complémentaire automatique, mutuelle santé spéciale, comité d’entreprise, lez siège GP (Vol à 10 % pour les navigants et leur famille sur l’ensemble des avions de la Cie.,…) représentent en plus un élément important de la rétribution qui n’est pas taxé.
En plus, Transavia, dispose de Boing 737 et les pilotes d’Air France volent sur Airbus 320. Ils ne veulent pas changer leurs habitudes et refusent de passer les qualifications pour un autre modèle auquel ils ne sont pas habitués.
D’une façon générale, les autres compagnies lowcost disposent d’une flotte unique et les équipages/aéronefs peuvent donc être intervertis sans problème.
Voici pour le tableau général.
Sur le plan économique.
Il n’échappera à personne que pour prendre une part de gâteau significative d’un marché lowcost, il est au moins nécessaire de travailler à un coût équivalent avec une proposition suffisamment étendue pour être réellement en concurrence sur l’ensemble d’un marché. Il est donc manifeste que Transavia ne disposera pas de cet atout à la fois pour des raisons de coût, d’image et de couverture cohérente du réseau Européen puisque le projet d’extension est abandonné.
Cette grève a couté directement l’achat de 3 Boeing 737 neufs, sans conter les dédommagements des passagers et voyagistes, et le cours en bourse s’est déjà effondré de 15 %, et KLM regrette son alliance avec Air France.
Au niveau de la défense des avantages acquis.
Les pilotes, se sont donc mis en grève afin de maintenir leurs avantages acquis, comme la majorité des grévistes en France. Mis à part le fait que ce sont les plus grassement rémunérés de la corporation par rapport au temps de vol effectif, ils veulent en sus imposer que tous les pilotes de Transavia disposent des mêmes contrats que les pilotes d’Air France alors que les leurs ne sont pas menacés (c’est un moyen pour garantir leur pérennité et leur confort, et tous les autres avantages exorbitants en plus du salaire).
Ce matin, arrêt de la grève sans accord ! Comme disait Faulkner « quand une guerre arrive au point où les batailles ne rapportent même plus à ceux qui gagnent, il est temps de s’arrêter ». Mais là, en sus, tout le monde est perdant !
Au niveau de l’ingérence du gouvernement et de son mode de fonctionnement.
Le gouvernement a, une nouvelle fois, eu une attitude totalement irresponsable et erratique. D’une part, il faut rappeler que le gouvernement est actionnaire de la Cie. D’autre part, après avoir soutenu la Cie, il s’est mis à vouloir que la grève cesse et a “intimé“ à Air France de céder, puisque les pilotes ne cédaient pas.
Et le pire, c’est que malgré l’abandon du projet d’extension Transavia, la grève continue avec de nouvelles exigences et que le gouvernement change à nouveau de position en soutenant la Cie.
Pour l’image de la France et de la compagnie.
Il ne faut pas rêver, déjà les concurrents ont profité de la grève pour compenser au maximum les liaisons qui n’étaient plus couvertes par la Cie. Mais de plus, outre le fait que la clientèle habituelle est écœurée, elle ne sera certainement plus “captive“, les voyageurs ont pu gouter aux autres concurrents et s’apercevoir que déjà, à des coûts inférieurs, ils ont un service équivalent (parfois un peu inférieur), mais surtout, que ces compagnies ont une fiabilité bien meilleure (souplesse et parc récent) avec l’absence de grèves !
Quant à l’image de la France au niveau international, elle est devenue détestable à tel point que maintenant est signalé dans certains HUB « cette compagnie n’est pas française ! ». Le mot Français devient synonyme de manque de fiabilité.
La presse étrangère a tellement vilipendé cette grève et la Cie. que même ceux qui n’ont pas été affecté par la grève ont maintenant bien compris qu’il y a une compagnie et/ou un pays à éviter s’ils veulent être sur d’arriver et partir à l’heure, c’est Air France !
Alors, le lien avec le CHAOS ?
Ce nouvel exemple est caricatural de l’incapacité de la France à évoluer et à se réformer.
Nous avons touché ici le summum du ridicule.
D’une part parce que ce sont les plus avantagés qui détruisent leur outil de travail, et ce corporatisme montre bien le fait que les protections sociales et législatives empêchent que les grévistes subissent directement les conséquences des germes qu’ils ont semés.
Enfin, nous avons sous les yeux l’exemple typique de la façon dont une compagnie qui disposait d’une renommée internationale flatteuse va se retrouver au ban des compagnies, non pour des raisons techniques, mais pour l’image et le manque de fiabilité.
Surtout, non seulement Air France replonge dans les déficits, mais en plus Transavia vient de signer son arrêt de mort (peut-être lente, mais certaine).
Bref, demain, ce seront de nouveaux licenciements car la compagnie va continuer à s’écrouler faute d’avoir les moyens financiers nécessaires pour investir dans des appareils plus performants et moins couteux en exploitation, avec des charges d’équipage toujours à un niveau sans rapport avec la concurrence.
Rendez-vous dans quelques années !
Et qui va le plus trinquer, les navigants au fur et à mesure de la décrépitude de la Cie, mais surtout, c’est sur les PNC et le personnel au sol que vont porter les restrictions et il ne vous aura pas échappé, que ce sont ceux qui ont le plus besoin de travailler et qui ont les revenus les moins élevés.
Car, le plus beau, c’est que de nombreux pilotes sont prêts à s’engager pour travailler chez Transavia aux conditions de Transavia !
Quant est-ce que la France va faire comme Matteo Renzi en Italie et mettre en place un Code du Travail simplifié et réaliste ?
Et personne ne parle des passagers affectés, des agences de voyage, des tour-opérateurs, des aéroports Français, et du tissu économique des territoires. Comme le titre la presse internationale, c’est un mouvement de nantis associé à l’image d’une France toujours en grève !
Le chaos arrive vous dis-je, car un jour ou l’autre, comme la France n’est pas réformable et, qu’elle le veuille ou non, est dans un environnement mondial et concurrentiel, il va bien falloir que tout ça pête avec un naufrage à la clé !
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