Le climat se dérègle, la politique est dans le brouillard, l’économie dans le cyclone
Ceux qui observent le ciel ont sans doute constaté une modification de la météo, variable selon les régions. On dirait que le climat nous joue des tours. Voici quelques remarques qu’on poursuivra par une évocation d’un autre phénomène climatique dans le ciel politique qui, semble-t-il, est lui aussi déréglé. Alors que le souffle financier se met à anéantir de vieilles banques aussi solides qu’un chêne centenaire.
Pour commencer quelques observations de la part d’un témoin qui n’est nullement climatologue, mais qui dispose d’un esprit scientifique développé ; sens de l’observation et de la caractérisation. J’ai noté quelques curiosités climatiques. Non pas ces phénomènes extrêmes faisant la une des journaux, cyclones, tornades, canicules, mais des phénomènes apparemment ordinaires, sans aucun intérêt sauf qu’ils sont étranges. Nous vivons dans une époque étrange ; le climat s’acclimate à notre époque et réciproquement.
Cet été sur Bordeaux, je n’ai pas observé les habituels orages assombrir et éclairer fugacement le ciel. Un bel orage d’été, ça commence par une matinée ensoleillée, la température ne cesse de monter. A la mi-journée, le temps se fait lourd, l’atmosphère humide ; on sent de l’électricité dans l’air, le thermomètre dépasse allègrement les 30 degrés. La soirée approche ; au loin une barre nuageuse noire, contrastant avec la clarté du ciel. Le vent se lève, entraînant de rares feuilles sèches dans les airs. En l’espace de quelques minutes, le thermomètre baisse de 5 degrés, le vent se fait violent ; en plein jour, le ciel devient noir, les lampadaires s’allument et c’est le déluge avec les coups de tonnerre. Cet été en Gironde, le climat a livré un « jour » différent. Il n’a pas fait chaud. Ce n’était pas un temps comme pendant les anciennes années. Des nuages, parfois des pluies fines ressemblant à la Bretagne, mais peu d’orages violents, à l’ancienne, concoctées avec les recettes traditionnelles des dieux du ciel.
Pas plus tard que jeudi et samedi, je prenais mon vélo. Ciel de traîne comme on dit. Temps clair, température plus que modérée, nuages dans le ciel et, parfois, une averse subite ne durant que dix minutes. Pas de quoi justifier d’enfiler le K-Way. S’abriter sous un porche ou bien s’aventurer entre les gouttes. Et poursuivre sa course, même mouillé légèrement car ça sèche vite. On aurait dit des giboulées de mars, en plein mois de septembre ! Alors que ce mois offre habituellement une fin d’été radieuse, indienne, avec un ciel clair, de belles températures, et quelques jours de pluie soutenue durant la journée. Décidément, le climat semble décalé dans le temps. Comme cet été évoquant d’autres saisons et ressemblant pas au mois d’août. J’avais aussi capté ce décalage cet hiver ; sentiment d’être disloqué entre un temps réglementaire et un temps subjectif livré aux intuitions de l’esprit. Cette chronique des phénomènes étranges renvoie au constat des phénomènes extrêmes, comme les récentes pluies en Angleterre, attribuées selon les climatologues à un « défaut de positionnement de l’anticyclone des Açores. Cet anticyclone ne veut pas s’installer sur l’Europe, là où est sa destination naturelle selon les scientifiques du ciel. Un peu comme la gauche qui, elle aussi, ne parvient plus à s’installer sur notre Europe ; sans qu’on puisse parler de phénomènes sociaux extrêmes, c’est plutôt calme, mais pas le beau temps qui éclaire la « société sociale ». Il faut dire qu’avec le brouillard installé…
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Le brouillard a envahi le ciel politique. Dans le brouillard, on confond tout, une chèvre avec un âne, une voiture avec un ovni, une montagne avec un buisson. En politique, c’est pareil. Les deux opposants les plus crédibles face à Nicolas Sarkozy sont Olivier Besancenot, celui qui ne veut gouverner avec personne, et François Bayrou, celui qui ne sait pas avec qui gouverner. A la Fête de l’Huma, François Hollande avec Mme Buffet et Cécile Duflot, pour un pot de l’amitié. Qui fait quoi ? Mme Buffet revendique une posture révolutionnaire alors que le seul héraut de la révolution, Besancenot, n’a pas été invité à la fête et erre tel un métèque sans couleur parmi les rouges teintés de vert et de rose. La politique de gauche nage en plein brouillard. Le PS est paumé. L’autre jour, Pierre Moscovici a passé une heure à expliquer, sous l’invite de la journaliste, comment il faut désigner le chef du PS, comment ça devrait fonctionner, un an, deux ans, trois ans avec la présidentielle, comment il faut désigner le candidat, ce que doivent faire les militants, les dirigeants, bref, pas une seule allusion à un projet de société ; mais l’esprit concentré sur des jeux tactiques. Bref, c’est un peu comme quand on voit un type sur la route qui consulte des heures la notice technique de son véhicule. On se dit que ce type doit être en panne, comme le PS, ou bien carrément dans le brouillard, ne sachant plus lire le mode d’emploi.
Et la droite ? En plein brouillard aussi ? Monsieur développement durable n’est plus visible, il allume ses codes anti-brouillard pour une mesure phare, la taxe pique-nique. Monsieur éducation minable tient absolument à faire des cérémonies pour l’obtention du bac. Sans doute regarde-t-il trop de séries américaines. Il ferait mieux de visionner la banlieue qui court, Higelin et Marthe Keller se sauvant de la mairie en jean et basket après passage devant le maire, voilà un sens original et le bac, c’est du même acabit, une fois passé, quel lycéen normalement constitué souhaiterait revenir dans son établissement pour une kermesse à se faire chier un après-midi entier pendant que les copines sont à la plage. Le gouvernement est paumé, le tonnerre économique gronde, et Fillon, au lieu de servir de fusible, sert de paratonnerre au président. Les citoyens nagent dans le brouillard. Rappelons toute de même au président que l’utilisation d’un ministre comme paratonnerre est susceptible d’engendrer quelques troubles corporels, plus précisément, une sciatique. Alors penser à ménager le paratonnerre !
Les valeurs, là aussi, tout est brouillard et confusion. Besancenot le révolutionnaire avec la coupe militaire alors que Jean Sarkozy la joue rebelle, les cheveux plus longs que ceux de son père en 1975. Les jeunes de l’UMP narguent le sérieux des militants socialistes. A la Rochelle, l’Université du PS a suinté une morne tristesse. Des regards mauvais, des coups bas, des intrigues, des débats intellectuels d’un ennui mortel et même pas Jack Lang pour nous faire quelques pas de tektonik. Jack, il s’emmerde avec ses copains du PS, il préfère la Gay Pride et, surtout, les boîtes de nuit avec Laurent Gbagbo ! Le PS n’est plus reconnaissable, comme si une nappe de brouillard avait enveloppé la rue de Solferino ; œuvre d’art conceptuelle à la Christo. Pendant ce temps, Nadine Morano a fait la fête adonf, danses endiablées, saturday night attitude, torse bombé, seins virevoltant en cadence, il ne manquait plus qu’un bon strip et notre ministre de la Famille aurait gagné le titre de Kim Basinger de l’UMP. Vous vous rendez compte, elle est ministre de la Famille ! Patrick Devedjian ne s’est pas privé pour jouer les Travolta, avec Xavier Darcos un peu gauche dans le djerk et pas assez audacieux pour un numéro de tektonik ta mère. Décidément, la droite a brouillé les pistes. Y compris Mme Dati, enceinte sans être mariée ni même en compagnonnage. On ne sait même pas qui est le père. Vous réalisez, Mme Dati membre d’un parti émané de l’UDR, avec ses députés qui, il y a quarante ans, tenaient les discours les plus réacs et misogynes sur la femme, lui refusant l’avortement et même la pilule. Les valeurs sont brouillées et le citoyen nage en plein brouillard.
C’est en vérité amusant. Comme d’ailleurs en économie, avec un Greenspan parlant de la plus grande crise depuis un siècle alors que Stiglitz récuse l’idée d’un remake de 1929. Bien évidemment, Stiglitz a raison, comme moi qui avais dit la même chose, non sans suspecter les Cassandre de jouer la peur pour rendre acceptable la générosité forcée du contribuable pour renflouer les banques. Le monde de la finance subit des ouragans de catégorie 4 ou 5. Les vagues des dettes atteignent des hauteurs telles qu’elles peuvent submerger des institutions comme Lehman Brothers. Mais, cette fois, l’Etat américain ne peut pas mettre la main à la poche. Il a assez donné. C’est Titanic. Les salariés de la faillite sont sur les routes, mais c’est une paille à côté de 1929. Et puis, pas de raisins de la colère. Les salariés américains ont docilement accepté, en vertu des lois darwiniennes, que la nature de l’économie impose le sacrifice des uns et que la loi divine de Las Vegas fait qu’on peut toujours se refaire. Un monde étrange que ces Américains. Qu’il ne vaut mieux pas imiter. Car nous sommes déjà dans le brouillard et que d’étranges phénomènes climatiques et politiques ont gagné la France, sans qu’on puisse être certain qu’il y ait un rapport entre le climat des affaires et les caprices du ciel. Si nous étions en 1800, nous aurions pu penser que oui, après avoir lu Schelling ou Novalis !
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