Le collectif Racine (FN), entre « romantisme » patriote et nostalgie du « bon vieux temps »
Le jeudi 22 septembre 2016, le collectif des enseignants sympathisants du Front National, le groupe "Racine", a tenu son congrès dans une salle parisienne. Son programme a été développé devant un auditoire de curieux et de journalistes, dans une ambiance très chevènementiste (ou bonapartiste, au choix), à l'image du parcours des animateurs de la réunion. Valérie Laupies, directrice d'école en ZEP, est notamment une ancienne adhérente du mouvement des citoyens. Ce sont donc des militants de la ligne Philippot qui ont organisé les débats.
L'intrusion de l'extrême-droite dans le débat éducatif est une nouveauté. Loin des clichés et du baragouin des dinosaures néo-fafs de ce milieu, mythomanes de la théorie du genre, de la méthode "globale" de lecture ou encore vieux fiscalistes obsédés du statut de fonctionnaire des profs, Mme Laupies et ses amis, professionnels du milieu éducatif, ont tenu un discours digne d'intérêt mais toutefois très utopiste pour notre époque.
Niveau des élèves, autorité des enseignants, violences scolaires, retour aux méthodes des années 60 et à l'apprentissage, fin du collège unique etc. ne sont pas l'apanage du collectif Racine. Certains syndicats minoritaires ont milité contre les réformes Haby, le pédagogisme du gourou Philippe Meirieu ou encore pour le port de l'uniforme à l'école. Par ailleurs, il n'y a pas si longtemps tous les syndicats (dont le SNES) militaient pour une laicité ferme et sans concession, pour la question des tenues vestimentaires musulmanes.
Mais la démagogie et le manque de courage des uns et des autres sont passés par là. Surtout, la question éducative étant l'apanage de la "gauche" (puisque la "droite" s'en est toujours moqué), les syndicats subventionnés sont "couleur locale", du rose au rouge en passant par le vert écolo (la couleur de Meirieu). Il faut rappeler qu'il est difficile de monter un syndicat indépendant en France depuis 1945, et que le PS et le PCF ont recruté une bonne partie de leurs cadres au SNI et au SNES depuis la fin de la guerre. D'où la marxisation de l'enseignement, l'égalitarisme par le bas, le rejet de l'effort et du mérite ou encore la promotion des profs les plus conformistes et les plus dociles vers les postes de direction...
Le collectif mariniste établit en la matière un diagnostic correct, plus crédible même que celui du périodique conservateur "Valeurs actuelles" (voir mon article sur agoravox à ce sujet). Hélas, les réponses sont de l'ordre du romantisme et de la nostalgie de la belle époque, pour peu qu'elle ait existé concernant l'éducation.
Le niveau des élèves en lecture n'est pas plus médiocre qu'il y a un demi-siècle. Seulement, collège pour tous et fin de l'apprentissage précoce obligent, il se voit davantage de nos jours. Quant à la violence et les inciviltés, elles ne sont que le produit de notre société et de l'immaturité de trop d'adultes, qui ont oublié le collectif pour se tourner vers le consumérisme et l'égocentrisme. Ce n'est pas l'école qui a voulu cela, mais le libéralisme économique imposé par nos oligarchies depuis quarante ans. Une même logique économique qui empêche le développement de l'apprentissage en entreprise, puisque le patron français refuse de former les jeunes, contrairement à ses homologues allemands ou scandinaves.
Revenons aux méthodes de lecture. "Racine" souhaite revenir aux méthodes grapho-phonologiques, comme beaucoup d'enseignants qui l'appliquent à nouveau dans les classes. La fin des IUFM et des années pédagogos sont passés par là. Le port de l'uniforme ? Les pays anglo-saxons en sortent, et il n'empêchera pas les élèves de penser. Donc, c'est inutile. L'orientation et la sélection ? Cela a, en fait, toujours existé. Certes, le collège unique est une forfaiture démagogique, qui est également d'ordre économique. Cela coûte moins cher au contribuable de cantonner les momes au collège que de les former en CFA, et il n'y a plus d'entreprises pour recruter des ouvriers à quinze ans (heureusement).
Parlons des programmes. L'Histoire travaille beaucoup les marinistes qui veulent revenir au roman national. Or, celui-ci est toujours enseigné en primaire. Au collège et au lycée, on ouvre sur le monde, ce qui s'impose en ce XXIème siècle. Etudier le siècle de Louis XIV et les réformes de Napoléon, c'est bien. Comprendre l'histoire de la Chine et du Proche-Orient, c'est encore mieux par les temps actuels. On peut s'étonner que le chinois, l'arabe et le russe soient si peu enseignés en France, alors que ce sont les langues de l'avenir économique et géopolitique...
La réforme des rythmes scolaires serait abrogée. On ne peut demander aux français, qui placent leurs gosses dès l'âge de deux ans en collectivité, de s'occuper de leurs enfants l'après-midi comme le font pourtant nos voisins européens. Les journées de classe des petits français sont, du coup, parmi les plus chargées du monde occidental. Problème là-encore de mentalités, et de mauvaises habitudes sur fond de féminisme déplacé.
En outre, la repentance et le communautarisme sont bannis par le programme frontiste. Il y a une volonté affichée de revenir à la citoyenneté républicaine défendue autrefois par la gauche ouvrière, un courant politique qui a aujourd'hui disparu. En fait, le FN ne fait que reprendre des principes abandonnés par la classe politique actuelle, portée par la défense des traités économiques et non par l'intérêt général.
Du coup, quel peut être l'impact du collectif Racine sur les enseignants ? On ignore combien de profs votent pour le FN de nos jours. Dépolitisation et individualisme obligent, avec l'arrivée massive de contractuels depuis quelques années faute de candidats aux concours de recrutement, il est difficile de savoir ce que pensent les enseignants, peu bavards sur les questions politiques dans les salles communes. Les années post-1968 sont bien loin...
L'enseignement n'attire plus depuis des lustres les jeunes diplômés, dont beaucoup s'exilent vers des cieux où salaires et conditions de vie sont plus cléments qu'en France. Le collectif Racine ne fait que rappeler la triste réalité du monde éducatif de l'hexagone, mais il ne peut rien proposer de vraiment concret. Réduit au romantisme du bon vieux temps, il va à l'encontre de l'évolution des mentalités de notre société repliée sur elle-même. A l'image du FN, utilisé par les socialistes pour canaliser les mécontents depuis trente ans, et leur laisser entrevoir une solution politique au déclin de la France.
La question éducative sera sans doute au coeur de l'élection présidentielle à venir. Il ne faut pas oublier que ce sont d'abord les habitudes culturelles qui font l'éducation des enfants, et que la politique n'en est qu'une conséquence...
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