Le combat des femmes entre elles
La politique politicienne est l’ensemble des combats que les hommes politiques d’un même groupe se font les uns aux autres, pour représenter leur groupe, ses valeurs, ses engagements… et prendre le pouvoir dans leur groupe. On en a eu récemment un spectacle excessif certes mais sans doute courant entre Copé et Fillon. D’habitude, ces combats sont tus et cachés : vis-à-vis de l’extérieur, les groupes politiques doivent paraître unis et n’avoir qu’un seul ennemi, l’autre. Les partis comme le PS qui a des courants reconnus depuis longtemps sont assez rares. Les groupes politiques sans courants acceptent parfois un moment exceptionnel de divisions internes affichées quand il faut choisir un candidat. Puis cela cesse, la déclaration d'unité redevient la parole de tous les membres, la politique politicienne redevient invisible : l’ennemi, c’est l’autre camp, et il n'y en a pas d'autres.

Nous avons vu en direct des batailles politiciennes entre des femmes à propos de ce qui s’appelle le féminisme. Marcela Iacub a ouvert la publicité de ces batailles, sans le vouloir sans doute. Elle n’a pas créé ces luttes, elle a permis que ces luttes internes apparaissent. Donc, Marcela Iacub publie un second livre sur Dominique Strauss-Kahn ; le premier s’appelait une société de violeurs ? Des journalistes ont fait des comparaisons avec Christine Angot qui a raconté plusieurs fois comment elle a été violée par son père, enfant. Christine Angot a expliqué que sa démarche n’avait rien à voir avec celle de Marcela Iacub, qu’elle, Christine Angot, ne jugeait pas, qu’elle racontait, disait comment les choses s’étaient passées pour elle. C'est un texte sobre et vrai, qui s'adresse plutôt aux journalistes qui inventent des liens pour s'auto-nourrir de tensions fausses.
Tout autre chose, Virginie Despentes a donné un texte condamnant avec force Marcela Iacub (et l'ensemble des hommes).
Peut-être cela n’a pas de lien, cependant, c’est à peu près à ce moment-là que des « féministes » ont critiqué l’illisibilité, disons, de l’action des Femen : en substance, on les voit mais on ne sait pas ce qu’elles disent, et elles se font voir en utilisant (comme moyen) ce qu’elles critiquent et voudraient voir finir.
Voilà, en gros, le tableau. C’est ce constat qui sert à l’analyse qui suit. Ces atteintes croisées entre femmes, dont les hommes sont exclus, signifient, mettent en pleine lumière, le fait que ce « féminisme » est un parti, au sens de parti politique, et que les luttes politiciennes y sont engagées pour en prendre le leadership.
Une des premières choses qu’on peut voir est que les femmes se comportent exactement comme les hommes qu’elles critiquent et excluent. Ça va mieux en le disant, bien que ce soit visible depuis longtemps par Golda Meir, Margaret Thatcher, Laurence Parisot, Christine Lagarde… etc.
La deuxième chose est que ce qui s'appelle le féminisme est un parti politique qui vise le pouvoir ; ce n'est ni un débat, ni une proposition de transformation de la société par une interrogation (mise en questions, transformation) sur les mentalités.
La troisième chose est que, si la politique politicienne des « féministes » devient aussi visible et publique, la conquête du pouvoir est en passe d'être réalisée et que l'urgence de trouver le bon discours et la bonne personne pour porter ce discours passe devant tout autre considération.
Virginie Despentes livre la clé du système « féministe » sans s'en rendre compte : « On sait que, vu du côté des hommes, les auteures ne sont jamais aussi intéressantes que quand elles décrivent ce qui leur passe entre les cuisses. » nous dit-elle. Virginie Despentes nous dit qu'il y a un « côté des hommes » et qu'elle sait ce qu'il y a dans ce côté des hommes. Pour qui sait lire vraiment, une personne qui s'arroge le savoir sur tous et tout le monde et, à l'aide de ce savoir absolu, distribue le bien pour elle et son côté, le mal pour le côté des autres, ne saurait dire la vérité, ni même dire quelque chose d'utile. Elle bâtit la figure de l'autre en ennemi, travestit et falsifie le discours de l'autre (explicitement à propos de Marcela Iacub, il n'y a pas de discours unifié des hommes). « Vous êtes peut-être tous des trousseurs de domestiques, mais vous devriez vous méfier du pénible arrière-goût que nous laisse à la longue, l'impression d'être toutes vos femmes de ménage » dit à tout le monde Virginie Despentes. Il faut rétablir le sens du courant : « Vous êtes peut-être toutes des accusatrices sans nuances, mais vous devriez vous méfier du pénible arrière-goût que nous laisse la déclaration permanente que vous nous faites que nous sommes du côté du mal quoique nous fassions. »
Le « féminisme » n'est plus seulement un discours de condamnation identitaire des hommes qui se plaint quelque fois d'être reconnu comme tel (cela nuit à son efficacité).
Ce n'est sans doute pas par hasard que cet étalage public de luttes politiciennes naît à l'occasion d'un livre de Marcela Iacub qui ose mettre en doute le fait qu'on vivrait dans une société de violeurs.
Si je mets des guillemets au mot féminisme, c'est que ce qui s'appelle « féminisme » en ce moment, ne parle à aucun moment d'égalité, que ce n'est pas un chemin vers l'égalité des femmes et des hommes, à laquelle tant de nos concitoyens des deux sexes aspirent. Le chemin ne peut que mettre en œuvre le but. L'égalité des femmes et des hommes ne peut se faire que par l'égalité dans la lutte.
Est-ce que la visibilité du « féminisme » comme conquête du pouvoir (dans les faits) et non comme non pas chemin vers l'égalité, va permettre de trouver un féminisme égalitaire ? Je l'espère sans en être vraiment sûr.
Il nous faut un féminisme partagé, qui imagine et prépare un chemin vers l'égalité, qui puisse prendre en compte la part des femmes dans la relative faiblesse de leur place sociale et politique, qui reconnaisse des qualités aux hommes en tant qu'hommes, qui puisse se réjouir des avancés, des progrès, promouvoir et louanger les hommes qui se comportent selon ce principe d'égalité. Car, pour paraphraser Beaumarchais : « Sans permission de louer, il n'est pas de blâme accablant. »
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