« le commandant Crétin vous parle... »
... c’était un peu ça,une fois par semaine, à bord de l’USS Enterprise, d’après ce qu’on vient d’apprendre. Je vous en avait déjà touché un mot, en septembre dernier, des ravages au sein du commandement de l’US Navy ; où s’étale désormais un état d’esprit indigne d’une armée de renom. Je vous avais parlé alors de scandale sexuel, avec ce commandant guère plus intelligent que celui du jour, relevé de ses fonctions après les révélations sur ces choix de matelots comme partenaires d’un soir. Aujourd’hui, ça dépasse une nouvelle fois l’entendement : le crétin véritable qui nous est présenté est en effet responsable d’une île flottante contenant 6 000 marins ou aviateurs.... mais qui contient aussi des bombes atomiques, comme sur tout porte-avions US de cette taille. Vous en rigoliez peut-être, de ses vannes graveleuses et de son humour de chiottes : regardez donc ces inepties en vous disant qu’il serait celui qui pourrait, s’il en recevait l’ordre, être capable d’aller ratiboiser l’Iran. En chantant l’air de la Walkyrie, je parie, en prime ! Mais comment en est-on arrivé là dans cette armée ?
Je vous avais aussi parlé des marins anglais du destroyer Manchester faisant leur lipdub en route vers la région du Golfe. Déjà, à l'époque, c'était pour rejoindre un autre monstre et lui servir de chaperon : l’USS Harry S Truman, que je vous décrivais ainsi : "le 8e de la classe des Nimitz, sur les 14 porte-avions que possède les Etats-Unis. 330 m de long, 3 200 marins à bord et... 2 480 aviateurs, pour 85 avions à bord, essentiellement des F-18 Hornet et Super-Hornet, depuis que le Tomcat est parti à la retraite". Cette fois, c'est le fleuron de la flotte qui est visé : l'USS Enterprise n'est pas le plus grand de toute la flotte US, mais c'est tout simplement le premier construit : il a été lancé le 24 Septembre 1960 et est devenu opérationnel le 25 novembre 1961, c'est un navire emblématique. C'est le plus prestigieux, disons, car ayant participé à tous les conflits majeurs depuis 50 ans. Il a connu la crise des missiles de Cuba de 1962, les bombardements sur le Viet-Nam à partir de 1965, ou la crise indo-pakistanaise de 1971. En 1969 il connaîtra un drame un incendie à bord, dans la lignée directe du Forrestal et l'épisode tragique qu'il avait connu deux ans auparavant avec l'explosion inopinée d'une roquette Zuni.
Puis il a inauguré les pistes d'envol du Tomcat, qui allait devenir emblématique, juste avant de servir de piste d'atterrissage ultime pour les derniers hélicoptères quittant Saïgon : faute de place, ils seront jetés par dessus bord. Le 28 avril 1986 (et ici 20 ans après), il marquera encore l'histoire en devenant le premier porte-avions nucléaire à franchir le canal de Suez et en 1998 il sera la tête de pont de l'attaque sur l'Irak intitulée Operation Desert Fox, et enfin juste après septembre 2001, c'est de son pont que partiront les avions allant bombarder la Tarnak Farm de Ben Laden, avant de participer en 2003 à Iraqi Freedom. Agé, il venait juste de subir un lifting de fond qui avait explosé tous les budgets : mais pour un tel monument historique de la grandeur militaire américaine, que n'aurait-on pas fait ?
Il est vrai que la dernière facture de révision de 2008 avait été salée : annoncée à 453,2 millions de dollars elle avait grimpé à 660 millions : plus d'un demi milliard de dollars pour des coups de pinceaux ; le temps était venu de songer à un remplaçant pour le "BIG E" comme on le surnommait. Un des ces nouveaux CVN-21, devenu "Gerald Ford Class", dont il est prévu d'en construire 10 jusqu'en 2058 pour la modeste somme de 12 milliards de dollars. Equipés de la dernière trouvaille : la catapulte électromagnétique ou EMALS. Enfin si tout se passe bien ce qui avait l'air d'être le cas en septembre dernier : le bazar consomme tellement de courant (100 mégajoules) qu'il faudra en prendre sur la puissance des réacteurs nucléaires à bord (actuellement, il y en a 8, il n'y en aura plus que deux, des "A1B" signés Bechtel !). Le remplaçant de Enterprise, qui sera "décommissionné" en 2015 sera donc le CVN 78 : le "Gérald Ford" ; mis en chantier en 2007 (il sera fini en 2015). On a vu mieux comme nom, à espérer qu'il ne faudra pas monter à bord avec un escalier...
Que n'aurait-on pas fait disait-on ? Nommer un commandant plus intelligent ? Car le moins que l'on puisse dire, c'est que celui qui a pris la barre en qualité de commandant en second du navire a plus que taggé le monument et surtout démoli son image à jamais. Entrée dans la navale en 1983, c'est un ancien pilote de Tomcat, ancien élève à Top Gun, qui avait déjà montré des qualités de maîtrise de soi, semble-t-il : le 4 juin 1992, à bord de son petit T-45 Goshawk d'entraînement venant de Patuxent River, il avait raté son atterrissage sur la base d'Edwards et était sorti de piste, jusqu'à la rencontre avec une camionnette stationnée là, Owen s'était alors éjecté in extremis. L'année suivante, il est à bord d'un F-14 de la VF-41 des “Black Aces” qui ira bombarder l'ex-Yougoslavie et l'Irak, puis sera détaché sur l' USS John C. Stennis au sein des “Fighting Checkmates” de la VF-211. En 2005, grimpant toujours les échelons, il devient " Executive Officer" de l' USS Enterprise (CVN-65) et commande même en 2008 l'U.S. Sixth Fleet à bord de l'USS Mount Whitney, cet étrange navire bardé d'antennes qui ira livrer de l'aide humanitaire, soi-disant, en Georgie, toutes antennes déployées. Ce gars-là a donc dirigé la 6 eme flotte US !!! On pense même alors à le nommer Contre Amiral, "Rear Amiral", à une étoile, tant ses états de services sont élogieux. En France, il aurait été nommé vice-amiral d'escadre. L'équivalent d'un Richard Laborde, nommé en 2009 directeur de l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale et de l’Enseignement Militaire Supérieur... et a même commandé le Général de Gaulle pendant "Enduring Freedom" en 2001. A espérer que les pilotes de Rafale qui se sont posés en juin 2007 sur le navire où officiait alors notre candidat au titre de pire commandant jamais rencontré n'ait eu envie de leur consacrer une séquence...
Or, déjà, à cette époque, justement en qualité de second de l'Enterprise, il a déjà développé d'autres talents... ceux qui lui valent aujourd'hui l'opprobre générale. Bon pilote, certes, mais crétin profond comme dirigeant d'hommes de troupe : c'est ce que démontrent ces lamentables inepties, devenu "programme vidéo" du bâtiment, diffusé le soir à 6000 marins à bord. XO comme le surnom des officiers supérieurs. Des cassettes qui montrent le degré zéro de l'intelligence, et qui révèlent surtout un déséquilibre évident chez l'individu, incapable de ne pas montrer un sexisme évident et une homophobie tout aussi patente. Au moment où le Sénat US a laissé enfin aboli la loi "don't ask don't tell " !
Comment peut-on perdre toute notion de ce qu'est la responsabilité du leadership en deux leçons, pourrait-on dire à la vue de ce désastre se voulant humoristique ! C'est même parfois du niveau de la blague de lycéen, pipi, caca, zizi : à certains moments on en serait au stade maternelle même si le sexe n'était pas aussi présent. Un commandant qui se voudrait le copain de chambrée de 6000 matelots ? Un tel clown de nuit qui surveillait pourtant de jour le départ de ces Hornets lourdements chargés de bombes pour aller frapper des villages afghans ou irakiens ? Ce n'est même plus paradoxal à ce stade étant donné le nombre d'exemples déjà cités dans l'article précédent sur le sujet. Hier c'était un "Marines" texan plutôt demeuré qui avouait que tuer des irakiens et des animaux c'était pareil. Aujourd'hui, c'est le commandant d'un des plus grands navires de combat US qui apprend à ces soldats ce qu'est le déshonneur ou même l'absence de respect de soi, avant de l'appliquer aux autres. A partir de l'exemple venu d'en haut, comment voulez-vous que la soldatesque puisse exprimer le moindre respect sinon de son adversaire, du moins des populations civiles qu'elle survole ? N'a-t-on pas là l'explication des fameux dégâts collatéraux jamais assumés ?
Ce sentiment est en fait présent partout, dans les quelques films ayant échappé à la censure : on se réjouit comme à la parade des bombardements, comme dans cette séquence de passage d'A-10 en soutien aérien sifflé comme une prouesse d'acteur... quand ce n'est pas bombarder ces propres troupes... Bref, je vous ai souvent parlé ici des innombrables bavures de ces américains se prenant visiblement pour les cow-boys du monde : aujourd'hui, on sait d'où vient leur incapacité notoire à se poser la question du bien fondé de leurs actions : à supérieurs crétins, soldats demeurés. Maintenant, pensons à une chose : je vous avais expliqué que lors de la guerre des six jours, déjà, un commandant de porte-avions US avait reçu l'ordre de charger un avion d'une bombe atomique au cas où. Imaginez maintenant Owen Honors confronté au même dilemme. C'est bien là le drame de ces crétineries profondes. Pour recevoir des ordres qui nécessitent quand même une réflexion fondamentale, à un moment particulier d'un moment historique, il faut être muni d'un cerveau, non ? En 2007, un amiral américain, au fond d'un sous marin, commandant d'une force d'attaque aussi conséquente que celle aujourd'hui toujours présente dans le Golfe avait semble-t-il refusé d'exécuter un ordre de ce type, et avait eu après sa carrière brisée. Il avait auparavant démissionné ; en homme d'honneur. On apprendra sans doute un jour que l'amiral Fallon avait sauvé le monde, ou pas loin en tout cas. Certains militaires sont faits pour diriger, d'autres pas : ils en imposent aussi par la qualité et la clarté de leurs propos, et leur sens des responsabilités et leurs façons d'assumer leurs décisions : c'est ce qu'on appelle aussi une autorité naturrelle. Visiblement, Owen Honors fait partie de la deuxième catégorie. Si diriger réclame de l'intelligence, en étant totalement dépourvu, notre homme ne pouvait commander correctement. On vient de le contraindre à abandonner son poste. Il a été relevé de ses fonctions : or, une fois encore, il a bénéficié longtemps de protections inavouables : des matelots outrés avaient déjà alerté sa hiérarchie militaire il y a quatre ans déjà... à bord, il était impossible d'envoyer ces vidéos par e-mail : le "commandant" savait très bien ce qu'il faisait : il espérait bien qu'elles ne le rattraperaient jamais. Voilà comment un crétin notoire ne deviendra jamais amiral, en tout cas. C'est déjà une chose, me direz-vous.
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