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Accueil du site > Tribune Libre > Le communautarisme virtuel à la lumière de la rationalité limitée

Le communautarisme virtuel à la lumière de la rationalité limitée

Aujourd'hui je voulais faire part de quelques réflexions à propos de certains écueils qui se présentent par rapport à internet et son utilisation, en passant par une brève analyse de ce qu'est la rationalité.

Cette envie d'explorer ce sujet a été déclenché par une expérience personnelle, récente, banale et anecdotique, mais révélatrice.

Commençons par revenir sur la notion de rationalité. Celle-ci découle de la raison, qui est une composante de l'esprit humain. La raison nous donne la possibilité d'appréhender la vie sous un angle analytique. Elle nous aide à comprendre le monde, et nous-mêmes dans ce monde. La rationalité est donc la fonction de la raison, une possible attitude de l'homme face au monde. Agir avec rationalité, ou rationnellement, c'est agir en fonction de la raison, selon ce que celle-ci constate.

On pourrait dire que l'homme serait rationnel s'il était esclave de sa raison. Je fais le choix de cette tournure péjorative, car si je valorise la raison par dessus tout autre qualité humaine, en revanche celle-ci n'est rien que maladie mentale, sans le coeur, l'instinct et l'intuition. Comme l'homme équilibré doit tenir compte de l'entièreté de son être, pour prétendre à l'équilibre, voire au bonheur, la rationalité ne peut être une fin en soi mais seulement une des composantes de cet équilibre, qui doit notamment aussi intégrer les affects et les ressentis. N'agir – ou réagir – qu'en fonction de ces derniers représenterait une erreur du même accabit, erreur que l'on observe d'ailleurs souvent dans notre société où les médias nous mènent par le bout de nos émotions, mais nous y reviendrons.

On pourrait se contenter de dire que l'homme ne peut pas être pleinement rationnel, puisque sa rationalité doit nécessairement cohabiter et partager les ressources avec les autres composantes. Mais ce n'est pas tout, car l'humain ne dispose pas pleinement de sa capacité à utiliser chacune de ses composantes. On parle alors de rationalité limitée, en ce qui concerne notre sujet.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Rationalit%C3%A9_limit%C3%A9e

"La rationalité limitée est un concept utilisé en sociologie, en psychologie, en micro-économie ou encore en philosophie politique (par exemple chez Jon Elster). Il porte sur l'étude du comportement d'un individu (ici appelé acteur) face à un choix (l'achat d'un produit, le vote...). Il suppose que l'acteur économique a un comportement rationnel, mais que sa rationalité est limitée en termes de capacité cognitive et d'information disponible. "

C'est donc l'information disponible qui conditionne en partie la possibilité de faire usage de la rationalité. Et il faudrait encore ajouter que la quantité d'information disponible dépend elle-même de plusieurs facteurs, comme l'attitude de la personne face à l'information et à sa recherche, sa capacité à l'intégrer, à jongler avec de multiples informations dans le cadre de l'analyse d'un problème ou d'un sujet, etc. Il est évident qu'une personne qui n'est pas portée vers l'intellect est automatiquement limitée face à toutes ces tâches.

Il découle de tout cela que l'homme ne peut, ni ne doit, être pleinement rationnel. Ce serait inefficace de toute façon, et dans bien des cas, néfastes. Cependant j'estime, malgré cela, que notre société vit un grave déficit de rationalité. J'entends par là qu'actuellement, le potentiel humain est bien davantage régi par l'émotion immédiate, qui est le versant négatif de la richesse émotionnelle humaine, justement parce qu'elle l'obture, l'empêche de s'exprimer, par effet de saturation du aux médias, notamment.

Comme les médias nous submergent d'informations secondaires et orientées, notre rationalité est d'autant plus limitée et finit par ressembler de plus en plus à une pure irrationalité, et l'actualité récente en a fourni de nombreux exemples, depuis janvier, mais aussi beaucoup plus récemment, en septembre et même en ce début octobre. Encore une fois, j'y reviendrai.

Choisir ses sources d'information, mais se méfier des dérives qui existent aussi sur internet

Face à ce flot incessant de fausses informations, une attitude s'impose. Je vois toujours autour de moi les gens regarder les "informations" à la télé avec dépit. Ils sentent l'arnaque, critiquent, s'agacent, mais regardent quand même, ne pouvant apparamment se résoudre à rompre avec cette mauvaise habitude (notez que je ne les blame pas), à faire taire la boite à cons, et à aller eux-mêmes à la source des informations, à rechercher des points de vue critiques qui pourraient nourrir leur réflexion, et donc cesser d'alimenter cette sorte de désespoir qu'ils nourrissent face à un JT formaté et formatant.

Internet est à même de fournir cette manne critique à qui veut bien aller à sa rencontre, plutôt que de se contenter de la malbouffe télévisée (dont des équivalents existent sur le net, cela dit). Seulement, il est vrai, cela demande un effort, une recherche, une initiative, alors qu'on nous a conditionnés dès le plus jeune âge à demeurer bovinement avachis devant la machine à nous saturer d'informations, chose qui s'apparente plus à de l'intoxication, comme on commence à bien en avoir conscience.

Mais internet est aussi capable de proposer ses propres dérives, et l'on en vient en fait à ma fameuse anecdote. Je fréquente un certain nombre de sites qui sont soit des sites d'agrégation de contenu, soit d'information alternative, soit des sites dits participatifs ou citoyens, soit des sites d'analyse du discours des médias, etc. Mis bout à bout, ces sites proposent des explications du monde qui sont diverses, pas forcément cohérentes entre elles, de pertinence inégale, de qualité inégale également, mais ils ont un mérite : ils permettent de sortir de l'impasse de la pensée unique tant décriée.

L'un des problèmes est que ces sites tombent aussi dans des écueils, certes différents de ceux, désormais évidents, que ceux auxquels conduit cette pensée unique. Notamment, ils finissent par créer leur propre uniformisation de la pensée, par un phénomène de communautarisation des opinions. En gros, si vous êtes de droite, vous fuirez tels et tels sites qui ne promeuvent pas vos valeurs, et vous tendrez à vous concentrer sur les sites qui les valorisent. Idem si vous êtes adhérez à des idéologies telles que l'écologie (ou plus souvent, écologisme), la décroissance, êtes pro ou anti-nuke, etc. Et si vous restez sur ces sites qui sont à l'opposé de vos idées, ou simplement qui défendent des idées en désaccord avec les autres, pour tenter de défendre les vôtres, vous y serez, tout naturellement, le méchant mouton noir.

C'est ce qui m'est arrivé deux fois récemment et cela n'a rien de très original, mais cela m'a au moins amené à réfléchir plus avant sur ce sujet. Les sites concernés, que je ne citerai pas car sur le fond je n'ai aucun grief particulier contre eux (je suis juste en désaccord avec une partie de leurs idées) étaient un site sur l'idéologie libérale, et un site d'information alternative, recensant des articles de différents horizons.

Ces deux sites ont un point en commun : ils ne publient que des articles qui vont dans leur sens, ou publient des articles qui visent à critiquer tout ce qui ne va pas dans leur sens. Jusque là, rien de plus normal, puisque chacun voit midi à sa porte, et que chacun veut avant tout défendre ce en quoi il croit. Je fais de même, mais à ma façon.

Il est également assez prévisible que les rares têtes brûlées (comme moi) qui vont y défendre des idées contraires, y soient traitées comme des moutons noirs, voire des idiots, des anormaux, des fous ou encore des emmerdeurs, selon le style de leur contradiction.

Là où c'est plus dérangeant, c'est lorsque la critique devient interdite et censurée. Si mes commentaires pouvaient être sarcastiques, ce qui ne me parait pas inutile pour bousculer des idées préconçues et sans arrêt alimentées en boucle par la population de ces sites, ils étaient toujours calmement réfléchis, argumentés, et tentaient au minimum de faire preuve d'un sens critique aussi précis que possible. C'est du moins ce que j'ose penser, car c'est ce que j'ai essayé de faire. C'est d'autant plus triste et déplorable que ces deux sites qui ont empêché ma participation en tant que commentateur ont la prétention de défendre la liberté d'expression, quand ce n'est pas la liberté tout court, et au moins pour l'un d'eux, certaines valeurs humanistes. Il faut croire que, décidément, l'humanisme et la liberté d'expression s'accomodent très mal de la liberté de ton et de critique, lorsqu'elle dérange les habitudes de pensée.

Il faut aussi savoir que sur ces deux sites, mes commentaires étaient très épisodiques, de l'ordre de deux ou trois commentaires par semaine, et que sur l'un de ces sites, on m'a accusé de mener une critique quasi-pathologique de leur ligne éditoriale avant de bloquer mes commentaires. Allez comprendre ? Sur ces sites, si vous ne manifestez aucune velléité critique, vous pouvez commenter chaque article 4 fois, à raison de 10 articles par jour, et 70 articles par semaine, soit 280 commentaires, une présence 100 fois supérieure à la mienne, en terme de quantité d'intervention. Personne ne songera à vous dire que êtes "quasi-pathologiquement" en accord avec les idées du site. Ni à vous empêcher de commenter, même pour votre propre bien. Vous serez toujours le bienvenu.

Vous pensez peut-être que je fais une fixette vexatoire sur cela, et vous avez probablement raison, mais je n'y vois pas un problème. D'abord, je n'ai pas la prétention d'être plus rationnel que les gens dont je critique les idées. Je suis moi aussi dépendant de certains conditionnements, d'un vécu, etc. Aussi, je suis du genre hypersensible et donc facilement écorché par certaines choses, comme l'indélicatesse et l'hypocrisie de certaines formes de censures, et j'ai, moi aussi, supprimé des commentaires sur mon blog. Aussi, j'ai souvent tiré dans ma vie des leçons de petits épisodes anecdotiques, qui se sont avérées pertinentes par la suite. Enfin, il y a plusieurs différences.

D'abord, mon blog est un site perso. J'entends à ce que personne ne franchisse la porte de ma maison pour me casser le nez, et j'entends que personne ne vienne sur mon blog pour cracher sur mes arguments sans y répondre. C'est toujours dans cet esprit que j'ai sélectionné les commentaires que je supprimais. Pas d'arguments dans la critique, pas de prise en compte. Des insultes ou un simple mépris affiché pour remplacer l'argumentation, recours à la modération, ce qui me parait tout à fait normal.

Alors que ces sites sont des sites communautaires prétendant à l'élévation de la réflexion (niveler par le haut, comme l'annonce crânement l'un d'eux), et donc censés accepter tout débat dans le respect comme bienvenu et même nécessaire, ils ne laissent la critique s'exprimer que si elle est médiocre et facilement contrable. Si elle est davantage argumentée, plus nuancée, pointe certains faits difficiles à nier, et donc plus dérangeante, là on commence à être sévèrement ennuyé.

On observe plusieurs tactiques, que j'ai personnellement vécu, comme dénaturer le propos afin de débattre contre des arguments qui n'étaient pas au départ les miens. Autrement dit on recourt à la malhonnêteté intellectuelle. Ensuite viennentt le déni et la mauvaise foi face à des tournures plus précises. Et enfin, ces deux sites là, au moins, n'ont pas hésité à recourir à ce qu'il convient à appeler de la censure, là où ils affichent le contraire. Mieux, cette censure est passée totalement inaperçue. Nul part il n'a été signifié que je n'aurais plus droit à la parole. Cela a été fait dans le dos de tous les lecteurs de ces sites, et c'est là que ça devient particulièrement pervers.

En effet, sur l'un de ces sites, mon avant-dernier commentaire avant "modération" de mon compte a suscité un débat qui promettait d'être intéressant. Plusieurs commentateurs s'étaient saisis de mes propos, certains pour les critiquer, certains pour les accréditer, ce qui est normal et sain. Mais voilà, je n'ai jamais pu répondre aux critiques, puisque je suis désormais interdit de commentaire, et ce sans préavis, ni avertissement, ni information publique de ce fait. Je ne pourrai donc ni soutenir ceux qui étaient d'accord avec moi, qui se retrouveront isolés, ni opposer de nouveaux arguments, ou réexpliquer ou reformuler les premiers, à ceux qui ne sont pas d'accord. Je ne pourrai pas, non plus, me défendre et dénoncer la censure de mes propos, avertir les autres que s'ils ne basculent pas dans le politiquement correct propre à ce site, un même sort peut leur être réservé dans les mêmes conditions. Vous me direz que c'est banal, ça arrive tous les jours sur tous les forums, et je le sais bien, j'ai été modérateur sur plusieurs de ces choses... Seulement il y a, encore, une grosse différence. La plupart des gens qui sont modérés ne font que du "trollisme" involontaire. Ils sont souvent sincères dans leurs idées, mais ne savent pas les exprimer à la fois avec franchise et avec respect, et c'est pour cela qu'ils se font modérer. Aussi, il m'est certainement arrivé de me mettre en colère et d'avoir été modéré dans ces cas là. Cela, je l'admets sans aucun problème. Mais ici, le ton sarcastique, ou simplement acerbe, bien que sans agressivité ni méchanceté de mes messages, n'a servi que de prétexte à mes exclusions.

On est ici face à autre chose qu'un simple type qui a le "ban facile". Car il s'agit d'un symptôme parmi d'autres d'une dérive tout à fait perverse et inconsciemment malveillante de la fonction de modération et surtout du mécanisme de grégarisation. Cet abus, qui n'en est qu'un parmi tant d'autres, et dont je n'ai été qu'une victime insignifiante parmi tant d'autres, est très dangereux pour l'avenir du contenu sur les sites communautaires sur internet, ainsi que pour quelque chose que je serais tenté de nommer "la paix sociale", dans le sens que cette dérive participe à une division des peuples en agglomérats identitaires. Il s'agit en fait d'un réflexe grégaire. Un groupe se sent menacé, alors il exclut celui qui a ses yeux représente cette menace.

Ce problème est certes propre à l'humain, mais sur internet sa dangerosité prend une autre ampleur. En effet, il consolide la grégarisation et facilite l'exclusion des idées différentes, et ce avec la caution des étiquettes "citoyennes" ou "alternatives", qui sont valorisées. Il favorise la sédimentation d'idées qui partagent une identité, et la disparition des autres. Il est le premier mécanisme de la manufacture d'une nouvelle pensée unique, qui au lieu d'être simplement unique, sera fragmentée selon les sites où elles se sédimentent. Inévitablement, internet va vers ce phénomène de communautarisation des opinions.

Cette communautarisation se fera par le bénéfice d'autres rouages, comme le lynchage collectif du petit mouton noir, qui est une chose courante, mais que je trouve nettement moins navrante que la mise au ban et au silence pur et simple de celui-ci. Au moins, le "lynché virtuel" peut toujours continuer à s'exprimer et à se défendre, s'il en a le courage. C'est d'ailleurs un rôle dans lequel je me suis parfois trouvé, et je ne m'en suis jamais plaint. Simplement ces deux rouages se renforcent l'un l'autre, constituent deux "systèmes" de protection du groupe qui s'additionnent et augmentent ainsi la pression sur celui qui pense différemment.

Plus pernicieux encore est le fait de se perdre dans la masse des commentaires uniformisés qui ne vous remarquent même pas, soit que le flot soit trop important, soit que l'organisation de la page ne soit pas claire, ou autre. Plus votre point de vue est minoritaire (qu'il soit ou ne soit pas pertinent), plus il a de chances de passer simplement inaperçu, ce qui est en somme un reflet de ce qui se passe au quotidien dans la société humaine, preuve qu'internet ne pallie pas nécessairement à ce problème non plus.

Je pourrais continuer longtemps ainsi. L'idée est que l'humain, pour pallier au problème de la difficulté d'accéder à l'information et de la trier, a fortiori dans un monde où l'information de masse est en fait orientée et toxique, crée de nouveaux problèmes pour le remplacer. Je ne dis pas qu'il n'y a que du mauvais dans internet et tout au contraire, je pense que c'est un progrès par rapport au temps où il n'existait pas. Du reste ce n'est pas pour rien si l'élite dirigeante cherche à museler ce média.

Mais il faut être conscient qu'avec internet viennent aussi certaines difficultés. Les informations qu'on y trouve n'y sont pas, en moyenne, plus objectives. En revanche, on peut avoir accès à des informations plus objectives, au sein de la masse, ce qui implique qu'internet ne résout pas le problème du tri des informations, et ne pallie pas au problème de la rationalité limitée. Au moins, pas entièrement.

Avec ce constat vient celui que les sites font chacun leur propre sélection. Certains avec des critères pertinents, d'autres non, certains avec une attitude relativement ouverte, certains avec une attitude plus ou moins sectaire. De là, le risque de tomber dans des cul-de-sac de la pensée, où le groupe impose en bloc son opinion à chaque membre, ou à défaut le fait taire, est réel. Ces sites qui tomberont dans ce piège d'une communautarisation à tendance sectaire, quelles que soient leurs bonnes intentions, d'un côté créeront de la dépendance chez ceux qui voudront adhérer à leurs préceptes, et de l'autre excluront par n'importe quel moyen ceux qui préfèrent conserver leur esprit critique, et choisissent de l'exprimer.

Il en découle enfin un autre effet pervers, qui touche potentiellement tous les individus de nature indépendante et réfléchie qui voudront se cultiver par le biais d'internet. Ces individus devront choisir entre se taire (s'exclure des débats), et affronter la masse qui voudra avoir raison contre eux, en utilisant tout le poids de sa majorité pour s'octroyer une légitimité tout à fait factice. C'est un constat de longue date que j'ai fait, que les individus doués d'une capacité de réflexion nuancée, s'agacent et se lassent assez vite des débats orientés, dont l'issue est décidé d'avance par la quantité des protagonistes, ou par la virulence de leur expression (celui qui gueule le plus fort, en gros), plutôt que par la qualité et la pertinence des idées et des arguments. Ces individus, et j'estime en faire partie sans fausse modestie, s'ils peuvent tomber dans certains écueils et ont certes des défauts comme tout le monde, ne cherchent pas forcément à avoir raison, ni même à avoir raison contre tout le monde. Ils veulent simplement que les débats soient équilibrés, non faussés, que l'intelligence ait une chance, car donner une chance à l'intelligence, c'est donner une meilleure chance à la vérité. Cette préoccupation n'est apparemment pas beaucoup plus courante sur internet que dans les débats télévisés montés en spectacles, et si je ne peux rien faire contre, je ne peux m'empêcher non plus de trouver cela alarmant. Sur internet comme ailleurs, la priorité est à la médiocrité, à la quantité, à la répétition, jusqu'à une autre forme d'abrutissement que celle imposée par la télé.

Dans tout cela, il y a en effet bien peu de place pour l'intelligence éclairée, mais toujours assez de place pour l'ostracisme, la mise à la marge, et autres formes d'humiliations plus ou moins visibles. Il en résulte qu'une certaine violence a lieu sur internet, qui pourrait être sujet d'un article à soi seul, et qu'en réponse à cette violence, un phénomène d'isolement se mette en place, ce qui semble confirmé par certaines études quant à l'augmentation de l'isolement dans nos sociétés, actuellement (même s'ilf aut admettre que les causes sont multiples et qu'internet n'est qu'une des causes). J'aurais aussi pu me pencher sur le pourquoi de cette communautarisation ou grégarisation sur le net. Probablement la recherche d'une réassurance, d'une solidarité, qu'elle soit illusoire ou réelle. Autant de signes des temps bien plus probants et inquiétants que ceux que certains sites passent leur temps à regarder à la loupe, sans voir plus loin que le bout de leur nez, et je le déplore.

Mais je pense en avoir assez dit pour cette fois. Pour conclure et recentrer sur l'objet général de mon blog, le constat que je fais, loin de l'enthousiasme général un peu démesuré pour ce qu'internet nous prépare, est qu'internet est un nouveau terrain de la pensée unique et du terrorisme intellectuel, juste sous des morphotypes différents de ceux auxquels nous sommes habitués par les journaux et la télé. Les aspects positifs existent, mais la détresse humaine y est aussi omniprésente, alimentée par nos conditionnements et la limitation de notre rationalité. Cela est d'autant plus vrai que le support informatique, par écran interposé, encourage certains travers humains que nous pouvons même surprendre chez soi alors que nous les ignorions. Certains sites traitent cela par la technique du bouc-émissaire et par la pratique de la projection, rejetant la violence et le sentiment de la violence hors d'eux, en accusant leurs contradicteurs et en les condamnant et en les faisant disparaitre, refusant de prendre conscience qu'eux aussi sont des acteurs de cette dérive en marche, malgré toute leur bonne volonté et leurs bonnes intentions qui pavent l'enfer de tous.

Ce genre de sites, qui prétendent éhontément au mieux-être, n'ont malheureusement pas grand chose à apporter sur ce point, tant que ces idées que j'ai tenté de soulever dans cet article n'ont pas été prises en compte. Protéger le groupe d'idées pouvant faire évoluer ses convictions est une démarche néfaste et dangereuse, qui amènera inévitablement certaines souffrances. Former des groupes tous en opposition les uns avec les autres, dans une dualité manifeste, c'est céder à des travers instinctifs primaux qui sont dépassés, et qui devraient, si la rationalité s'équilibrait davantage avec le reste céder la place à une intelligence du coeur et de l'esprit Au lieu de tout cela, ces sites passent en général leur temps à cultiver certaines peurs et à lancer des leçons de morale à qui-mieux-mieux à travers leurs articles, et le temps qu'il leur reste sert apparemment à ignorer les faits qui, dans les articles qu'ils publient eux-mêmes, contredisent parfois totalement leur doctrine, pour ne retenir, encore une fois, que ce qui va dans le sens de ce qu'ils veulent croire. On renforce donc simplement les barricades qui nous séparent des autres groupes, reformant une sorte de féodalisme virtuel où chacun défend sa muraille, sa forteresse mentale et collective dans laquelle il se sent en sécurité, la recherche d'un sentiment de sécurité prenant le pas sur le désir de rationalité. Et si une tête dépasse, en dernier recours, on la coupe. Tant pis, il n'avait qu'à pas être là, comme disent souvent les gens qui ne sont pas d'accord avec vous "Mais qu'est-ce que vous faites sur ce site ? Allez donc sur des sites qui pensent comme vous !" Et le cercle vicieux est ainsi bouclé... Chacun n'étant censé communiquer qu'avec qui pense comme lui, et éventuellement, pour certains, préparer la guerre contre les autres, qui sont si menaçants.

Mais l'humain étant l'humain, il y a de grandes chances qu'internet s'embourbe dans ce type de problèmes, plutôt que dans des usages plus sains.


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3 réactions à cet article    


  • Sozenz 8 octobre 2015 20:00

    prendre ce que nous voulons et sentons être juste ; laisser le reste ;
    chercher ,devoir parfois accepter de moduler , de reconnaître certains jugements faux ou non objectifs, ou partiels pour ouvrir plus grand sa conscience , voir d autres horizons , s écarter définitivement de certaines voies. voilà comment prendre les infos que l’on trouve
    quant aux censures laissez faire . si vous pensez aujourd’hui que ce que vous pensez est juste ; c est votre chemin intérieure et si vous ne pouvez pas l exprimer , il est toujours à vous.
    Il faut accepter aussi de devoir marcher seul . c est une force qu il faut apprendre.

    https://www.youtube.com/watch?v=knqKIbUtuLE
    le conteur Saidou Abatcha.


    • Nycolas 8 octobre 2015 21:10

      @Sozenz

      Merci pour ce commentaire à méditer.

      L’une des difficultés est, précisément, ce sentiment de marcher seul, depuis déjà très longtemps.


    • adrien 25 août 2019 11:46

      La « rationalité limitée » aboutit aussi en matière de sécurité à des décisions non optimales en matière de prévention, avec des attitudes suscitées plus par l’émotion que par la réflexion, amenant à des craintes excessives ou au contraire à un déni des dangers et à une trop grande confiance et une banalisation, à l’origine soit de surprotection inutile, soit de sous-protection néfaste.
      Limiter l’influence des biais cognitifs implique des changements comportementaux vis-à-vis de la sécurité au travail : le développement d’une conscientisation des risques, la formation et l’établissement de consignes claires et partagées, la sanction ou la récompense ...
      Il existe aussi une méthode d’influence des comportements tirant parti de la rationalité limitée : le « nudge » (coup de pouce) qui est une incitation comportementale à la sécurité : http://www.officiel-prevention.com/formation/conseils/detail_dossier_CHSCT.php?rub=89&ssrub=183&dossid=587

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