Le congrès du PS : François Hollande comme une girouette affolée
S’il y a un grand perdant après le vote des militants socialistes, c’est le premier secrétaire sortant, François Hollande. Ce n’est pas tant qu’il ait perdu en misant sur le mauvais cheval, puisque la motion Delanoë qu’il soutenait n’est arrivée qu’en deuxième position avec 25 % des voix derrière celle de Ségolène Royal qui en a réuni 29 %. Il a surtout perdu de son crédit en perdant une occasion de se taire.
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Avant le vote : la liste en tête doit avoir tous les droits
Abusé sans doute par des sondages qui donnaient la motion Delanoë en tête, il s’est laissé aller, une semaine avant le vote, à édicter imprudemment à l’avance le protocole draconien auquel il entendait soumettre les motions concurrentes. Selon le site Le Post, reprenant, le 7 novembre 2008, une interview sur France Inter, François Hollande paraissait tellement sûr de la victoire de son poulain qu’il se montrait déjà dominateur : 1- il ne concevait d’alliances légitimes entre les motions qu’à condition qu’elles soient déclarées avant le vote des militants pour éclairer leur choix ; 2- mais, comme aucune ne l’avait été, il reconnaissait le droit à la motion arrivée en tête de briguer le poste de premier secrétaire et d’imposer sa ligne à toutes les autres.
« C’est la motion qui arrivera en tête qui aura gagné le congrès, annonçait-il. Quant aux alliances, elles sont légitimes. Mais elles doivent être connues avant le vote, c’est-à-dire avant le 6 novembre. Or je constate qu’aujourd’hui, aucune n’a été assumée, ce qui veut dire qu’il n’y aura pas d’alliance qui pourra aller contre la motion qui arrivera en tête. La motion qui arrivera en tête aura donc un droit, c’est de proposer le premier signataire comme premier secrétaire. Et donc pour la motion que je soutiens, ça sera Bertrand Delanoë qui sera le candidat premier secrétaire. C’est-à-dire que toutes ces motions qui ont fait un autre choix que le nôtre, si elles veulent participer avec nous à la direction du parti, à la majorité du parti, eh bien, elles devront accepter la ligne qui aura été choisie par les militants avec la motion qui sera arrivée en tête. »
Il ne faisait aucun doute pour François Hollande que l’affaire était dans le sac : la motion Delanoë serait la première et imposerait sa loi aux autres.
Après le vote : la liste en tête n’a plus aucun droit
Seulement voilà, le 6 novembre 2007, les militants socialistes en ont décidé autrement. La motion Delanoë n’est arrivée que seconde derrière celle de Ségolène Royal. Et François Hollande, imperturbable, a balancé par-dessus bord, dès le lendemain, sans plus de manières son protocole draconien bon pour les autres, mais par pour lui et ses amis ! Il n’était plus question d’accorder tous les droits à la liste placée en tête. Les alliances redevenaient légitimes pour la contrer après le vote des militants qui pourtant n’en avaient pas eu vent.
Toujours cité par Le Post, le 7 novembre 2008, le lendemain du vote, François Hollande s’exprimait ainsi sur RTL : « Ce n’est pas le scénario le plus simple en tout cas pour le Parti socialiste, regrettait-il. (La victoire de l’ex-candidate à la présidentielle) ce n’est pas une victoire qui lui permet aujourd’hui d’être majoritaire dans le Parti socialiste. D’ailleurs, personne n’est majoritaire dans le Parti socialiste. Et c’est bien là le problème. Et donc l’enjeu c’est de faire en sorte qu’il puisse y avoir un rassemblement sur une ligne qui soit cohérente, dynamique, mobilisatrice, parce que je pense que le Parti socialiste en a besoin et les Français aussi. »
Un ultime et heureux rétablissement
Un virtuose du retournement de veste, Edgar Faure, a théorisé l’opération : « Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent ! » Il semble qu’en ce qui concerne François Hollande, le vent ait tourné deux fois.
1- La première est le 7 novembre, le lendemain du vote, dans la rancœur de la déception, il n’en suivait pas moins une ligne cohérente en changeant d’avis puisque qu’il s’agissait de contrer par tout moyen la prétention de la motion de Ségolène Royal et de son équipe à prendre la direction du parti. Les alliances d’après vote entre motions, tant décriées avant le vote, redevenaient légitimes pour contrer la motion arrivée en tête qui ne se voyait plus reconnaître aucun droit à présenter un candidat au poste de premier secrétaire pas plus qu’à imposer sa ligne.
Puisque le protocole imprudemment édicté avant le vote favorisait la rivale, on en changeait après le vote au risque de se discréditer en violant un principe démocratique selon lequel on ne modifie pas les règles du jeu en cours de partie. Les militants s’étaient prononcés, en effet, dans le cadre défini avant le vote par le premier secrétaire sortant.
2- Un changement de vent est intervenu heureusement le 8 novembre. F. Hollande s’est à nouveau contredit sur son blog, selon Le Monde.fr du 9 novembre. Il est revenu au protocole édicté avant le vote en concédant qu’il fallait donner à la liste arrivée en tête « la responsabilité de proposer une orientation majoritaire, une stratégie cohérente d’alliance et un nom de premier secrétaire », ajoutant, sans cet humour qu’on lui connaît pourtant, que « comme premier secrétaire (il s’était) toujours tenu à deux principes essentiels : le respect du vote et l’exigence du rassemblement » ! Sauf, la veille, aurait-il dû corriger, où le vent avait retourné la girouette.
Ces volte-face à donner le tournis, même si elles ont ramené heureusement F. Hollande à sa position de départ, ne sont pas du meilleur effet. Il a beau s’être repris, il a tout de même succombé à la tentation de la duplicité pendant 24 heures. Ce n’est pourtant pas le plus grave. Un soupçon tend à subsister sur le type de démocratie dont il rêve. La soumission à la règle ne serait-elle de rigueur que dans la mesure où on en tire avantage, tandis qu’on la changerait si elle y fait obstacle ? N’y retrouve-t-on pas les relents d’une conception marxiste du droit selon laquelle il ne serait que la sanction d’un rapports de forces tout provisoire ? Dans ce cas, toute construction démocratique sur un socle de règles communes impartiales devient illusoire. Et les relations sociales sont condamnées à n’être qu’une jungle où triomphe le caprice du plus fort. Paul Villach
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