Le coup dur du président Biden
Le président sortant Donald Trump a laissé un legs épineux et compliqué au nouveau président Joe Biden. Jeter un pont entre les différences de la société américaine reste, en revanche, la tâche la plus ardente qui incombe à la Maison Blanche pour les quatre prochaines années.
Tout s’est compliqué lorsque la Chambre des représentants a voté en faveur de la décision d’accuser le président Trump « d’incitation » à ses partisans lors de l’émeute au Capitole la première semaine de janvier. Les contours d’un profond clivage sociétal et partisan sont très clairs.
Il n’y a pas que dans les rues américaines, où quelque 74 millions d’électeurs ont voté pour le second mandat de Trump. Le Parti républicain a lui aussi subi la désunion. Dix républicains à la Chambre ont rejoint les démocrates en votant oui à la destitution de Trump.
Par 232 à 197 votes, Trump est devenu le premier président américain de l’histoire à risquer l’impeachment à deux reprises au cours de son mandat. La dissidence dessine alors le paysage américain dans l’avenir prévisible. Un fossé social existe donc, ainsi qu’au sein du parti républicain.
Certains républicains accusent les démocrates de s’emparer de la situation au risque d’attiser la division par une vendetta politique contre Trump.
D’autres républicains ont abondé dans le même sens que Liz Cheney, 3e plus célèbre républicaine à la Chambre des représentants, qui a dit : « Il n’y a jamais eu de plus grande trahison par un président des États-Unis de sa fonction et de son serment à la Constitution. »
Néanmoins, il semble que les leaders républicains approuvent l’effort des démocrates pour condamner Trump, puisque cela aide à débarrasser le parti de lui sans trop de pertes politiques. Les intérêts de la majorité républicaine changent, surtout depuis que Trump a contesté les sondages, ce qui leur a coûté la perte de deux sièges sénatoriaux en Géorgie.
En conséquence, perte de la majorité républicaine à la Chambre et contrôle démocrate du Congrès. De peur pour leur avenir politique, quelques législateurs républicains se sont désolidarisés de la démarche de Trump. Il paraît toutefois peu probable de condamner Trump au Sénat, étant donné les implications politiques que cela aurait pour l’avenir du parti.
Cela dit, les retombées de ce qui se passe sur la scène politique américaine sont loin d’être rassurantes. Alerte de sécurité sans précédent, des mesures hors du commun accompagnant la transition du pouvoir et la prestation de serment du président Biden.
Les agences et institutions de sécurité américaines mettent en garde contre des manifestations violentes, éventuellement armées, prévisibles à Washington et dans les capitales états-uniennes juste avant l’investiture de Biden. Le clivage ne finira pas avec la disparition officielle de Trump de la scène politique américaine à la fin de son mandat.
Selon certains, une absence de Trump du pouvoir pourrait être plus dangereuse que sa présence à la Maison Blanche. Le trumpisme, qui représente plus de 70 millions d’électeurs américains, ainsi qu’un large segment des membres du Congrès, ne baissera pas les bras facilement. Il ne sera pas un outsider du paysage politique et partisan américain.
Pour rappel, 139 législateurs républicains ont voté contre la ratification du résultat de l’élection présidentielle de 2020, qui est non moins problématique que le refus de Trump de le reconnaître.
De plus, Trump, advenant qu’il ne soit pas tenu responsable, ne se retirera pas de la politique, mais pourra se consacrer à diriger ses partisans via des plateformes politiques et médiatiques alternatives. Des voix s’élèvent également pour avertir que les dirigeants démocrates se précipitent dans une sorte de vindicte politique contre Trump et ses partisans républicains.
Ces avertissements concernent surtout les réactions de la présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, qui a décrit Trump comme un « danger clair et présent. » Certains dirigeants du GOP ont alors appelé leurs adversaires démocrates à renoncer à interpeller Trump afin de préserver l’unité nationale.
« Destituer le président dans un délai aussi court serait une erreur, » a déclaré le leader républicain à la Chambre Kevin McCarthy, ajoutant que « cela ne signifie pas que le président n’a rien à se reprocher. Le président porte la responsabilité de l’attaque de mercredi contre le Congrès par des émeutiers. »
Il s’agit d’une accusation républicaine claire de Trump. Cependant, la partisanerie et la quête pour maintenir la cohésion et les intérêts du parti demeurent fortes pour la majorité des membres. L’interrogatoire du président Trump au Sénat, qui pourrait s’étendre sur le plan procédural aux premiers jours du mandat de Joe Biden, ajoute aux enjeux, voire aux épreuves du nouveau président américain.
Il doit traiter avec une nation scindée et un parti républicain clivé entre trumpistes et anti-Trump. De fait, les prochains jours semblent assez prégnants quant à l’avenir des États-Unis, tant en raison de l’anxiété qui accompagne le transfert officiel du pouvoir qu’à l’interrogation de Trump.
Le président Biden doit donc assumer la tâche rapidement et efficacement pour combler le fossé et favoriser l’unité. Les Américains doivent être rapprochés dès les premières heures de son mandat plutôt que de s’engager à rendre des comptes, ce qui ne ferait qu’aggraver les cicatrices de la société américaine.
Plusieurs mettent en garde les démocrates contre la surenchère d’humiliations et de représailles contre Trump, plutôt que de laisser ce qui s’est passé devenir une page de l’histoire qui le jugera sûrement, que ce soit en bien ou en mal.
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