Le drame de MERS EL KEBIR - Partie N° 1
En dehors de l’historiographie sur les épisodes les plus connus du conflit de la seconde guerre mondiale, il est bon de se pencher sur des événements rarement évoqués, sinon par quelques historiens spécialisés. Le drame de Mers El Kebir fait partie de ces catastrophes qui ont diminué la France. Il faut prendre en compte le contexte politique dans lequel se trouvait le pays, après la défaite de l’armée française, lors de la « Bataille de France » en 1940.
Sources documentaires :
Encyclopédie Alpha,
Les cahiers de l’Empire Français : P. Gourinard – Mers El Kebir et ses conséquences.
Coutau-Bégarie et Huan – Darlan, Éditions Fayard 1989.
Mémorial de la Seconde Guerre Mondiale.
La genèse.
1930 – Nous sommes sous la 3eme république. G. Lègues, alors ministre de la Marine ainsi que le Contre-Amiral Darlan, réfléchissent sérieusement à transférer l’escadre de la Méditerranée basée à Toulon. En effet, la rade de Toulon est engorgée. En Allemagne, la montée inexorable d’Hitler inquiète les pays européens, et particulièrement la France. Hitler ne cache pas ses intentions de prendre le pouvoir en Allemagne, et non plus, ses intentions belliqueuses envers la France. Pour le gouvernement français, toute hypothèse concernant un plausible futur conflit avec l’Allemagne, rapproché ou plus lointain dans le temps, n’est donc pas à négliger.
Pour Darlan, tout conflit mettrait en danger la marine française basée à Toulon. Il faut donc mettre à l’abri les bâtiments militaires, c’est une flotte très importante qui comprend des croiseurs, des cuirassiers, des torpilleurs, des sous-marins. Il serait impossible, vu le temps très court pour l’évacuer, en cas d’attaque surprise, de sauver la flotte.
Darlan obtient du galon. Il est nommé Commandant de la Marine à Alger.
Le Président de la République G. Doumergue se déplace à Alger pour une commémoration officielle en compagnie du ministre de la Marine, Dumesnil. Ils se concertent. Darlan, Doumergue, Dusmesnil se mettent d’accord sur un projet de réaménagement de la rade de Mers-El-Kebir basée en Algérie, à côté d’Oran. Cette rade est elle-même particulièrement encombrée de bateaux de commerce et de bâtiments de guerre.
De 1935 à 1937, des travaux importants seront effectués à Mers El Kebir.
Entre-temps, Darlan est nommé Chef d’État-major de la Marine et c’est le 12 avril 1939 qu’un décret-loi officialisera la création de la base navale militaire de Mers-El-Kebir.
La tragédie se met en place.
1940 – Bataille de France. C’est une cuisante défaite pour l’armée française contre l’Allemagne nazie. Roland Dorgeles la qualifiera de « plus grande défaite militaire française ».
Le 8 avril 1940, la marine allemande attaque les côtes de la Norvège. Les victoires de l’armée allemande en Europe se multiplient. A ce moment-là, après la défaite cuisante des Français devant les troupes hitlériennes, l’Amirauté française prend conscience, à la vitesse fulgurante où les Allemands alignent les succès, à la vitesse à laquelle ils progressent en Europe, qu’une organisation sérieuse des forces navales est absolument vitale pour la France. Autant en Atlantique qu’en Méditerranée. Or, la flotte française s’est surtout concentrée par un très grand nombre de bâtiments, dans le Nord de l’Atlantique. L’Amirauté répartit et remanie les escadres. Cette flotte comprend des bâtiments construits récemment dont plusieurs cuirassés.
Le 27 avril 1940, les cuirassés le « Dunkerque », le « Strasbourg », quittent l’Atlantique pour la Méditerranée et rejoignent Mers El Kebir. Mussolini, l’allié d’Hitler, ne cache pas ses intentions belliqueuses envers la France et compte rentrer en guerre, à son tour. L’Amirauté française prend la menace au sérieux et décide de renforcer les effectifs de la marine.
Le Président de la République Albert Lebrun, successeur de Paul Doumergue, accède à la demande de Paul Reynaud. d’attribuer la présidence du Conseil à Pétain. Albert Lebrun nomme Darlan au poste de sous-secrétaire d’État à la marine.
Pétain obtient les pleins pouvoirs. De l’armée française, hélas, il ne reste quasiment plus rien. Les prisonniers de guerre français sont envoyés en Allemagne et le moral du pays est au plus bas. Mais seule, grâce à la clairvoyance de Darlan, la Marine est restée intacte. Elle n’a subi aucune pertes et sa flotte est au complet. Le Vice-Amiral Gensoul est nommé chef de l’Escadre de l’Atlantique.
Quels sont à ce stade de l’évolution des événements les rapports qui lient les Anglais et les Français ? Quels sont les rapports anglo-allemands ?
Un accord anglo-allemand naval existait depuis 1935 entre les Anglais et les Allemands. Or, il est décrié par les Français. Les Anglais prétendent s’être rassurés en le signant devant le réarmement naval allemand.
C’est le 4 juin 1935, deux ans après l’accession par Hitler au poste de Chancelier du Reich, que ces négociations navales germano-britanniques avaient eu lieu à Londres. Le gouvernement britannique informa les puissances signataires du Traité de Washington des propositions du Reich. Or, le Reich ne faisant pas dans la demi-mesure, il imposait à la France, par des clauses spécifiques, de mettre ses forces navales sous la tutelle de...Londres !
Les Français, furieux, dénoncent un asservissement à la politique maritime de Londres.
Les Anglais prennent des dispositions pour les mettre immédiatement en œuvre. Par le truchement du 1er Lord de la Mer, l’Amiral Sir Dudley Pound, sans prendre de gants envoie à l’Amiral North, le Commandant en Chef des forces navales britanniques à Gibraltar, ses instructions. « Si la flotte française ne doit pas continuer à combattre, nous voulons avoir ses bateaux dans nos ports et les contrôler. Si cela se révèle absolument impossible, ils devront être coulés... »
L’Amiral North prend langue avec l’Amiral Gensoul en justifiant la décision anglaise au motif des craintes des britanniques de voir tomber la flotte française entre les mains de l’ennemi. Gensoul répond aux Anglais, qu’en tout état de cause, « il était exclu pour la France de voir tomber intacts les navires aux mains de l’ennemi ». Mais qu’il est hors de question d’une « mise à l’abri des bâtiments français dans les ports britanniques ». En d’autres termes, Gensoul explique à North que la flotte restera à Mers El Kebir. North rédige son compte-rendu à l’Amirauté Britannique. En gentleman, il en profite pour déplorer le discours récent de Churchill dont les termes envers la France ne sont guère aimables et d’une « grande injustice ».
C’est que Churchill prépare avec fébrilité, depuis quelques temps, l’ « Opération Catapult » et fait tenir à l’écart des préparatifs de cette opération l’Amiral North qu’il juge trop sensible au charme français.
Opération « Catapult ».
Elle doit se dérouler en 2 missions distinctes.
1/ prendre les bâtiments français par la force, du moins ceux stationnés dans les ports anglais.
2/ envoyer une escadre à Mers El Kebir chargée de ramener les bâtiments français vers les ports anglais.
3/ En cas de refus de la part de l’Amirauté française, les couler.
L’escadre anglaise chargée de la mission se nomme : Force H.
Pourquoi cette hâte à vouloir récupérer les bâtiments français ?
Churchill évoque les craintes de voir les Allemands s’en emparer, mais en réalité, les menaces allemandes sur la marine française semblent plutôt non-fondées, car les Allemands occupés à conquérir territorialement vers l’Est, ne représentent pas un réel danger maritime en Méditerranée. A plus forte raison, « que les ports africains se trouvent très éloignés des bases italiennes alliées des Allemands. »
Les raisons d’un tel empressement ? Est-ce parce que « l’Amirauté française n’a pas donné de gages suffisants aux Anglais ? »
Le 8 juin 1940, l’Amiral Darlan et l’Amirauté basée à Bordeaux se rendent à Nérac.
Le 30 Juin 1940, l’Amiral se rend ensuite à Clermont-Ferrand, nouveau siège du gouvernement,
Enfin, le 1er Juillet, tout le gouvernement s’établit à Vichy. L’Amirauté les suit.
La première semaine de Juillet, une intense activité saisit les Anglais. Un commando britannique se saisit des bâtiments français présents dans les ports anglais. Les équipages sont évacués et le commando se livre à un pillage systématique des bâtiments. Le Sous-marin le « Surcouf » riposte et l’affaire se solde par plusieurs tués. (entre 4 et 10 morts, selon des sources divergentes).
Port d’Alexandrie – L’escadre de l’Amiral Godefroy se trouve bloquée dans ce port, depuis l’Armistice. L’Amirauté a passé un accord avec l’Amiral Cunningham, de façon à ce que les bâtiments ne quittent pas Alexandrie. L’escadre française restera immobilisée avec un petit nombre de membres d’équipages, ce, jusqu’en 1943. Aucun incident notable n’est à déplorer.
3 Juillet 1940 – Les préparatifs de l’opération « Catapult » sont terminés. Passage à l’action.
Rade de Mers-El-Kebir.
Dès l’aube, la Force H aborde la rade, sous le commandement de l’Amiral Sommerville. L’escadre anglaise se compose de 3 cuirassés et un porte-avion.
Le capitaine de vaisseau Holland, lance à Gensoul un ultimatum qui ressemble fort à une prise en otage de la flotte.
1/ faire route vers un port britannique et « continuer la guerre aux côtés de la Grande-Bretagne » ou bien de rapatrier les équipages en France, ou de faire route vers les Antilles pour être placé sous contrôle américain.
2/ Si refus de la part de la France, saborder les navires.
Le compte à rebours est enclenché.
8 h 45 – Gensoul rend compte à ses supérieurs de l’ultimatum.
10 h 56 : Réception de l’Amirauté du message de Gensoul. Darlan est absent ce jour-là et injoignable, les communications sont difficiles, le réseau de communications non efficient et c’est l’Amiral Le Luc, qui, ne parvenant pas à joindre Darlan, va prendre sur lui d’envoyer deux messages : L’un de faire appareiller l’escadre basée à Alexandrie pour rejoindre Mers El Kebir,
L’autre, très offensif, de « répondre à la force britannique par la force ».
Au préalable, il demande que la 3e escadre de Toulon, la 3e et 4e divisions de croiseurs, à Alger, doivent gagner Mers El Kebir.
12 h 30, Darlan est enfin joignable. Gensoul envoie un nouveau message à 12 h 20, où il relaie l’ultimatum et les dispositions radicales de Le Luc : l’épreuve de force avec les Anglais. Darlan approuve les dispositions de Le Luc. Et envisage même, avec l’aval du gouvernement, des représailles contre l’Angleterre, comme un raid contre Gibraltar où se trouvent des bases anglaises.
Darlan rejoint Vichy. Le Luc câble à Gensoul :
« Vous ferez savoir à l’intermédiaire britannique que l’Amiral de la Flotte Darlan a donné ordre à toute force navale française en Méditerranée de vous rallier en tenue de Combat immédiatement. Vous avez donc à donner vos ordres à ces forces. Vous répondrez à la force par la force. Appelez sous-marins si nécessaire. Commission d’Armistice par ailleurs prévenue ».
15 h 30 : ouverture du Conseil des Ministres. Difficultés de communication, le délai de 6 heures de l’ultimatum britannique est écoulé. Mais Sommerville accorde un délai supplémentaire jusqu’à 17 h 30.
Les Anglais veulent en finir une bonne fois pour toutes, avant la nuit, précisent-ils.
Dernier message de l’Amiral anglais :
« A moins qu’une de mes propositions ne soit acceptée, à 16 h 30 je serai forcé de couler vos bâtiments ».
16 h 57 : l’escadre britannique ouvre le feu. La première salve part du navire Amiral. Le Cuirassier Strasbourg et trois contre-torpilleurs forcent le barrage. 17 h 00 : Gensoul télégraphie « combat engagé contre force britannique »
17 h 15 : « Je demande à l’Amiral anglais de cesser le feu ».
Bilan matériel : très lourd. 3 cuirassés sur 4 sont atteints et détruits. « La Bretagne », la « Provence », « Le Dunkerque ».
Le cuirassé « Le Strasbourg » est épargné, il a pu s’échapper et sortir de la rade.
2 contre-torpilleurs réussissent à s’échapper à leur tour, et rejoindront Toulon.
Les croiseurs d'Alger, ainsi que les transports d’hydravions « commandant Teste », échapperont également aux avions anglais.
Pendant que le contre-torpilleur « Mogador » s’échoue.
Les pertes en vies humaines sont extrêmement lourdes / Très, très, importantes,
Bilan humain : 1300 morts dont 977, rien que pour « Le Bretagne ».
.../...
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