Le DSK de Schrödinger, un feuilleton pour l’été
Les bavards de la matinale de France Inter s’apprêtaient à faire leur dernière prestation avant les vacances quand, très tôt ce matin, Patrick Cohen réveilla d’un coup de fil Thomas Legrand :
« Thomas, c’est urgent, il faut que tu refasses ton édito, l’actualité l’impose ».
L’intéressé : « quoi, qu’est-ce qui se passe, Fukushima vient d’exploser, le gouvernement de la Grèce est en fuite, un astéroïde s’est écrasé sur la Maison Blanche, Sarkozy a fait un malaise vagal ? ».
« Mais non, c’est plus énorme encore, un article du New York Time vient de révéler que la femme de chambre du Sofitel aurait un pote en taule qui serait dealer et lui aurait fourgué de la thune, quelques dizaines de milliers de dollars, qu’elle aurait placés sur un compte en banque »
« Et alors, ça change quoi, DSK est libre ? »
« Mais non, c’est juste que c’est une nouvelle du tonnerre et qu’on va devoir tout changer dans la matinale, inviter Jean-Marie le Guen, appeler nos correspondants à New York, réveiller Lionel Jospin qui se repose à l’île de Ré, partir à la recherche de Jack Lang… que tout le monde s’exprime ! »
Autant dire que ce « présumé coup de théâtre » tombe à pic pour remplir les journaux et les vendre en cette période estivale. Mais cette fois, le buzz est sacrément en avance, un mois carrément, comme les lauriers roses, les cerises et les melons. Souvenez-vous, le Rainbow Warrior c’était en plein été, comme les vieux qui mourraient de la canicule ou Marie Trintignant qui tombait sous les coups de Bertrand en plein milieu des vacances. Cette fois, la nouvelle atomique susceptible d’irradier les rédactions de France et de Navarre tombe avant même que les télés n’aient eu le temps de diffuser les premiers bouchons sur les routes. Du sort de DSK, on ne saura rien, sauf à consulter les spécialistes en droit américain. Après, chacun pourra imaginer, comme sur les ondes d’Inter, une voix se disant que le procureur Cyrus Vance se devait de clore rapidement le dossier car si DSK est blanchi, les primaires du PS n’attendent pas et ce Monsieur Vance pourrait se voir reproché d’avoir tardé à libérer un candidat et d’avoir perturbé notre campagne présidentielle. Une autre voix suppute un plaider coupable sur un tout petit délit assorti d’une amende et hop, affaire plié, DSK prend l’avion, arrive sur le tarmac, accueilli sous les applaudissements des amis et militants, comme l’ont été nos deux journalistes otages en Afghanistan puis libérés.
Du scénario possible on ne sait rien mais toute interprétation, appréciation, supputation d’un cadre du PS ou de la majorité, est la bienvenue sur les ondes. Un étrange journalisme est né à notre époque. Il consiste à tracer des plans sur la comète, à donner son avis sur des faits pouvant se produire ou pas, sans savoir ni comment, ni quand, ni s’ils sont susceptibles de se produire avec une probabilité substantielle. Chacun invente son scénario et le propose aux médias.
Cet été, le feuilleton très prisé, ce sera le « DSK de Schrödinger », ainsi baptisé en référence au chat de Schrödinger qui, placé dans une cage contenant un détecteur quantique couplé à un propulseur de gaz toxique pouvant s’activer si la particule envoyée possède un spin orienté vers le haut, éventualité dont la probabilité est de moitié. On ferme la boîte et hop, l’expérience est déclenchée et le chat est à la fois mort et vivant. On peut imaginer la même expérience à New York, compte-tenu des événements, il est probable, sans qu’on puisse chiffrer la probabilité, que DSK puisse être disculpé, voire libéré, à une date indéfinie, ce qui modifie le cours des primaires et le destin présidentiel de la France. Cette éventualité suppose que les commentateurs évoquent le devenir d’un DSK de Schrödinger dont la particularité est d’être à la fois libre et assigné à résidence. L’époque est aux rêves, aux imaginations. Le fait qu’Eva Joly ait été en tête des primaires, infirmant une enquête d’opinion à laquelle mêmes pas les responsables d’institut de sondage ne croyaient, a suscité quelque espoir de la part des tocards de la primaire qui, tels Arnaud ou Manuel, s’imaginent remporter la mise. Mais cette fois, avec la présence du DSK de Schrödinger, les rêves vont devenir plus compliqués. Pour le plus grand plaisir des médias.
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