Le duc de Montebourg a donné fête en son fief
« Oyez, oyez ! Le duc de Montebourg donne fête en son fief. Venez nombreux. Venez habillés, mais pas trop, car le peuple aussi est invité.
Honneur sera rendu au comte de Hamon, suzerain zozotant des enseignants et des enseignés.
Et si le chancelier Valls met un point d'honneur
à le prendre mal, ce sera un baroud d'honneur,
car nous lui ferons un bras d'honneur. »
Un héraut pourrait venir tous les étés crier cette annonce.
Dans le discours télévisé du lendemain de fête, jour de la démission du gouvernement auquel il appartenait, M. Montebourg a parlé d'économie en panne, de politique inappropriée et des injustices induites, mais pas une fois des mots « gauche » et « socialiste ».
Sur ce point au moins il a eu raison.
Le mot socialiste est utilisé en France en concurrence du mot communiste depuis le congrès de Tours de 1920.
A l'étranger communiste se traduit par socialiste,
et socialiste par quelque chose de moins subversif comme « labour ».
Le glissement sémantique révèle un glissement des idées, comme le déni de 1983 où le mot « rigueur » a caché la réalité de l'abandon idéologique, ou, pire, l'association d'un discours de gauche à la pratique d'importants compromis avec la droite.
Ceci n'est pas un jugement de valeur sur la droite et sur la gauche, mais sur la franchise.
Ce n'était pas la première fois. Le 12 mars 1956 le socialiste Guy Mollet double en six mois les effectifs militaires déployés en Algérie en envoyant le contingent et obtient le vote des pouvoirs spéciaux incluant notamment :
-
la création d'une procédure de justice militaire de "traduction directe" sans instruction,
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la légalisation des camps d'internement créés en 1955
-
et l'attribution aux militaires des pouvoirs de police
Et en octobre et novembre 1956, Guy Mollet se lance dans une opération désastreuse contre l'Égypte lors de la nationalisation par Nasser du canal maritime de Suez. Cf http://fr.wikipedia.org/wiki/Guy_Mollet
Est-ce pour cette raison que les socialistes furent exclus du pouvoir pendant près d'un quart de siècle ?
Le mot « gauche » est lui aussi utilisé à grands cris par certains politiciens de métier parce qu'ils pensent qu'il est porteur et que c'est un gage suffisant pour susciter l'adhésion du peuple sans avoir à justifier leur position vis à vis des idéaux :
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« parti de gauche »
-
« front de gauche »
-
« vive la gauche » (mais si, ce n'est pas une blague !)
-
etc
Et alors ? Quel est l'impact sur les électeurs ?
Le mot « gauche » a peut-être un effet plus répulsif qu'attirant, même si les professionnels qui se parent de cette étiquette croient mettre sous celle-ci :
-
les idéaux de progrès et d'égalité,
-
la critique de l'ordre social
-
et le souci d'une plus grande justice sociale.
Depuis 1981 la gauche a accédé plusieurs fois au pouvoir, mais c'est le résultat inverse à ces idéaux que l'on constate :
En outre, depuis le début des années 1980, l'accès aux positions supérieures est devenu "plus inégal" et les enfants de cadres sont avantagés ... Les enfants de milieu modeste subissent davantage le phénomène de déclassement, comme le montrent notamment les études du Cereq (Centre d'études et de recherches sur les qualifications) ... A la fin des années 1960, 70% des bacheliers accédaient à un emploi de cadre ou de profession intermédiaire, contre seulement 22% aujourd'hui. Depuis 2002, la part des postes non qualifiés dans l'emploi des diplômes du supérieur long a fortement augmenté ...
Contrairement à ces mots prononcés en pensant leur contraire, le discours de M. Montebourg a une qualité que n'ont pas celui de ses pairs, la franchise.
Le journaliste Valentin Spitz publie le 10 septembre « Moi président » (Éditions l'Archipel), un portrait du ministre sortant de l'Économie auquel il a bien voulu participer. « Hollande ment tout le temps. C'est pour ça qu'il est à 20% dans les sondages. Il ment. Il ment tout le temps depuis le début », s'agace Arnaud Montebourg dans son bureau de Bercy, devant l'auteur. http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/citations/2014/08/26/25002-20140826ARTFIG00141-montebourg-hollande-ment-tout-le-temps-c-est-pour-ca-qu-il-est-a-20.php
Et déjà, le 18 janvier 2007, M Montebourg, porte-parole de la candidate socialiste à l'élection présidentielle de 2007, avait été suspendu de ses fonctions par Ségolène ROYAL … parce qu'il avait déclaré que « son seul défaut, c'est son compagnon ».
A l'époque, aux yeux des professionnels, la langue de bois était obligatoire et être sincère devait être sanctionné.
Aujourd'hui, aux yeux des citoyens, la langue de bois a tellement dévalorisée les politiciens qu'ils sont méprisés.
La démission du gouvernement n'était en fait qu'une manière tonitruante d'évincer le trouble-fête et la raison du clash de ce week-end vient de la divergence entre :
-
à ma droite, la collaboration de François Hollande avec l'Allemagne pour obtenir sa bienveillance, ce qui a mené à un échec évident malgré le pacte budgétaire, la passivité dans les sommets européens et la déflation qui arrive
-
et à ma gauche, la résistance pour forcer l'Allemagne à devenir plus européenne et moins égoïste, en s'appuyant sur la population et l'économie de la France, les 2èmes en Europe, et sur son rapprochement avec l'Italie
M Montebourg parle haut,
il porte beau,
et si je ne m'abuse,
il quitte le pédalo
qui risque de devenir le radeau
de la méduse.
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