Le fascisme - Ses origines - Volet N° 3
Naissance d'un Etat dans l'Etat.
En avril 1921, alors que le parti fasciste acquiert « force et prestige », 20 000 "chemises noires" défilent devant Mussolini au milieu des Viva !
50 000 paysans à Ferrare le portent en triomphe. Le « fascisme » est devenu un grand mouvement populaire. Mais, Mussolini, malgré les manifestations d’enthousiasme populaire, est pourtant éliminé aux dernières élections. Il lui manque un instrument essentiel pour exposer son programme et dévoiler ses objetifs : une tribune. Dans la presse italienne, une véritable omerta le concernant continue de taire ses victoires et son grignotage politique dans les campagnes et dans les villes.
C’est le Président du Conseil, Giolitti qui va lui offrir sur un plateau, la tribune tant recherchée. En effet, de nouvelles élections sont organisées où le scrutin va offrir à Mussolini, l’occasion à 35 députés fascistes d’accéder à l’assemblée. Mussolini finit par être élu à Montecittorio, à Milan et à Bologne.
Mussolini est un excellent orateur, habile, en n’usant – pour le moment – que d’expressions modérées. (Nous sommes encore loin des expressions emportées et devenues légendaires de ses discours tribunitiens). Mieux, il ne donne aucun gage, ni aux uns, ni aux autres, ni aux catholiques, ni aux athées, au contraire, il se concilie tout à la fois les royalistes et les républicains. Il est suffisamment prudent avec l’Église pour ne parler qu’au nom de la patrie où dit-il : « chacun s’immole au salut de l’Italie ».
Les socialistes, décus par leurs dirigeants, commencent à le considérer d’un autre œil, et se rappelent l’ancien camarade des premiers temps. Ils rejoignent Mussolini qui sait avec maestria jouer sur la corde sensible de chacun.
Le 3 août, lors d’un succédané de traité de paix, il s’allie avec les socialistes et la CGT italienne. Les « fasci » contestent cette union de fortune, comme de l’autre côté, les « socialistes » dénoncent ce qu’ils considèrent comme une mascarade. Mais Mussolini ne se laisse pas désarçonner par cette mini bronca, persiste et signe, et finit par être approuvé à une large majorité. Pendant ce temps, le gouvernement italien assiste, impuissant, à la naissance d’un État dans l'État.
C’est le moment pour lui de consolider ses alliances. D’abord, avec la grande bourgeoisie industrielle et financière italienne, contre le parti du gouvernement Giolliti, un parti en lambeaux, pâle copie de la social-démocratie allemande. Ces gens très riches, ces grandes fortunes, vont lui permettre de peaufiner sa stratégie politique contre les « rouges », les « communistes. C’est finement joué de sa part, car sa doctrine, du moins, c’est ce qu’il affirme, reste concentrée autour de l’idée d’un renouveau national. Idée qui ne laisse pas indifférentes les grandes fortunes, et encore moins le peuple italien durement touché par la sévère crise sociale qu’il traverse. Dans cette Italie ruinée, le concept de « renouveau national » est suffisamment flou pour pouvoir jouer sur les deux tableaux à la fois, consolider ses alliances avec le grand capital et les forces de l’argent, que son génie opportuniste considère comme le principal jocker de réussite personnelle et de son parti. Quant au peuple, dans un grand élan de sincérité, il constitue la grande vague de fond qui le portera au pouvoir. Car Mussolini sait qu’il a besoin de tout le monde pour gouverner. Toutes les tendances, diverses et variées, parfois opposées : républicains, nationalistes, anciens combattants, les mécontents, les arditi, les ambitieux, les idéalistes, les aventuriers et de toute la faune qui gravite désormais autour de lui, provenant de la Bourgeoisie italienne. Il sait aussi que ses ambitions personnelle sont intimement liées aux aspirations à la grandeur retrouvée de l’Italie, à la manière d’un nouveau César, pour le côté militaire, mais également un côté Borgia, quant à sa psyché. Mussolini, en bon Latin, pour ceux qui observent son ascension, possède un côté franc du collier, très, très paon, très ténor des tribunes mais il cache bien son jeu en réalité. Son côté sombre, il le cache pour l’instant. Car le petit instituteur qu’il fut, comme bien des modestes arrivés au firmament de la notoriété, au firmament du triomphe sait pertinemment ce qu’il doit aux puissants – qu’au fond il déteste – et aux humbles, où il ne voudrait pour rien au monde y retrouver pauvreté et incertitudes du lendemain. Viser un trône à portée de main, mais pour rien au monde, retourner chez les miséreux ! Il faudrait être fou !
Et le petit instituteur Mussolini, cette personnalité incontournable, s’identifiera bientôt aux forces industrielles les plus réactionnaires qui soient, et œuvrera pour se les mettre dans la manche, contre les mouvements structurés de la lutte sociale.
Les petits propriétaires ruraux n’échapperont pas à la règle. Chez eux, les intérêts divergent. On en retrouve délibérément à gauche, souvent anarchistes, ou bien franchement réactionnaires. Les fascisme a eu ce pouvoir impressionnant de se positionner comme un mouvement social, rassembleur, amalgamant les strates sociales aspirant à un changement politique rapide. Mussolini, faisant chattemite, lorsque dans le même temps, le fond de sa doctrine, son substrat, reste ce qu’il en a toujours décidé : l’alliance de l’État, de l’armée, du grand capital, sous sa bannière à couvert pour surgir au grand jour en grande formation politique où l’État atteindrait une puissance inégalée depuis Rome.
La marche sur Rome.
En 1922, cette marche sur Rome organisée par Mussolini comme une parade militaire, l’amènera à Rome où Victor Emmanuel III lui confiera les clés de l’État italien. Dès lors, il va mettre les bouchées doubles pour une réforme de l’État qui s’articule autour,
1/ de la restriction des attributions du parlement italien, où tous les problèmes des citoyens passeront par l’État, comme « organe de réalisation et de protection des suprêmes intérêts de la Nation ». (Anti-parlementarisme assuré de Mussolini) et restauration du prestige de l’État.
2/ Création et développement des corporations,
3/ Reconnaissance de la propriété privée, visant à « faire disparaître la lutte des classes par la reconnaissance juridique des organisations ouvrières et patronales ».
Programme judicieux qui comme nous l’avons démontré plus haut, face aux Italiens, s’équilibre pour satisfaire les réactionnaires, les conservateurs et les forces de gauche.
En 1922 les ministères chutent les uns après les autres.
Une crise entraîne l’autre et met gravement en difficulté le roi d’Italie. Un exemple : au bout de 22 jours, le cabinet Bonomi tombe. Devant le spectacle lamentable qu’offre le gouvernement complètement décadent, les adhésions au parti fasciste observent un véritable engouement, avant de devenir un raz de marée. Chacun de la droite ou de la gauche, voyant dans ce parti, la solution miracle toute trouvée devant l’échec du gouvernement social-démocrate.
Le parti fasciste n’est pas une "opposition de principe".
Mussolini et son parti visent le « pouvoir ». Leur tactique est de se substituer aux carences des pouvoirs publics, afin de se poser en « sauveur » et d’asseoir leur autorité sur le peuple italien. Devant les institutions croulantes et prêtes à tomber comme une poire blette « ils sont déjà les nouveaux maîtres du pays ». Mais la gauche, du moins de qu’il en reste, dénonce les accords signés entre Turati et Mussolini. La lutte reprend, avec son lot d’attentats des deux bords, expéditions punitives, occupations par les milices fascistes de villes entières. De grands rassemblements sont organisés ; le ministère Facta complètement tétanisé, incapable de s’y opposer. Mussolini mobilise tous les « fasci » et publie un ultimatum.
Nous donnons 48 heures à l’État pour qu’il prouve son autorité en face de ceux qui dépendent de lui et en face de ceux qui attentent à l’existence de la nation. Passé ce délai, le fascisme revendiquera pleine liberté d’action et se substituera à l’État qui aura démontré son impuissance. Fascistes de toute l’Italie, à nous !
Le ministère tombe le 19 juillet 1922.
Du 19 juillet au 1er août, l’Italie reste sans gouvernement.
Les chemises noires.
Les fasci chassent les grévistes et prennent leur place. Ils reprennent le contrôlent des grandes villes. Partout l’on peut y rencontrer des patrouilles de « chemises noires ». Tous ceux qui s’opposent à eux, sont « rossés » d’importance. Les briseurs de grève issus de leur rang font tant de zèle, qu’en 8 jours, la grève est définitivement brisée. Les dernières forces socialistes ont été vaincues par la force. Mais l’on observe également que les ouvriers réfractaires rejoignent les « fasci », soit par peur, soit par effet d’entraînement, de plus dans les « fasci », ils retrouvent leurs compagnons grévistes.
Cette défaite cinglante des dernières forces socialistes par les « chemises noires », signe bien la fin du régime parlementaire, où le gouvernement Facta tente de reformer un nouveau ministère, mais sans grande conviction. D’ailleurs, Mussolini a lancé une déclaration s’adressant à toute l’Italie :
« Nous sommes fatigués de voir l’Italie gouvernée par des hommes qui oscillent perpétuellement entre la négligence et la lâcheté ».
En réponse, Facta croit tenir Mussolini en lui offrant de participer au pouvoir. Dans son esprit, accorder quelques ministères sans trop grande importance aux « fasci » comme des sous-secrétariats d’État, les amadoueraient. Mais c'est mal connaître Mussolini qui exige les grands ministères : ceux des affaires étrangères, de la Guerre, du Travail, des Travaux publics, etc. Il veut les gros morceaux et non les rogatons !
Il ajoute, qu’à présent, il est assez fort pour tout prendre !
Et il a raison. Une véritable armée « furieuse d’enthousiasme », défile à Rome. Les légions qu’il a fondées tendent le poing. Son heure a sonnée : celle du Duce !
.../...
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