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Accueil du site > Tribune Libre > Le Figaro, en plein délire de persécution fiscale - Epilogue

Le Figaro, en plein délire de persécution fiscale - Epilogue

En une petite semaine, du 19 au 25 juillet, Le Figaro s’est abondamment exprimé sur les dispositions fiscales adoptées par le Parlement en juillet 2012.

Les éditoriaux d’Yves de Kerdrel et de Paul-Henri du Limbert ont sonné la charge, appuyés par l’infanterie lourde des gros titres et des pages roses du supplément Economie.

Les cibles ont été successivement l’ISF, l’IRPP et les droits de succession et donation. Nous avons déjà fait part de nos commentaires sur ces vagues d’assaut, en trois articles consacrés à chacun de ces sujets. Nous nous permettons d’y renvoyer le lecteur qui souhaiterait en prendre connaissance :

1/3 = http://www.citoyensunisdeurope.eu/economie-et-societe-f51/topic338.html#p559

2/3 = http://www.citoyensunisdeurope.eu/economie-et-societe-f51/topic346.html#p568

3/3 = http://www.citoyensunisdeurope.eu/economie-et-societe-f51/topic347.html#p570

Notre objectif est maintenant, avec le recul qui convient, de proposer une appréciation globale de cette fresque épique.

 

Constatons pour commencer que le vocabulaire a été soigneusement choisi pour dramatiser le sujet.

A propos de l’ISF : « folie fiscale, spoliation, confiscation, le moyen le plus simple pour écoeurer tous les français qui croient au travail … ».

Pour l’IRPP : « 75 % d’inconscience, l’exil des cadres dirigeants a commencé, faire la peau, bouffer du patron, foudre fiscale, révocation de l’Edit de Nantes (sic)… ».

Pour les droits de succession et donation : « familles je vous taxe, faut-il ne pas aimer la famille pour … ».

 

Bref, selon le Figaro, la nouvelle majorité n’aime pas la famille et bouffe du patron. Cette approche pleurnicharde s’adresse manifestement plus à l’affectif qu’à l’intellect. Elle vise à donner aux dispositions évoquées une dimension qu’elles n’ont pas dans la réalité. Elle occupe l’espace éditorial, au détriment d’un vrai travail d’information qui, il est vrai, aurait moins bien soutenu la ligne du journal.

Ce qui n’eut pas été en harmonie avec les trémolos des éditorialistes a été ignoré ou laissé dans le flou : le fait que le taux de 75 % de l’IRPP ne soit applicable que sur la fraction des revenus qui dépasse 1 million d’euros est passé sous silence, de même que le quotient familial qui, dans la majorité des cas, fait passer le seuil fatidique à 2 millions d’euros ; les dispositions prises en matière de successions et donations sont présentées comme une « surenchère » socialiste, alors qu’elles demeurent beaucoup plus favorables aux contribuables que celles qui étaient en vigueur avant 2007, …

 

Le contexte dans lequel les dispositions commentées ont été prises est également passé sous silence : aucun rappel, fut-il succinct, des situations de fortune et de revenu en France, et de leur évolution au cours de ces dernières années, n’est opéré. En particulier le fait que, selon l’INSEE, entre 2004 et 2010, le patrimoine des 10 % de foyers français les plus pauvres s’est accru de 9,2 %, pendant que celui des 10 % les plus riches augmentait de 47,6 % avec, in fine, un rapport de 1 à 920 entre les patrimoines respectifs de ces deux catégories de la population. Entre 2004 et 2010, les 10 % les plus fortunés ont vu leur patrimoine moyen augmenter de 400 000 euros. Les 10 % les moins fortunés ont gagné 114 euros. Il y aurait pourtant eu là matière à réflexion autour des vocables « spoliation » et « confiscation ».

 

Selon le Figaro, le poids financier des mesures incriminées serait le suivant : 2,3 Md € pour l’ISF, 0,25 Md € pour les droits de succession et donation. Il n’est pas fourni de chiffre pour l’incidence du taux à 75 % de l’IRPP. D’une source à l’autre, le « rendement » attendu de cette mesure, sans prise en compte du risque d’« émigration fiscale », varie dans une fourchette de 0,2 à 0,5 Md €.

Le poids global du dispositif serait donc de l’ordre de 3 Md €, soit 1,2 % des recettes fiscales de l’Etat en 2011.

 

Il se trouve que dans la même édition où le Figaro s’en prenait aux droits de succession, on pouvait apprendre que, selon un rapport d’une commission d’enquête du Sénat, « chaque année, la France perd au bas mot 50 à 60 Md d’euros à cause de l’évasion fiscale ». Le Figaro s’était aussi fait l’écho, en son temps, d’un rapport de la Cour des comptes qui situait la fraude fiscale en France dans une fourchette de 30 à 40 Md €, en 2007.

Certes, les particuliers ne sont pas seuls en cause dans cette évaporation mais ils y ont leur part et la fiscalité est un domaine où les frontières entre l’optimisation, l’évasion et la fraude fiscale sont d’un tracé incertain et d’un franchissement fréquent, plus à portée des hauts revenus et patrimoines, qui peuvent s’offrir les conseils d’un expert en « optimisation », que des petits contribuables.

Il faudrait aussi parler bien sûr des niches fiscales et, plus généralement, de la conception générale du système fiscal français qui, dans de nombreux cas, génère un effet redistributif « à rebours ». En cette matière, on ne peut mieux faire que de citer le CPO (Conseil des Prélèvements Obligatoires, rapport 2010), organisme peu porté sur l’outrance d’expression : « Les dispositifs dérogatoires sont à l’origine pour de nombreux redevables d’effets d’aubaine et, pour un nombre plus restreint, de comportements d’optimisation qui sont tolérés par l’administration fiscale dès lors qu’ils respectent le cadre fixé par la loi. Leur utilisation abusive, à seule fin de réduire l’impôt, peut conduire à l’abus de droit voire à la fraude. »

 

Rien de tout cela n’interdit évidemment au Figaro d’exprimer son opinion, mais il vient un moment où celle-ci peut virer à la caricature.

 

Dans la même semaine, le Figaro a publié une série d’articles « sur les traces d’Albert Londres », qui ne sont pas tendres pour « la France coloniale », « la répression par la puissance mandataire française en Syrie », « le bagne et les pénitenciers ». Commentaires émouvants, élans humanistes … Il faut croire qu’il n’est pas difficile d’être clairvoyant et généreux lorsqu’un petit siècle vous sépare des intérêts et des puissants qui étaient à l’œuvre à l’époque.

Qu’aurait pensé Albert Londres de la façon dont le Figaro vient d’exercer son métier de journaliste en matière fiscale ?

 

www.citoyensunisdeurope.eu


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6 réactions à cet article    


  • pidgin 10 août 2012 14:58

    Bien vu.

    Sur le même sujet, on pourra aussi lire avec intérêt cet article paru en avril 2012 sur le site « Atlantico », sous le titre « Les drôles de calcul du Figaro magasine » : http://www.atlantico.fr/decryptage/fiscalite-francois-hollande-figaro-magazine-hugues-serraf-341532.html

    L’un des lecteurs de cet article Atlantico avait fait ce commentaire :
    « Réconfortant, votre article ! J’avais été atterré en lisant cet article, ne me reconnaissant plus du tout dans ce journal, au point d’envisager de me désabonner.
    A force de ne voir la réalité du monde qu’au travers d’un parisianisme doré, ce journal néglige une partie de son lectorat.
    Son audience risque d’en prendre un vieux coup. Lorsqu’il ne restera que quelques riches parigots qui le liront. »
    Comme quoi, même des lecteurs assidus du Figaro peuvent trouver qu’il déraille !


    • scripta manent scripta manent 10 août 2012 17:54

      Savoureux en effet cet article d’Atlantico et notamment le commentaire que vous citez, qui émane du pseudo « desparate daddy », ce qui témoigne déjà d’un certain sens de l’humour !
      Les commentaires des inconditionnels du Figaro ne sont pas mal non plus, dans un autre genre.


    • Antoine 11 août 2012 00:04

       Avec vous, si ce n’est pas par la porte, c’est par la fenêtre, vous êtes épuisant... et j’ai suffisamment démontré à la suite de votre précédent article que vous ne comprenez rien à la fiscalité et que la pêche à la ligne vous est fortement recommandée !


      • scripta manent scripta manent 11 août 2012 10:30

        @ Antoine

        On ne peut que recommander aux lecteurs d’aller prendre connaissance de vos « suffisantes démonstrations ». En tout cas, vous continuez à faire la promotion de ma prose et je vous en remercie bien vivement.
        Etes-vous allé consulter l’article recommandé par la première réaction ci-dessus : délicieux, non ?


      • Antoine 11 août 2012 22:20

         Effectivement j’ai fait la démonstration et la promotion de votre imposture ! Quant à l’article qui vous fait tant rire, cela n’a rien à voir avec notre débat. Moi, je dis et explique qu’en technique fiscale vous ne dépassez pas le niveau du vulgum pecus tandis que ledit article n’est qu’une réflexion très subjective sur la justice fiscale, et là chacun peut y aller de son y-a-qu’a, pourvu d’ailleurs que les autres et notamment les sales (et provisoires ?) riches passent à la caisse, reflexe bien gaulois....
         Ps (encore !) : un sondage récent montre que les deux tiers de nos compatriotes seraient opposés à la nouvelle fiscalité successorale, amorce d’un regret...


      • scripta manent scripta manent 14 août 2012 17:01

        @ Antoine

        Pourriez-vous SVP nous fournir les références de ce « sondage récent » ?

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