Le FN et l’attentat d’Oslo : curieuse réaction
Curieusement, sur le site Internet du FN, le lendemain du drame norvégien, c'était après un laconique communiqué de presse qu'avait échu à Bruno Gollnish, désormais simple député européen, le rôle de commenter les attentats en norvège, sous le titre "vers un nouveau carpentras". Depuis, la leadeuse du FN a touché son clavier pour condamner le MRAP, organisation antiraciste ayant publié un texte pour appeler à " plus de vigueur et de responsabilité contre la xénophobie et le rejet de l’« Autre »". http://www.mrap.fr/contre-le-racisme-sous-toutes-ses-formes/lutte-contre-lextreme-droite/apres-les-epouvantables-tragedies-de-norvege-le-mrap-en-appelle-a-plus-de-vigueur-et-de-responsabilite-contre-la-xenophobie-et-le-rejet-de-l2019ab-autre-bb.
Avant de revenir sur le communiqué embrouillé de Gollnish, il convient de dénoncer l'habituel retournement de situation dont sait si bien user Marine Le Pen. Elle accuse le mrap de récupèrer "un événement terriblement douloureux pour tenter de créer la confusion dans les esprits", sans " [la] décence de respecter la douleur des familles des victimes". Combien de faits divers le FN a scabreusement exploité pour nourrir sa propagande islamophobe et sécuritaire ? Il s'agit là d'un drame national ayant fait des dizaines de victimes.
Gollnish, lui, fait l'amalgame avec Carpentras. En 1990, la profanation scabreuse du cimetière juif de carpentras avait effectivement suscité un vif émoi auprès d'une population française beaucoup plus antiraciste qu'aujourd'hui (désormais les profonation de cimetières juifs ou musulmans sont classées comme des faits divers). Les idées d'extrême droite étaient dénoncées dans un contexte de montée électorale du FN. Ce dernier avait alors crié à la manipulation, soulignant d'ailleurs ses liens avec une partie de la communauté juive. Des rumeurs faisant passer de jeunes bourgeois amateurs de jeux de rôle comme les auteurs ont été relayées dans les émissions tv à sensation, puis jusque dans les palais de justice par maître Collard (hé oui déjà lui !!). Bien plus tard, les auteurs ont été démasqués, jugés, puis condamnés ; il s'agissait en fait de membres d'un groupe d'extrême droite. Pendant un moment, le FN avait alors fait profil bas.
Aussi, feignant de ne pas comprendre que ce sont les idées haineuses diffusées par les partis d'extrême droite, plutôt qu'une étiquette, qui ont été et sont encore mises en cause, Gollnish écrit "selon un procédé d’amalgame bien connu, on tentera d’assimiler des mouvements politiques nationaux qui n’ont rien à voir, ni de près ni de loin, avec cet horrible massacre.". Toutefois, il affirme plus loin "De l’attentat de la synagogue de la rue Copernic à la profanation de Carpentras, il ne manque pas de manipulations contre la droite nationale et les défenseurs des valeurs traditionnelles", reconnaissant ainsi paradoxalement le lien qui unit son parti aux idées qu'il propage. Evidemment, quand Gollnish parle "défense des valeurs traditionnelles", il faut entendre préference nationale, ordre social, société hiérarchisée et baillonnée, chrétienne intégriste, bref la france d'avant 1789 voire celle de la gaule ou de la préhistoire tant le concept moteur du FN "français de souche" est complétement arrièré.
Gollnisch évoque ensuite le "fondamentalisme chrétien" dont se réclamait le terroriste norvégien. Pour lui, ce caractère du suspect tiendrait "au motif, bien ténu, qu’il aurait visité des sites internet". D'autre part, en évoquant l'appartenance épisodique de l'assassin à la franc-maçonnerie, Gollnish veut démontrer qu'on ne peut être chrétien fondamentaliste et franc-maçon. C''est nier à la fois la complexité ou la diversité de la franc-maçonnerie (qui n'est pas toute agnostique ou athée) comme c'est nier qu'avoir été dans la franc-maçonnerie à un moment de sa vie n'éxonère pas de comportements odieux ou d'idées néfastes. Preuve en est l'exemple de l'obséquieux et clientéliste Alain Bauer, ancien chef des francs-maçons classés à gauche et défendant aujourd'hui des positions sécuritaires.
Par ailleurs, en retenant comme seul qualificatif de "fondamentaliste chrétien" et en soulignant que beaucoup de norvégien s'affirment comme "chrétien" et "conservateur", Gollnish feint d'ignorer les convictions du terroriste : « pro-Israël », « anti-européen », « anti-ONU », islamophobe, anti-multiculturalisme et anti-marxiste. Anders Behring Breivik critiquait le protestantisme norvégien en déclarant : "« Aujourd'hui, le protestantisme est une vaste blague. On voit des croyants en jeans qui participent à des marches de soutien pour la Palestine, et des églises qui ressemblent de plus en plus à des centres commerciaux miniatures ». Ce n'est pas seulement par la visite fréquente de sites d'extrême droite que cela est affirmé, mais par les aveux du terroriste et surtout par les 1500 pages de diatribes haineuses qu'il aurait laissé comme un testament. Il y a aussi, entre 1999 et 2007, le passage du terroriste au Parti du progrès (Frp), formation d'extrême droite, appelée pudiquement par les bien pensants "droite populiste".
Il se référe l'affaire Durn, du nom de celui qui avait commis une fusillade au conseil municipal (à majorité PCF) de Nanterre. Ce geste avait, pour son auteur, une portée locale, dirigé contre des personnes précises. Effectivement, il appartenait aux verts, mais les verts n'ont jamais pratiqué de haine anti-PCF. Effectivement, Richard Durn comme Anders Behring Breivik (un "certain" Anders Behring Breivik, comme dit Gollnish comme pour nier jusqu'à son existence) sont certainement déséquilibrés psychologiquement. Marine Le Pen joue esentiellement sur ce registre. Elle qualifie Anders Behring Breivik de "déséquilibré solitaire".
Mais, justement, souligner cet aspect psychologique du terroriste norvégien tend à éxonèrer la portée politique de son acte. C'est évidemment tout à fait par hasard, que les cibles du tueur aient été une université d'été de jeunes travaillistes et le siège du gouvernement, travailliste, lui aussi. Je m'interroge sur le communiqué publié par Gollnish ou Le Pen si un citoyen de gauche avait commis le même acte dans une université des jeunes du FN ? Auraient-ils plutôt souligné ses problèmes psychologiques ou plutôt ses convictions politiques comme motivation ? Malheureusement, certains médias tendent à souligner le profil psychologique du terroriste au détriment de tout ce dont est porteur l'idéologie d'extrême droite en haine et en violence. Rarement, on s'interroge sur la psychologie des jeunes kamikazes palestiniens. Dommage, on mesurerait peut-être mieux leur ras-le-bol, leur frustrations...
Gollnish affirme ainsi "La vérité, c’est qu’il ne saurait exister de responsabilité collective. Un assassin n’engage que ses complices effectifs et lui-même". Pour Marine Le Pen, "Le Front National est évidemment parfaitement étranger à la tuerie norvégienne". Le FN en tant que tel, peut-être. Mais ses idées non ! On ne parle pas de marque, d'étiquette ou de label, mais d'idées ou de motivations politiques. "Fondamentaliste", "conservateur","pro-Israël", "anti-européen", "anti-ONU", "islamophobe", "anti-multiculturalisme", "anti-marxiste", ce sont bien les ingrédients de base de la sale soupe idéologique de la nouvelle extrême droite européenne à laquelle le FN appartient. Ce sont bien des qualificatifs que ne renieraient pas dirigeants, élus, militants ou électeurs du FN. Certes, à l'instar de son cousin norvégien qui a condamné les attentats, l'entreprise familiale lepéniste est en quête d'une respectabilité d'apparence... le temps de s'incruster au sein du pouvoir. Mais, les idées qu'ils diffusent sont bien là.
L'idéologie de haine, le racisme, la loi du plus fort, la violence propagés par l'extrême droite, FN ici ou autres ailleurs, sont effectivement complices de cet acte comme ils l'ont été pour carpentras et autres crimes racistes (comme ceux notammenti de brahim bouarram ou d'ibrahim ali -http://www.bladi.net/brahim-bouarram.html ou http://www.liberation.fr/france/0109134309-marseille-ibrahim-tue-a-17-ans-par-des-colleurs-d-affiches-du-fn  ;).
Il est quand même curieux, pour Gollnish ou pour Le Pen, de vouloir minimiser l'idéologie d'une personne avec qui ils ne se sentiraient aucune affinité. Hé oui après les dominations féodales et monarchiques, les guerres impériales, le colonialisme, la deuxième guerre mondiale (voire la première aussi), la guerre en tchétchénie, l'apartheid en Afrique du Sud, l'épuration ethnique en Bosnie, l'occupation israelienne, la guerre civile en Algérie, etc etc ..., le nationalisme, l'intégrisme et les idées d'extrême droite continuent à tuer ... Et, on est tous las de ce retour aux mêmes schémas (NTM)
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