Le génie de la liberté
"Il n’y a point de mot qui ait reçu plus de différentes significations, et qui ait frappé les esprits de tant de manières, que celui de liberté". (Montesquieu, De l'Esprit des lois, Livre XI, chapitre 2). Le génie de la liberté fait partie de l'esprit français et de l'esprit des lois dans notre pays, la France. Ce génie fait aussi partie du peuple (notre Histoire nous le montre). A défaut de définir précisément la liberté, peut-on, par la méthode, se faire une idée des moyens de la cerner et de la cultiver ? Nous allons examiner cette question.
Les trois marches vers la liberté
La liberté, c’est :
Ne pas subir
Vouloir
Pouvoir
C’est surtout ce troisième point qui doit nous intéresser : la liberté comme pouvoir sur soi-même et sur sa propre vie mais aussi la liberté comme pouvoir de citoyen afin de rendre notre société plus démocratique.
La liberté, c'est ne pas subir.
Avant tout, il ne faut pas confondre obéir et subir. Nous obéissons chaque jour à des lois, des règles, des habitudes et même à des chefs. Cela ne veut pas dire que nous subissons. Selon Rousseau, dans l'idéal, nous obéissons à des lois que nous votons pour nous-mêmes. C'est le peuple qui décide des lois auxquelles il veut obéir, cela dans l'intérêt général et la vie en société. Naturellement, cela n'est pas toujours vrai aujourd'hui. Nous obéissons de bon gré au code de la route parce que nous comprenons que notre intérêt particulier se confond avec l'intérêt général. Nous payons nos impôts en rechignant mais nous les acceptons parce qu'ils permettent la redistribution et l'entretien des services publics. Etc.
L'obéissance n'est plus saine quand elle devient soumission. S'il nous faut obéir, du fait de notre libre consentement, il ne faut pas pour autant subir ! Dès lors les questions à se poser pour ce premier stade de la liberté sont les suivantes :
A quoi est-ce que j'obéis ?
A qui est-ce que j'obéis ?
Pourquoi est-ce j'obéis ?
Prendre le temps qu'il faut pour approfondir ces questions, c'est faire le tri entre l'obéissance et la soumission. Ce tri ne sera jamais parfait mais au moins nous en serons conscient.
Il arrive que j'obéisse à des habitudes qui n'ont plus lieu d'exister ou que je désobéisse uniquement par esprit d'opposition sans avoir peser en mon for intérieur les raisons "pour" et les raisons "contre". Pourquoi j'obéis ? Il est des cas où nous continuons d'obéir à certains comportements que nos parents nous sont imposés ou transmis dans l'enfance. A nous de nous interroger si ces formes de fidélité sont toujours utiles et nécessaires.
Actuellement se pose la question de la vaccination de tous. Or, la loi n'a pas établi l'obligation vaccinale. Si vous choisissez de vous faire vacciner, vous devez le faire en conscience et en liberté. Le gouvernement ne peut en aucun cas obliger les citoyens à se vacciner car notre loi fondamentale dit que seule la loi, quand elle est l'expression de la volonté générale, peut contraindre. Un gouvernement qui trompe les gens et les contraint à se vacciner va à l'encontre de l'esprit des lois selon Montesquieu mais aussi selon Rousseau et selon tous nos révolutionnaires.
La liberté c'est vouloir
Une fois éclairé sur le premier point ("à quoi est-ce que j'obéis librement ?"/ "A quoi suis-je soumis malgré moi ?"), il reste à s'interroger sur ce que je veux et, là, c'est loin d'être aussi simple que l'on pense.
En effet, qu'est-ce que je veux ? Ce que je crois vouloir librement n'est-il pas l'obéissance aveugle à mon désir ou à ma volonté ? Ou pire : l'obéissance au désir ou la volonté des autres ?
Pour faire le clair dans sa tête, la méthode serait à peu près celle-ci :
Quel est mon vrai désir ?
Qu'est-ce que je gagne / qu'est-ce je perds à vouloir une chose ? (mon intérêt à court terme, à moyen terme, à long terme)
Quel est mon réel besoin ? La chose m'est-elle utile et si oui pourquoi ? La chose m'est-elle nécessaire et si oui pourquoi ?
Pour ce qui est de l'intérêt : une personne âgée ou une personne fragile a intérêt à se faire vacciner (sous réserve de l'avis de son médecin). Pour un jeune, la question est plus complexe : est-il soignant, en contact avec des personnes âgées ou fragiles non vaccinées (et pourquoi ne pas privilégier la vaccination de ces personnes avant sa vaccination personnelle ?), respecte-il avec le plus grand soin les gestes barrières et les distances physiques ?
Spinoza a montré, que nous faisons nos choix en fonction de ce qui nous semble bon ou mauvais. La question du bon et du mauvais devrait être réglée par la question précédente sur l'intérêt et l'utilité. Sauf que cela serait trop simple parce que la nature humaine est bien plus complexe. En effet, très souvent, au lieu de décider avec discernement entre ce qui est bon et ce qui est mauvais pour nous (et pour nos proches, voire pour la collectivité par solidarité), nous trions entre les choses que nous aimons et les choses que nous n'aimons pas. Une autre question doit alors être posée avec honnêteté et franchise :
Qu'est-ce que j'aime ? Et pourquoi (pour de bonnes raisons ? Utilité, plaisir, volonté de m'affirmer...)
Qu'est-ce que je n'aime pas (mêmes questions...)
On peut détester aller chez le dentiste mais on y va quand même. On peut détester les piqûres mais on va se faire piquer quand même. On peut détester Macron et aller se faire vacciner quand même. On le voit, rien n'est simple et c’est à chacun de penser par lui-même.
La liberté c'est pouvoir
Savoir c'est pouvoir, dit-on. La clé du pouvoir véritable sur soi-même et sur nos vies, c'est le savoir. Ici, nous devons être particulièrement vigilants et nous en remettre au doute cartésien et à la méthode rigoureuse de René Descartes. Sachons faire la part des choses entre les données sûres, vérifiées, établies durablement, et les fausses données ou données partielles voire présentées de façon tendancieuse. Les données trompeuses viennent de tous bords : elles viennent du pouvoir et des médias ; elles viennent aussi des réseaux sociaux.
La peur est un obstacle au savoir. Si je vis sous l'emprise de la peur, je croirais des choses fausses et je n'aurai jamais le savoir qui me permettra d'être libre. La question de la peur est donc un point-clé de l'équation de la liberté pleine et entière, c'est-à-dire de la liberté complète : ne pas subir, vouloir, pouvoir.
De quoi ai-je peur ? Et pourquoi ?
En quoi est-ce que je crois ? Et pourquoi ? (S'il est possible de répondre à cette question : car en matière de religion la question n'est pas vraiment posée).
Voilà beaucoup de question me direz-vous, mais c'est, me semble-t-il un passage obligé pour faire le point sur sa propre liberté. On peut s'interroger seul ou avec l'aide d'un ami tolérant, désintéressé, compréhensif.
Conclusion : le génie de la liberté
Ce génie ne trouve à s'exprimer qu'une fois acquise la liberté complète dans les conditions ci-dessus expliquées. Le génie de la liberté, c'est le dépassement de soi. Ce dépassement passe paradoxalement par les bornes et les limites à notre liberté.
Dépassement de soi en faveur des autres et de la collectivité : les bornes civiles et les limites posées par la loi permettent de ne pas porter préjudice aux autres. Elles vont aussi dans l'intérêt collectif, si cet intérêt collectif a été consacré par la volonté générale de la loi au sens sacré du terme "loi" car aucune partie du peuple ne peut décider ce qu'est l'intérêt collectif et nous l'imposer à tous.
Dépassement des bornes et des limites qui sont en nous. Les athlètes connaissent cela ; ils repoussent toujours plus loin leurs limites et, partant, ils repoussent les limites de leur liberté. Les artistes vont encore plus loin en transgressant les limites mais ces transgressions sont sans conséquence sur la vie en société. Le poète et l'artiste ont tous les droits (ou presque).
L'être humain est projet ; l'être humain est perpétuel dépassement et perpétuelle limitation.
Cela fut exprimé il y a de cela plus de 2500 ans dans la Grèce antique : "connais-toi toi-même", "rien de trop". Pourquoi faut-il obéir sans réserve à ces deux préceptes ? Parce qu'ils ont résisté au temps : il est donc démontré qu'ils sont excellents (connaissez-vous d'autres règles qui ont vécu aussi longtemps ?).
Connais-toi toi-même veut dire : ne te prends pas pour moins que tu n'es (ne te comporte pas en animal mû par ses seuls instincts) mais ne te prends pas non plus pour plus que tu n'es (tu n'es pas un dieu : tu n'es donc ni omniscient ni immortel).
Rien de trop : ce précepte est autonome par rapport au premier, à savoir qu'il ne faut pas l'interpréter de la façon suivante : connais-toi toi-même mais pas trop. "Rien de trop" est un conseil de maîtrise de soi. Il faut éviter l'excès et chercher toujours la bonne mesure (le bon dosage, la solution adaptée et appropriée).
L'Etre humain est projet mais ce projet est liberté ! Même Sisyphe est parvenu, selon Albert Camus, à poser son propre principe de liberté et à le vivre. Alors, pourquoi pas nous ? Pourquoi pas vous ?
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