Le Gorafi, point d’ironie ؟

« Depuis 1826, toute l'information des sources contradictoires » Tel est le slogan du site d'information pastiche le Gorafi qui d'emblée, nous avertit qu'il s'agit là de fausses informations. Cet avertissement est la seule chose que les lecteurs devraient prendre au sérieux et pourtant, peu de monde semble y porter attention car nombreux sont ceux qui reprennent encore les articles comme de véritables informations. Certes, une partie des lecteurs réagissent de façon parodique, les enchaînements de commentaires au second degré ( qui participent au plaisir de la lecture des articles ) des habitués du Gorafi sont là pour le rappeler, mais en matière de lucidité, il peut y avoir lieu de s'inquiéter.

Tout le monde se souvient de Christine Boutin, citant le Gorafi pour réagir au retrait de la loi de la famille. Problème, sa référence était inexacte car jamais ces quelques mots n'avaient été prononcés par l'un de ses conseillers. Il s'agissait bel et bien d'un tweet du journal parodique. Quand un élément de langage inventé par un site de détournement est repris par un personnage public, on appelle ça une boulette.

 Mais les politiciens ne sont pas les seules victimes. Les lecteurs occasionnels s'insurgent au premier degré quand le journal publie une fausse dépêche intitulé « L'Académie Française valide finalement 'ils croivent' ». Les commentaires indignés pleuvent, certains trouvent cela déplorable quand d'autres professeurs préviennent que ça ne se passera pas comme ça dans leurs classes. Tout porte à croire que dans ce pays, il existe une véritable incompétence (de la maîtrise et de la reconnaissance) en terme de second degré. Les exemples ne manquent pas pour constater ce manque de recul qui en 2013 dépassait les frontières, quand l'agence de presse italienne de la ANSA, reprenait un faux sondage du Gorafi.

Celui-ci stipulait que « 89% des hommes [français] pensent que le clitoris est un modèle de Toyota » Cette fausse information sera relayée par plusieurs journaux italiens comme le Corriere della Sera ou L'Unione Sarda, ça craint. La pratique de l'ironie et du détournement, de l'actualité revisitée par les Guignols de l'info à South Park, en passant par les ancêtres du Gorafi ( The Onion, l'Examineur et surtout les Jalons) n'est pas un phénomène nouveau mais pourtant, le manque de distance demeure.

Récemment, des universitaires se sont penchés sur le sujet et faisaient très justement remarquer qu' il existait un problème de l'infaux, de l'information fausse, que l'omniprésence de la pratique rend nécessaire de traiter. Ils suggèrent que des cours d'éducation aux médias devraient être proposés dans les écoles secondaires. C'est vous dire comme on ne plaisante pas avec l'humour. Delà à prévoir un budget pour l'enseignement du second degré ( quel jeu de mot) c'est trop sérieux. Le second degré, ça devrait aller de soi. A l'heure ou nous sommes toujours plus saturés de titres, d'accroches et de sujets sérieux et que la lassitude nous gagne, le second degré est l'antidote. Le Gorafi l'a bien compris.

 Bien qu'il soit de bon ton de dénoncer la tyrannie du rire dans les dîners parisiens, il est toujours important de rire de tout. Gorafi l'a encore compris et d'ailleurs, on peut constater ces derniers temps qu' un plus grand nombre de leurs articles étaient consacrés à des faits réels qu'à des événements imaginaires et que ce n'était pas sans raison, car si leurs parodies se multipliaient, c'est qu'il y avait de plus en plus d'individus et d'institutions à railler et à dénoncer.

 Preuve en est quand le Président de l'UEFA Michel Platini ( rien que ça) déclarait il y a plus d'un an dans un entretien Réel : « Il faut absolument dire aux brésiliens qu'ils ont la coupe du monde et qu'ils sont là pour montrer les beautés de leur pays, leur passion pour le football et que s'ils peuvent attendre un mois avant de faire des éclats un peu sociaux, ça serait bien pour le Brésil et pour la planète football. » Ça se passe de commentaire. Pour le Gorafi c'est des cookies, du pain béni. Le lendemain, les rédacteurs publiaient un article intitulé « Coupe du monde-les brésiliens s'excusent auprès de Michel Platini » et, feignant de considérer les propos de Platoche comme crédibles, ils imaginèrent les conséquences logiques de sa demande pour mieux en souligner l'absurdité.

 Le président de l' UEFA, dont le taux d’imbécillité était tel qu'il pouvait lui même être soupçonné d'avoir tenu ces propos au second degré, l'avait bien cherché. Des exemples comme celui-ci pourrait être multiplier à l'envie, comme l'histoire de cette brebis OGM croisée avec une méduse qui s'est retrouvé dans la chaîne alimentaire. Là, je vous parle d'un fait réel, absurde, mais bien réel. Le lendemain le Gorafi publiait : " L’INRA aurait relâché par inadvertance plusieurs méduses-moutons dans les Alpes". Ce que je crois, c'est que de la réalité à l'absurde, il n' y a plus qu' un ongle incarné. 

 Mais voyons le bon coté des choses, le faux humoristique à le mérite de montrer les faiblesses du monde médiatique en moquant la plupart des codes de la presse et plus encore, l'humour souligne l'absurdité de la société et la relativité du sérieux des grands de ce monde. Par le second degré et l'ironie, le Gorafi nous empêchent de penser en rond, et leur état de veille et de lucidité permanent devrait nous inspiré l'idée qu'il faut casser la routine du sérieux et d'un pessimisme trop souvent justifié, parce qu'on a pas le con d'être aussi droit que l'information qui nous attriste plus qu'elle nous informe.