Le jour où l’Amérique s’est auto-détruite

« Alors que nous sommes ici rassemblés ce soir, la Nation est en guerre, notre économie est entrée en récession et le monde civilisé doit faire face à des menaces inédites. Pourtant notre pays n’a jais été aussi fort » (1)
Telle est la phrase d’ouverture du Discours sur l’état de l’Union prononcé par le président GW Bush le 29 janvier 2002 devant le Congrès du peuple américain, soit presque cinq mois après la chute des Tours jumelles et deux mois après celle de Kaboul. Notons que dans le même souffle, selon une rhétorique éprouvée, le président américain se contredit sans vergogne : comment peut-on être à la fois économiquement en récession, en guerre et se déclarer plus fort que jamais ? Une phrase qui ne peut cependant se comprendre que dans la perspective qui s’ouvrait alors devant les Cheney, Rumsfeld, Carlucci et Bush - mandataires des formidables intérêts du complexe militaro-industriel et des pétroliers – de s’emparer des juteuses proies, offertes sur un plateau, comme suite à la tragédie de Manhattan !
Or bien écouter c’est bien entendre. Dans le chef d’œuvre de manipulation des faits et de réécriture de l’histoire que constitue le documentaire anglais « Le 11-Septembre, au sommet de l’État américain » diffusé récemment sur Fr3, l’un des témoins rapporte que telle personnalité - Donald Rumsfeld ? - à l’annonce des attentats veut immédiatement « entrer en guerre contre l’Irak ».
Une intention que corroborera le général Wesley Clark dans son livre « Gagner les guerres modernes » [2004]. Celui qui fut de 1997 à 2000 Commandant en chef des forces alliées de l’Otan - celles qui furent engagées dans la démolition de la Fédération yougoslave - écrit ceci : « En novembre 2001 alors que je passais au Pentagone, posant la question de l’Irak à un officier supérieur, celui-ci me répondit : Oui nous sommes toujours en route vers l’Irak. Et d’ajouter : Mais il y a plus : [l’Irak] a été en effet discuté mais dans le cadre d’un plan plus général de campagne contre sept pays : Irak, puis Syrie, Liban, Libye, Iran, Somalie et Soudan » (2).
Or si l’on prend pour point de départ que le 11/9 n’est ou ne serait qu’une prodigieuse mise en scène, l’on peut déduire des propos rapportés ci-dessus que l’objectif poursuivi - grâce au traumatisme géopolitique provoqué par les attentats - n’était pas le renversement du régime Taleb mais bel et bien prioritairement la destruction de l’Irak. Cependant, comme il était impératif de procéder par étape pour des raisons faciles à comprendre, ce fut l’Émirat islamique afghan qui morfla le premier. Il fallait faire tomber des têtes à titre d’exemple, celle du Mollah Omar et d’OBL pour commencer puisqu’ils étaient censés être les perpétrateurs du crime de lèse Amérique… et parce qu’aussi la disproportion entre les forces en présence était telle - les forces talibanes grosses de 35 000 hommes, armés de pétoires et équipées de quelques vieux chars hors d’âge récupérés de la période soviétique, ne faisaient évidemment pas le poids - que les É-U ne devaient en faire qu’une bouchée. Ce qu’ils firent. En trois semaines l’affaire était bouclée.
Il aura donc suffi de sidérer en 2003 la « Communauté internationale » avec d’incroyables mensonges relatifs aux armes de destruction massive qu’aurait détenues l’Irak pour réitérer le coup de 2001 qui avait si bien marché en Afghanistan et tomber un régime baasiste déjà très affaibli après treize ans d’embargo. Une équipée sauvage qui n’aurait pu avoir lieu sans la lâcheté intéressée (en vue du partage des dépouilles) des classes dirigeantes occidentales. Exception faite il est vrai de la France, de l’Allemagne… et du plus proche allié des É-U et membre de l’Otan, le Canada (3) que personne n’a jamais mentionné ! La France fut traînée dans la boue, l’Allemagne fut oubliée au bénéfice du doute et le Canada passa à la trappe de la cécité amnésique.
Mais il a fallu rapidement déchanter. Ce qui n’avait été d’abord que promenades de santé en 2001 et 2003 se transforma vite en cauchemar. Les Taliban en effet reprirent à partir de 2004 l’initiative avec des moyens de fortune et des engins explosifs improvisés à l’imitation des résistances irakiennes, nationalistes, laïques et islamiques, jusqu’à transformer l’occupation occidentale en enfer. Les Atlantistes patentés qui avaient pris jusque là les Irakiens et les Afghans pour des attardés, ont appris à leur dépend que la supériorité technique, aussi écrasante soit-elle, ne suffit pas à vaincre définitivement face à des hommes déterminés et méprisant la mort… quoi qu’en disent tous ceux qui sont payés pour ne rien voir ni ne rien comprendre et qui, la bouche en fleur, voient sempiternellement midi à minuit ! Encore qu’il commence à être difficile de regarder ailleurs lorsque les Taliban attaquent aujourd’hui le Quartier général de l’Otan dans la capitale afghane ?
Ainsi le projet qui consistait à s’emparer de deux pays (voire de beaucoup plus) dans la foulée des attentats - outils de légitimation d’une série de guerres de conquête - se révéla rapidement une très mauvaise idée. Au lieu de faire sortir les É-U de la récession - niée par les économiste mais avouée par GW Bush le 29 janvier 2002 trahissant ainsi, au détour d’une phrase de préambule, la nature cachée de la guerre qui est également l’une des causes du 11/9 - la « guerre au terrorisme » les y a fait plonger davantage. Notamment en plombant l’économie américaine avec des dépenses démentielles (4). Sans même parler du coût humain, morts, blessés, invalides, les guerres de conquêtes de la dernière décennie sont en grande partie responsables de la faiblesse du $ et ces dernières années de la cherté de l’€uro. La crise qui touche à présent l’Europe est à ce titre directement tributaire des guerres anglo-américaines. Pas seulement par l’engagement de forces européennes sur les différents théâtres d’opération (Afghanistan, Libye et bientôt la Syrie ?), mais parce que l’Union européenne, par le truchement de l’€ et en particulier de l’€uro fort, a soutenu l’effort de guerre des É-U en subventionnant ses exportations au détriment des siennes propres.
L’Amérique qui croyait s’enrichir par des guerres de prédation – l’une des formes les plus primitives de l’économie : le brigandage – s’est en réalité ruinée. Elle a en outre irrémédiablement perdu, sauf dans les médias occidentaux, toute son aura. Un prestige en vérité passablement usurpé. Elle a usé du mot « Liberté » une fois de trop. Maintenant bien peu croient encore au désintéressement et à l’idéalisme de l’Amérique en guerre. Son prétendu désintéressement, ses nobles motivations apparaissent nus et cadavériques : ils ont l’odeur de la charogne, celle du pétrole et pire encore celle de la servitude des élites américaines à l’égard des Likoudiniki de Washington et leurs clones néoconservateurs. Car ce sont eux, grands idéologues et intellectuels qui, sous couvert de travaux universitaires biaisés, ont théorisé les guerres en cours dans le cadre général du Choc des Civilisations [The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order – Samuel Huntington Harvard 1996]. Autant d’argumentaires destinés à tracer les plans de bataille à venir qu’à légitimer - aux yeux du monde mais aussi à leurs propres yeux, bonne conscience oblige - des guerres réputées « justes ».
Guerres dans lesquelles l’élite yankee s’est précipitée tête baissée sans voir que derrière l’appât du butin pétrolier, minier, industriel et mercantile se trouvaient les intérêts fondamentaux – mais non vitaux – de l’État hébreu. Celui-ci n’a eu de cesse depuis sa création que de faire le vide autour de lui. À la fois pour accomplir le rêve délirant du « Grand Israël » - toile de fond de tout enseignement dans les Écoles de guerre israéliennes – mais également pour en principe assurer sa Sécurité ! Si l’on considère la liste de Wesley Clark l’on verra aisément que les pays désignés comme cibles correspondent exactement au premier cercle des zones d’intérêt stratégique d’Israël telles que définies par Ben Gourion en personne, fondateur et premier Premier ministre de l’Entité.
L’on comprendra finalement pour quelle raison l’Irak se trouvait en tête de gondole dans la minute qui suivit l’effondrement des Tours, surtout lorsqu’on se remémorera que le Raïs irakien, S. Hussein, versait 25 000 $ aux familles des Shahid – martyrs – s’étant sacrifiés pour la Palestine. Une aide qui faisait beaucoup de mécontents en Irak où les revenus s’étaient effondrés à cause du blocus américain et d’une inflation impressionnante, un $ valant 1600 dinars au début des années 2000 là où il s’échangeait dix ans auparavant à un contre trois ! Une situation intolérable donc pour Tel-Aviv, pas tant d’ailleurs du point de vue d’un terrorisme qui le servait plutôt (parce que dérisoire et contre-productif pour la cause palestinienne), qu’en raison du soutien extérieur apporté à la résistance palestinienne. Il fallait que cela cesse afin d’isoler définitivement les Palestiniens pour mieux les faire passer sous les Fourches caudines des exigences territoriales, et autres, des différents gouvernements juifs indifféremment travaillistes ou conservateurs.
Aussi, lorsque Tel-Aviv, résolument muet pendant la guerre d’avril 2003, voulait nous faire croire qu’il n’était pas partie prenante dans le conflit (au contraire de fév. 1991 lorsque des missiles irakiens Scud s’abattaient sur son territoire sans d’ailleurs faire la moindre victime), c’est vraiment vouloir nous faire prendre des vessies pour des lanternes !
Arnaud de Borchegrave, proche de la Maison Blanche et membre éminent d’un think tank réputé, le Centre pour les études stratégiques et internationales – CSIS - déclarait en 2002 qu’une intervention en Irak ne serait « pas une erreur mais un crime ». Celui-ci avait tort et raison à la fois. Car le crime envers les nations afghane et irakienne, s’efface aujourd’hui derrière l’erreur qui s’est muée en un acte terriblement suicidaire, non seulement pour les États-Unis mais le monde occidental dans son ensemble. La France s’était autrefois commise pour le roi de Prusse, l’Amérique s’est autodétruite le 11 Septembre 2001 pour Tel-Aviv, accomplissant la « prophétie » (5) que Benjamin Franklin aurait énoncée en 1787 à Philadelphie, voyant dans le Communautarisme un danger mortel pour l’Amérique. La Chine, l’Asie, La Turquie, le Brésil, peuvent remercier les États-Unis et ses dirigeants qui, de Bush à Obama, par leur insigne stupidité, les ont si bien servis et si parfaitement hypothéqué l’avenir des peuples occidentaux.
Notes
1- « As we gather tonight, our nation is at war, our economy is in recession, and the civilized world faces unprecedented dangers. Yet the state of our Union has never been stronger ».
2- Échange relaté par Wesley Clark lui-même au cours d’une émission télévisée : En 2007 Clark pris position contre une éventuelle guerre contre l’Iran alors inscrite à l’ordre du jour dénonçant le jeu belligène des « lobbies de l’argent new-yorkais » ce qui le conduisit à devoir faire face à des accusations d’antisémitisme.
3- Le 18 février 2003, le premier ministre du Canada, Jean Chrétien, déclarait que le Canada ne participerait pas à une guerre contre l’Irak qui ne serait pas entérinée par les Nations unies.
4- 4.000 mds en juil. 2011 alors que les estimations du Bureau du budget du Congrès américain rendues publiques en oct. 2007 ne prévoyaient que 2 400 mds d’ici 2017. Doit s’y ajouter les pensions d’invalidité, les soins dus aux vétérans ce qui portera, même après retrait les débours à 5.000 mds de $ augmentant d’autant la pharamineuse dette publique actuelle dont les intérêts devraient représenter quelque 1.000 mds, et au-delà, pour l’actuelle décennie.
5- Classé parmi les faux antisémites au même titre que les Protocoles des sages de Sion, une abondante littérature tend à établir que les propos attribués à Franklin, père du paratonnerre, seraient totalement controuvés. Reste que cette « prophétie » pour aussi falsifiée soit-elle, n’en semble pas moins assez près de s’accomplir. http://fr.wikipedia.org/wiki/Prophé....
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