Le Mal français... Et son remède !
Je viens de lire un article1 d'un historien qui analyse les racines de ce mal typiquement français qui qui est le notre, et qui ne date pas d'hier. Quel est-il ? C'est le fait qu'on est parmi les plus productifs au monde par rapport au temps de travail effectué (ce qui est quand même une sacré performance qui prouve qu'on n'est pas fainéants), et qu'en même temps on suspecte la réussite, on vilipende les patrons, on méprise ceux qui ne pensent pas comme nous, et on met des bâtons dans les roues de ceux qui osent, qui innovent.
1Le Point N° 2120 du 2 mai 2013 intitulé « Liberté, égalité, affaire Cahuzac » p 58-59. Les parties entre « » sont extraites de l'article de Emmanuel de Waresquiel.
A quoi cela tient-il, à quand cela remonte-t-il ?
Cet historien, Emmanuel De Waresquiel1, en fait remonter l'origine à la Révolution Française : « au nom de la Liberté, la souveraineté est passée brusquement de la personne du roi à celle de la Nation. » Mais la question qui se posa fut donc « Quelle légitimité pouvait avoir cette tout nouvelle souveraineté de la nation, puis du peuple ? » Par le mouvement de la révolution, la légitimité fut basée sur la « dimension égalitaire et sociale ».
Ce qu'on ne vit pas, c'est que ce principe d'égalité qui est parfait en termes de droit (notamment électoral, de représentation parlementaire, etc.) dérape vite vers une dimension « morale » tout à fait aléatoire dans sa définition et dans sa prétention à vouloir régir la vie de tout le monde. On glissa, sans s'en rendre compte vers au automatisme de pensée du genre « Le riche ne saurait être patriote, puisqu'il est riche » sous-tendu par le raisonnement inconscient ou conscient : il n'est pas égal à moi puisqu'il est riche, moi qui suis pauvre et patriote, donc le riche ne peut être patriote ; le riche représente donc le mal absolu. Il devient le successeur et remplaçant du seigneur tant honni. Ce raisonnement spécieux est monté en certitude, validé par l'assentiment populaire avec des phrases-slogans tels que « Tout ce qui n'est pas avec nous est contre nous ». « Au cœur de cette orthodoxie jacobine, la ligne morale qui distingue le bien du mal est aussi celle qui sépare le pauvre du riche. ». Robespierre, les révolutionnaires placent « l'argent du côté de l' « égoïsme », du « mépris », de l' « insolence », de la « vanité », de l' « intrigue ».
Diagnostic
Ce fonctionnement mental a toujours cours. Au nom de la « sainte égalité » comme Joseph Fouché l'écrivit en 1793 « on rougit ici d'être riche, et l'on s'honore d'être pauvre ». De nos jours, sinon toujours, du moins souvent, le riche a mauvaise presse. Pourquoi ? Parce qu'on suspecte qu'il se soit enrichi sur le dos des travailleurs, ou en vendant des produits indispensables à un prix surévalué au lieu d'un juste prix (tout en se gardant bien de définir cette notion de juste prix qui n'est le plus souvent que la résultante de l'offre et de la demande).
Mais il faut reconnaître que certains « riches » nous tendent les verges pour se faire battre : on voit que des entreprises florissantes licencient pour donner des signes positifs aux actionnaires et leur reverser des % affolants alors que ces mêmes entreprise ne reversent pas les mêmes sommes aux ouvriers qui sont pourtant la cause efficiente et efficace de cette richesse. Et qu'on ne nous parle pas de la « participation gaulliste » dont on voit si peu les effets. On se retiendra de hurler quand on entend les parachutes dorés et rémunérations exorbitantes de banquiers ou traders alors qu'ils ont créé des déficits ou pertes considérables par leur impéritie. Il y a là quelque chose d'obscène qui « révolte » à juste titre l'esprit français et celui de notre révolution.
Quelle solution ?
La solution existe : elle consisterait à ce que les bénéfices soient répartis de façon raisonnable (et pourquoi pas « égalitaire ») entre les différents protagonistes : les patrons, les actionnaires mais aussi les ouvriers et employés ! Sans oublier un impôt raisonnable qui n'étranglerait pas l'entreprise et lui laisse (ce qui est déjà le cas) provisionner pour sa recherche-développement, et pour ses fonds propres, avant imposition. Car l'impôt c'est bien et c'est juste quand c'est proportionné et que ça ne décourage pas d'entreprendre, de créer de la richesse, de la prospérité, de l'innovation. Au contraire même l'impôt devrait être une source d'innovation, de stimulation de l'inventivité des entreprises.
Comment ?
Avec des formes juridiques simples. Lesquelles ?
La forme Coopérative : il y a les SCOOP qui permettent de créer ou reprendre des activités ou entreprises. Et là tout est clair, chacun est conscient des efforts à faire (et cela ne fait pas peur au français contrairement à l'opinion commune), chacun donne les coups de collier qu'il faut, participe financièrement et s'investit sur les deux plans affectif et économique. Et chacun reçoit les primes en conséquence, se partage le fruit des bénéfices (en gardant les réserves nécessaires pour investir, innover, etc.). Il peut même y avoir des actionnaires extérieurs qui ainsi aident à lancer la scoop et reçoivent rémunération.
Les SCIC (Société Coopérative d'Intérêt Collectif) permettent d'adosser la coopérative à une collectivité territoriale qui peut ainsi aider un groupe de coopérateurs et permet de maintenir ou créer des « entreprises » qui représentent des services ou des utilités publiques mais qui sont difficilement « rentables » au sens strict purement économiques du terme : par exemple de l'édition, des cafés-épicerie en milieu rural, etc., indispensables pour la vie locale.
Ces formes coopératives peuvent aussi être rentables ! Y compris quand les patrons avaient décrété que « c'était foutu », « pas rentable », « pas viable » comme par exemple avec les Ferries Sealink qui fonctionnent très bien. Et cette forme coopérative peut fonctionner aussi bien pour des petites comme pour des grandes entreprises, de l'artisan du bâtiment (5 ou 6 p, reportage à un JT) à l'entreprise internationale.
Il y a aussi des possibilités de mixer ces formes, elles ne sont pas forcément ennemies. Des entreprises peuvent « participer » financièrement, avoir des parts. Mais le principe est la redistribution équitable c'est-à-dire « égalitaire » des bénéfices. Le règlement intérieur a pour fonction de prévoir les modalités redistributrices selon les principes de cette égalité coopérative.
Conclusion
Le problème est la tendance à penser de façon absolue, le « c'est ou tout bien ou tout mal ». Les patrons ne sont pas forcément des vampires saignants leurs employés. Et les ouvriers ne sont pas forcément des gens niant la réalité économique ou racistes à l'égard des patrons ! La vérité est toujours...relative ! Complexe et à facettes surtout dans le domaine économique et social.
Avec cette forme juridique coopérative, on retrouve un fonctionnement moral, juste, équitable, économiquement viable, social (qui reverse les profits aux travailleurs), et responsable : au lieu de foncer comme des bêtes à cornes sur le premier chiffon rouge agité, sur l'ennemi désigné (au choix : la masse ouvrière, les patrons, ou l'état sangsue), on devient responsable, économe, intelligent et même...ingénieux. Car quand les gens de l'entreprise sont responsabilisés et considérés comme intelligents ils le deviennent ; car s'ils paraissaient ne pas l'être c'est parce qu'on ne leur laissait pas la possibilité de l'être sous le prétexte que seul le dirigeant pouvait savoir ! Il y a même eu un chef d'entreprise (du siècle dernier) qui avait fait inscrire dans son bureau « Ici commencer à penser c'est déjà désobéir ». Hé bien même cette entreprise a changé, et est devenue un modèle notamment en créant un département de formation en son sein pour développer la formation de tous ses ouvriers et employés.
Comme quoi il ne faut désespérer de rien. Même pas de l'intelligence. La coopérative en est une forme riche, efficace, responsable, à la disposition de tous.
Jacques Laffitte, Psychologue de la Vie Sociale et du Travail.
Auteur de « Mais...Comment peut-on être fanatique ? », « Caïn, l'énigme du premier criminel », « Les 3 Tours de Bab'El », « Jonas, le pardon mode d'emploi » (gestion des conflits), ainsi que des analyses de mythes grecs, tous parus aux Editions l'Arbre aux Signes. Site : arbreauxsignes.com Site perso de l'auteur : www.spiritualite-libre.com
1Auteur du livre « Talleyrand, le prince immobile » Ed° Fayard.
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