Le mensonge de la semaine : un salarié français sur quatre travaille pour l’exportation
Dernière couillonnade en date... Effrayé par l'intérêt croissant que porte l'opinion publique au thème ultra tabou du retour éventuel à un protectionnisme aussi limité et raisonné fût-il, les perroquets jacassants de l'Oligarchie ont trouvé l'argument qui tue.
Comme à l'accoutumée chaque fois qu'est énoncée une opinion qui met en cause la doxa libérale ou les intérêts de ses petits copains de l'Ordre Mendiant de l'avenue Bosquet, affectant la mine effarée et indignée d'une institutrice de maternelle à qui le petit Kevin (3 ans) vient de proposer une folle nuit d'amour, c'est Mme Parisot qui s'y colle :
« N'oubliez jamais,prévient-elle, qu'un salarié sur quatre en France dépend, vit grâce à l'exportation. Donc imaginer que tout d'un coup, comme ça, du protectionnisme, des fermetures de frontières feraient du bien, je crois que se serait une grande illusion. »
Diable ! Un salarié sur quatre... La cause semble entendue... Personnellement, avec une industrie en capilotade, les usines qui délocalisent l'une après l'autre et aucune production de matières premières, je ne soupçonnais pas que mon cher et vieux pays fut encore un tel champion des exportations. D'autant que sa balance commerciale est des plus déficitaire. Le dernier bilan pour 2011 : 70 milliards d'euros. Déficit en accroissement constant depuis dix ans : 51 milliards en 2010, 29 en 2006.
Il a plus que doublé depuis que nous avons un capitaine impavide et courageux pour diriger le bateau dans la tempête...
Dernier excédent : 2002... Depuis... C'est la dégringolade accélérée vers les abysses.
Je suis loin d'être idolâtre de Lionel Jospin ― Litote ! ― mais il convient de rendre à César ce qui appartient à Jules...
Intrigué je me mis à la recherche des chiffres officiels et me voilà contraint de me rendre à l'évidence. Exportations 2010 : 394 milliards ; PIB 2010 (dernier connu à ce jour) : 1932,8 milliards.
Ratio : 0,2039. C'est ce que l'OMC appelle le taux d'ouverture.
Bon... Un sur cinq, pas un sur quatre... Mais tout de même...
Alors ! Vous exclamerez-vous, vous voyez bien qu'il serait suicidaire de mettre des taxes aux importations, car les autres pays concurrents feront de même et... Bonjour la catastrophe !
Un pays qui réalise le quart de son PIB à l'export serait fou d'entraver si peu que se fut le sacro-saint libre échange, ce « doux commerce » qui apporte la paix, car
« Les nations commerçantes ont les mœurs douces. » (Montesquieu)
C'est cela oui ! Voir l'Histoire de l'Angleterre, par exemple ! Question mœurs douces, les indiens, les chinois, les égyptiens, les zoulous et tant d'autres, ont à ce sujet des opinions nettement plus mitigées...
Mais ce n'est pas notre sujet.
Curieux de savoir quel rang notre pays occupe dans ce peloton de tête des pays exportateurs, je découvris qu'avec notre 20 ou 25% nous faisions bien pâle figure face au champion du monde toutes catégories, le petit État de Singapour, qui, sur ses 647,6 km², un petit millième de la France, réussit l'inconcevable prodige d'être doté d'un taux d'ouverture de, tenez-vous bien : 206,4% !!!
En effet le montant 2009 des exportations de Singapour était de 375,9 milliards de dollars rapporté à un PIB de 182,2 milliards de dollars.
Autrement dit, cette vaillante petite Cité-État réussirait à exporter deux fois plus que ce qu'elle produit !
Et donc, en suivant le raisonnement shadok de Mme Parisot, il y aurait deux fois plus de travailleurs singapouriens qui bossent pour l'export que le nombre total des travailleurs dans tout le pays !
« Y'a quelque chose qui cloche là d'dans
J'y retourne immédiatement !
Alors, chers ami(e)s lecteurs(trices) avez-vous trouvé l'arnaque ?
Non ?
Attention... Plus que dix secondes...
Le vainqueur se verra remettre un exemplaire complet des comptes de la Nation dédicacé par Christine Lagarde.
Glamour non ?
Non ? Décidément... Personne...
Allez je ne vous fais pas languir plus longtemps... L'astuce est très simple. Comme dans la plupart des escroqueries la combine est le plus souvent grossière.
Dans le cas qui nous occupe, elle consiste simplement à comparer un chiffre d'affaires avec un bénéfice !
Pas con...
En effet, que mesure le PIB de la Nation, aussi contestable soit cet indicateur ? La somme des plus-value réalisées dans l'année. Le total des sommes encaissées moins celui de celles dépensées.
Le bénef, quoi !
Et le montant des exportations ? Ben... Simplement le chiffre d'affaires des produits français vendus à l'étranger...
Avec quelle marge ? C'est selon... Çà dépend... 3% ? 10% 35%...
En tous cas certainement pas 100% !
Comme un restaurateur qui, après avoir additionné tous les montants des œufs mayonnaise vendus aux repas de midi, comparerait ce résultat à son bénéfice annuel et en déduirait que faute de mayonnaise, il ne lui resterait qu'à fermer boutique.
D'après la base ESANE (Élaboration des Statistiques Annuelles d'Entreprises) le chiffre d'affaires total des entreprises marchandes françaises, hors agriculture et secteur financier, était de 3 594 milliards d'euros, pour une valeur ajoutée de 976 milliards d'euros. Soit un chiffre d'affaires 3,68 fois plus élevé que la valeur ajoutée. Laquelle représente donc en moyenne 27%, un gros quart...
Ce n'est donc pas 394milliards qu'il faut comparer au PIB mais le quart de cette somme !
Soit une centaine de milliards en gros... Ce qui, bien sûr n'est pas négligeable, mais sans aucune mesure avec le chiffre mirobolant que nous annonçait la Parisot, affectant l'effarement en ouvrant des yeux globuleux de Panda épouvanté.
Cent milliards sur 1900, même en supposant très arbitrairement que le nombre de travailleurs pour l'exportation soit strictement proportionnel à la plus value dégagée, ça ne représente plus qu'une personne sur 19, et pas une sur quatre !
Bien essayé Laurence ! Dans le rideau de fumée, la carabistouille, et le jeu de bonneteau tu n'es pas la plus mauvaise :
« Où k'est'y ? Où k'est'y ? C'est à moi de le cacher ! C'est à vous de le trouver ! »
Ben on a trouvé ! Ma petite Laurence ! Qu'est-ce qu'on gagne ?
Ah oui... J'oubliais... L'exemplaire dédicacé, pardi...
Mais, ami(e)s lecteurs(trices) soyez sûr que dans les semaines qui suivent, on va vous la matraquer cette calembredaine. En mantra ! En rosaire !
Comme les 35heures qui ruinent le pays, comme ces fainéants de français qui vivent au dessus de leurs moyens, comme les 26 000 euros de dettes dont chaque bébé français naissant hérite, le malheureux...
« Et les fabuleuses statistiques coulaient du télécran. »
Déjà, M. Christian Jacob, le président du groupe UMP à l'Assemblée Nationale, avec cette honnêteté intellectuelle de videur de boîte de nuit qui caractérise si élégamment les snippers du parti présidentiel, s'est immédiatement emparé de l'opportune trouvaille et nous enjoint avec ferveur de rejeter la perspective d'une
« France repliée sur elle-même,avec des fenêtres fermées, alors que 25% des français travaillent pour l'exportation. »
Et va-z-y donc ! C'est pas ton père !
En tous cas, ne comptez pas trop sur Yves Calvi, Jean Pierre Elkabach, Claire Chazal, Yves Thréard ou David Pujadas pour vous démonter l'arnaque... Comment serait-ce possible ?
Ils sont journalistes voyons !
Dans le domaine de l'information comme dans les autres, l'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes !
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