Le modèle français de protection sociale et l’affairisme bancaire
A l’heure où l’on enjoint les salariés français d’être des citoyens modernes et d’acheter pour le financement de leurs retraites des actions de leurs entreprises, de constituer un capital retraite auprès des banques et compagnies d’assurance, au moment où le gouvernement réduit le financement de la retraite par répartition en ne payant plus les charges patronales dont il exonère les entreprises, le scandale de la Société Générale vient rappeler aux salariés que la capitalisation peut parfaitement les priver de subsides pour leurs vieux jours.
La Société Générale répète à satiété qu’elle a été victime d’un « trader fou » : c’est un peu court.
En effet, les manipulations en cause n’ont été possibles que parce que des erreurs grossières de management ont été faites et que les systèmes de sécurité de la banque se sont révélés au mieux inopérants.
Au pire, les responsables de ces systèmes connaissaient et ont validé ces manipulations qui avaient généré les années antérieures des profits substantiels.
Mais surtout ce tapage médiatique dissimule l’essentiel : la Société Générale a perdu 2 milliards supplémentaires dans la crise des subprimes et gageons qu’elle ne sera pas la seule à comptabiliser de telles pertes.
Quelle aubaine que ce « trader fou » pour le monde de la finance !
Faut-il rappeler que la retraite par répartition a été créée en 1936 notamment en raison de la crise de 1929 qui a vu la débandade du système financier américain entraînant la perte des capitaux accumulés par une génération de personnes en âge de prendre une retraite qu’elles pensaient financée.
Envolé le véritable scandale d’une spéculation sans limites.
Aujourd’hui comme hier, cette spéculiation a conduit les banquiers à risquer le surendettement de leurs débiteurs par le retournement du marché de l’immobilier puis à dissimuler ce risque, qu’ils n’ignoraient nullement, par un artifice dénommé « titrisation » ce qui fait qu’à ce jour, plus aucune banque ne connaît la valeur réelle des titres qu’elle détient.
Cela ne vous rappelle-t-il pas le projet tout récent de faire de chaque Français « un propriétaire » en proposant aux plus démunis des remboursements de prêts découplés : remboursement des frais de construction de la maison d’abord, puis remboursement de l’achat du terrain.
Que le fragile équilibre de ce montage vienne à subir un divorce ou une perte d’emploi avec la réduction des ressources afférentes et voici des milliers de maisons modestes qui ne trouveront plus preneurs et une crise, bien française celle-là, du financement immobilier et donc du système bancaire qui en est assez largement dépendant.
Ceux-là mêmes qui nous parlent de « gouvernance financière » demandent aujourd’hui aux banques centrales dont les capitaux sont après tout les nôtres de venir à leur rescousse tandis le journal télévisé montre des queues de déposant anglais récupérant leurs avoirs auprès de la Citibank.
Hier les contribuables français ont renfloué le Crédit Lyonnais, aujourd’hui ils renfloueront doublement ces banques décidément « ingouvernables » par les canaux étatiques et par le dépôt de leurs avoirs mensuels dans ces officines.
Que faire ?
Le placement direct sans le concours des banques n’a guère été plus efficace pour les petits épargnants.
Ils ont connu la ruine en plaçant leurs économies dans les bons du Trésor russe, dans le canal de Suez, dans celui de Panama, et pour le tunnel sous la Manche on a parlé de rien moins que de leur spoliation.
Aucun des salariés d’Enron n’a récupéré les fonds placés dans cette entreprise en actions et les salariés de la Société Générale, eux aussi actionnaires de leur entreprise, portent aujourd’hui plainte pour démêler le vrai du faux dans l’affaire du « trader fou » de l’éventuel délit d’initié qui pourrait la suivre et de la perte liée aux subprimes !
A quelques mois de la réouverture du dossier des retraites et même si la pillule est un peu amère à avaler - baby boom oblige - il faudra se souvenir que la SOLIDARITE a quand même assuré à des générations de retraités depuis 1936 des moyens de subsistance proportionnels à leurs salaires.
Il faudra rappeler, malgré le tintamarre médiatique, que notre modèle social français a été et peut rester l’un des plus STABLES à condition que nous n’acceptions pas que son financement soit sciemment mis en difficulté.
On sera particulièrement attentif de ce point de vue à l’usage qui sera fait par le gouvernement du fonds de garantie des retraites constitué pour faire face à la cessation d’activité des baby boomers et passer le cap de quelques années plus difficiles qu’une bonne nouvelle pour tous nous prépare : nous vivons désormais plus vieux et nos petits-enfants seront sans doute centenaires.
RINGARDE LA SOLIDARITE INTER-GENERATIONNELLE ?
Pas tant que cela ! et en tout cas moins que les promesses historiquement jamais tenues d’une meilleure « gouvernance financière », fût-elle simplement hexagonale à défaut d’être mondiale...
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