Le monde à l’envers
On est saisi d’une sorte d’incrédule stupeur devant le récital actuel de russophobie à propos de l’Ukraine. On savait nos politiciens et nos medias imprégnés d’une hostilité croissante envers Moscou, reflet d’une réapparition des comportements de guerre froide dans les rapports internationaux. Et comme l’on sait que, depuis l’adoption de la bible néolibérale, aucun dirigeant occidental n’éternue sans l’aval de Washington, personne n’était surpris de voir Poutine devenir le nouveau bouc émissaire des croisés de la “démocratie”.
Les vieux démons de l’ours slave et de la dictature des tsars ont refait surface. L’’occupant du Kremlin est du calibre de Staline, insatiable, sans scrupules et tout-puissant. Il n’est plus communiste, mais il est impérial, ce qui le rend encore plus dangereux. Le “détente” n’a finalement trompé personne. On a accepté le barbare quelque temps au salon, mais tout le monde civilisé le sait, ce n’était qu’une question de temps avant qu’il ne vole l’argenterie.
Certes, on voyait fleurir ce genre de clichés depuis la renaissance de la grande puissance slave. Mais il était impensable de les voir atteindre les sommets actuels. Il était difficile d’imaginer l’existence d’un monde totalement inversé, retourné sur lui-même, comme celui du miroir de Lewis Carroll. Pas le “pays des merveilles” d’Alice, mais un espace d’irrationnel, de démence, où le réel est transformé en son contraire dans une gigantesque et hallucinante falsification.
C’est pourtant ce qui nous arrive. Comment ne pas en être persuadé quand on entend le secrétaire d’Etat américain aux Affaires étrangères John Kerry avoir le cynisme d’affirmer : “Au 21e siècle vous ne vous comportez pas comme au19e en envahissant un pays sous un prétexte fabriqué”. Textuel. Vous ne rêvez pas. Ce sont les paroles du représentant d’un pays qui, avec ou sans ses complices européens, n’a cessé, au cours de son histoire (y compris la plus récente) d’agresser, d’envahir et de ravager des Etats souverains sous les prétextes les plus invraisemblables. Grenade, Panama, Yougoslavie, Irak, Afghanistan, Libye, Soudan, Syrie, etc. Quelques-uns d’une liste non exhaustive. Un représentant qui, au comble de l’imposture, décrit la défense par Poutine d’une Crimée qui appartenanit à la Russie jusqu’en 1954 comme “un acte effronté d’agression, une violation de la charte des Nations Unies.” Comme on disait il y a quelques années que la Serbie avait envahi le Kosovo, une province que les Serbes habitaient depuis des siècles.
C’est tellement énorme qu’on en reste sans voix. D’autant plus interloqué que les chiens de nos grands médias aboient dans le même contresens, emmenés par les deux pitres de notre politique étrangère, Hollande et Fabius, qui se voient sans rire investis de la mission de “punir” Poutine pour son effronterie. Pitoyables tartarins. C’est le grotesque qui coiffe la contre-vérité.
La cerise sur cet écœurant gâteau est déposée bien sûr par l’indéracinable Bernard-Henri Lévy. Avec lui, nous sommes dans le lyrisme de la haine aveugle. Discourant à Kiev, où il a couru se faire photographier pour ne pas rater un bon numéro de promotion personnelle, il a comparé Poutine défendant la Crimée aux nazis annexant les Sudètes et a déclaré que le nouveau tsar ne serait pas le bienvenu aux fêtes qui vont célébrer l’anniversaire du débarquement allié en France lors de la Seconde guerre mondiale. Soulignons qu’Il a balayé avec ce mépris les millions de morts de l’Armée rouge, soit plus de victimes que dans toutes les forces alliées réunies, et qu’il l’a fait en compagnie de ses nouveaux amis, les fascistes ukrainiens du Pravil Sektor et du parti Svoboda, héritiers du célèbre héros antisémite pronazi Stepan Bandera et de la légion SS de Galicie. Un tableau digne de l’asile d’aliénés. BHL crachant sur les vainqueurs d’Hitler aux côtés d’hitlériens. Le monde à l’envers n’a pas fini de nous étonner.
L’univers du mensonge a pris de nouvelles dimensions. On ne se contente plus de manipuler l’information, de déformer les comptes rendus, d’inventer des justificatifs de propagande. Ca, c’est l’art du maquillage. Désormais, on va plus loin. On ne grime plus, on bouleverse en profondeur. Ce n’est plus la réalité qu’on modifie. Ce sont les valeurs qu’on renverse. On fait donner des leçons de morale par les criminels eux-mêmes. Celui qui vous a crevé un œil est présenté comme votre ophtalmologue. C’est le règne d’Ubu, la tête en bas, un couteau sanglant à la main. Les assassins sont les sauveteurs, les cibles sont les assassins.
Louis DALMAS.
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