Le monsieur vous demande de vous indigner !
Quand Stéphane Hessel publia en 2010 son opusculet avec son titre au ton comminatoire ‘’Indignez vous’’ personne ne pouvait s’imaginer que ce pamphlet anémique de 32 pages mais très bon marché deviendrait un best seller mondial et le cri de ralliement des indignables de tous poils.
Bien sûr, en quelques dizaines de pages, il ne pouvait prétendre à l’exhaustivité ‘’indignationnelle’’, écologie oblige, il avait opéré un tri sélectif et suggéré à l’intention de ses jeunes lecteurs quelques pistes en guise de devoirs de vacances comme le traitement réservé aux immigrés, aux roms, aux sans papiers, la défense de la cause palestinienne, la consommation de masse et les marchés financiers.
Il concédait aussi que « les raisons de s'indigner dans le monde complexe d'aujourd'hui peuvent paraître moins nettes qu'au temps du nazisme ». Mais « cherchez et vous trouverez » et n’eut été sa courtoisie d’ancien diplomate il aurait probablement ajouté bande de feignasses.
Il y eut des élèves très studieux qui s’empressèrent de répondre à l’injonction comme en Espagne les indignados de la puerta del sol dont le mouvement finira par s’essouffler, aux Etats-Unis Occupy Wall Street et en France Nuit Debout qui en pronant une organisation la plus horizontale possible terminera finalement la nuit couchée malgré une surexposition médiatique inversement proportionnelle au nombre de ses participants.
Pour autant, malgré les échecs de ces mouvements, la culture de l’indignation n’est pas en berne, elle est de plus en plus prégnante et même accélérée et amplifiée par les réseaux sociaux et au ‘’vivre ensemble’’, cette antienne psalmodiée jadis par ses fidèles se substitue un ‘’vivre entre soi’’ beaucoup plus rassurant et gratifiant pour les nouveaux convertis.
Ainsi, régulièrement les médias nous livrent de nouveaux lots d’outragés, d’offensés, de scandalisés, d’indignés communautaires choqués par une caricature, un discours, une chronique, des propos tenus ici et là, des blagues plus ou moins drôles, qui menacent, appellent au boycott, exigent des excuses, parfois le licenciement de l’offenseur.
L’importation des nouvelles lubies en provenance des Etats-Unis comme la cancel culture qui se déploie rapidement dans l’hexagone n’est pas étrangère à ce déferlement de bannissements.
Comme les occasions de sourire ne sont pas pléthore dans cette triste période nous avons retenu la saillie début janvier du célèbre trompettiste libanais Ibrahim Maalouf qui nous à joué cette brillante improvisation sur le thème de la diversité « Sublime orchestre de Vienne qui chaque année excelle autant musicalement qu’il se fait tristement remarquer par son manque de diversité ethnique. Si Vienne est à l’extrême, les orchestres français sont loin du compte aussi… ».
Nous en profitons pour lui signaler qu’à notre connaissance le Super Rail Band de Bamako s’obstine à jouer sa musique mandingue exclusivement avec des musiciens noirs même si durant une très courte période le chanteur albinos Salif Keita a fréquenté le groupe. Nul doute que s’il passe à Bamako cette monochromie choquera le Benetton qui sommeille en lui.
Saluons la vigilance également du tabloïd numérique Konbini troublé de constater que Soul le dernier film d’animation de Pixar dont le héros un noir américain nommé Joe Gardner est doublé dans de nombreux pays européens par des acteurs blancs. L’honneur est sauf pour la France puisque c’est Omar Sy qui lui prête sa voix.
On vous laisse imaginer l'indignation des jeunes téléspectateurs de la série Lassie dans les années 2000 s’ils apprenaient que les aboiements de cette sympathique Colley avaient été doublés dans la version française par un vindicatif Pit Bull Terrier.
Et puis comment pourrions-nous ne pas compatir avec les lecteurs du Monde, ce temple de la bienpensance et du politiquement correct, découvrant avec horreur la publication du dessin de Xavier Gorce présentant deux manchots dont l’un demande à l’autre « Si j’ai été abusée par le demi-frère adoptif de la compagne de mon père transgenre devenu ma mère, est-ce un inceste ? »
Les réactions outragées ne se sont pas fait attendre sur les réseaux sociaux, celle de la direction non plus faisant acte de contrition puis rappelant son combat permanent « pour une meilleure prise en compte, par la société et par la justice, des actes d’inceste » et la « stricte égalité du traitement entre toutes les personnes ».
Que son lectorat soit rassuré, après ce moment d’égarement, Le Monde roulera à nouveau sur les rails de la pensée unique et du progressisme éclairé.
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