Le moralisme désenchanté de Bernard Kouchner
La tourmente bat son plein. Pierre Péan ne se résigne pas, au contraire. Le livre de ce dernier, paru il y a peu, remet en cause les activités du Ministre des affaires étrangères. Lui se défend, dément, ou encore hausse le ton comme au Journal de France 2 de David Pujadas. Ses engagements humanitaires l’ont créé, façonné, idéalisé. Voilà qu’on l’ébranle. C’est tout un symbole auquel on s’attaque, mais ce n’est pas la première fois.
"Qui fait l’ange fait la bête" disait Pascal. Construire sa carrière sur la morale est dangereux, et même totalement inutile. Les goûts mondains du "French Doctor" l’ont déjà rattrapé par avant : « deux tiers mondain, un tiers-mondiste » aimait-on dire.
Cependant, Kouchner est bien plus qu’un paradoxe, c’est l’emblème d’un cheminement idéologique de toute une génération. Là où en 1960 l’internationalisme communiste brillait à ses yeux, l’internationalisme sous drapeau américain l’a repris, en passant par le droit-de-l’hommisme. Contradiction.
La défense des opprimés est son combat de toute une vie et le peuple le suit toujours. Pour combien de temps encore ? Ses errements commencent à donner un autre visage que le dessein évangéliste qu’on voudrait en faire. Il a eu tort. Le droit à l’intervention droit-de-l’hommiste est devenu une sorte de néo-colonialisme sous couvert de la morale. On colonisait au 19ème siècle au nom de la civilisation comme on prend un pouvoir occidental afin de s’en servir pour "faire le bien". L’arche de Zoé fut un bel exemple.
Les droits de l’homme sont synonymes de cynisme politique (ou realpolitik) quand ils sont servis par une puissance militaire et économique - et de surcroit ne rentrent pas en ligne de compte lors des rapports entre états. Les cohortes contre la Chine lors des jeux olympiques en fut un vibrant témoignage.
Kouchner a déclaré en décembre que le ministère des Droits de l’homme de Rama Yade était inutile. "Il y a contradiction permanente entre les droits de l’Homme et la politique étrangère d’un Etat, même en France"avait-il dit. Il semble avoir compris. Il semble aussi renier le combat de toute une vie. Mais l’affrontement risque encore d’alimenter les conversations pour quelques temps. Jusqu’au triomphe de la vérité ?
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