Le mouvement libertarien, un nouveau point de vue
On voit de plus en plus de personnes qui se réclament du mouvement libertarien dans la presse (le dernier est Snowden qui a divulgué les écoutes à l'échelle mondiale de la NSA). Cependant peu de personnes comprennent réellement ce mouvement. Sont ils anarchistes ? A gauche, à droite, capitalistes ? Les imagines d'épinal commencent à fleurir.
Je vais tenter de vous expliquer quelques axiomes de base de ce mouvement auquel j'appartiens. Vous comprendrez donc que je ne suis pas objectif même si je vais m'éfforcer de l'être. C'est en fait une tournure d'esprit que l'on a un peu perdu en Europe. Une fois qu'on la comprise, le reste vient naturellement.
Ce texte de vulgarisation n'est pas à destination des libertariens convaincus, ils m'en voudront certainement de leur rappeler des évidences.
Le libertarianisme est une prolongation du libéralisme classique. Il tente, un peu comme une renaissance, de se replonger dans le libéralisme révolutionnaire du 18ième et du 19ième qui a secoué le monde occidental et détruit ce que l'on nomme désormais : l'ancien régime.
Le libertarianisme se base sur la notion des droits naturels. Un ensemble de droits intangibles, non négociables, liés à votre condition humaine. Vous avez le droit de vous déplacer librement, vous avez le droit de parler librement, vous avez le droit de penser ce que vous désirez, on l'a vu dans un autre article vous avez aussi le droit de subvenir à vos besoins, etc.. Cet ensemble de droits, dépendant de votre nature humaine, précède toute législation. Ils ont inspiré la charte des droit de l'homme et du citoyen en France ou bien la constitution américaine, ils sont à la base de documents fondamentaux de notre civilisation occidentale et du monde dit "moderne". Pour le libéralisme classique ou les libertariens, l'Etat ne vous donne donc pas des droits (on dirait alors des privilèges)...Il a tout au plus la mission de les protéger.
Le dogme est : nul n'a le droit d'initer la violence.
Ce rappelle, qui semble à première vue anecdotique, va être une véritable révolution dans les relations au sein de cette société.
Deux exemples : La justice et l'aide sociale.
La justice
Cette justice va se concentrer sur une chose bien précise : le crime. Les libertariens séparent deux choses distinctes à leur yeux : Le vice et le crime.
Le vice est un acte qui contient en lui même sa peine. Si vous prenez de l'héroine, la dépendance que cela entraine, la déterioriation physique qui en résulte est la peine. Le vice ne peut être qu'un acte que vous vous faites à vous-même ou en réunion avec d'autres personnes adultes et responsables.
Si une personne irresponsable y est liée par votre faute (enfant, handicapé mental, etc.), cela devient un crime.
Le crime est lui une agression, une escroquerie. C'est une transaction "non voulue" que la violence ou le mensonge a permis.
En pratique par exemple, les mouvements libertariens militent pour une légalisation des drogues. Le constat est que criminaliser leur consommation et commerce n'a pas freiner d'un iota leur consommation au contraire. Cela a tout simplement permis aux criminels d'avoir la main mise sur un commerce extrêment juteux. Un commerce légal favorise aussi une meilleure qualité de produit. Les personnes dépendantes de ces drogues pourront être traitées pour ce qu'elles sont : des malades (hopitaux) et non plus comme criminels (prisons).
L'abandon de la guerre contre les drogues, permettrait au force de police de se concentrer sur les "vrais" crimes.
L'aide sociale
Pour un libertarien, l'Etat est la plus mauvaise organisation possible au sein de la société pour organiser l'aide sociale.
L'Etat est l'héritier des tyrannies qui ont ravagées toute l'histoire humaine. Les Etats ont atteint le pouvoir par la violence, l'invasion, les crime. L'état est un reliquat des mondes barbares pour le libertarien. Il admet avec un peu de dégout que cette violence est parfois néccessaire (du moins les minarchistes). Elle a du sens quand il s'agit d'arrêter un voleur ou un assassin. Par contre, on va le voir, cette même violence perd tout sens quand ce même état défonce les portes de contribuables au nom de la solidarité.
Nous sommes des êtres humains. Nous sommes, du fait de votre nature, des êtres sociaux. Cela implique que nous éprouvons naturellement du plaisir à aider nos prochains, nous percevons naturellement leur souffrance grâce à l'empathie, etc. Rappelez-vous que l'on a retrouvé au paléolithique des squelettes de jeunes adultes ayant des déformations congénitales osseuses qui théoriquement leur auraient retirés toute autonomie et donc toute chance de survie. Pourtant ils sont devenus adultes, donc même à l'aube de l'humanité, les membres de la communauté aidaient les plus faibles. C'est un acte "naturel" pour un être humain.
La solidarité, que ce soit à l'age de pierre ou de nos jours implique une notion de consentement. "Je consens" à t'aider. Et c'est d'ailleurs ce qui fait toute la beauté du geste.
L'Etat se fiche du consentement. L'état utilise la violence (ou la menace e violence) pour arriver à ses fins. Car si vous ne payez pas vos taxes, vous serez mis à l'amende et si vous ne les payez toujours pas, un huissier, un serrurier accompagné d'un policier défonceront votre porte et procéderont à la mise en vente publique de vos biens.
L'état donc ne pratique pas la solidarité puisqu'il n'y a pas de consentement, il fait de la redistribution. Il prend à l'un et le donne à l'autre. Et cette transaction n'est pas forcément à l'avantage de l'un ou de l'autre. Est-ce que cela diminue la pauvreté ? Non la pauvreté est en augmentation constante depuis que ces politiques sociales massives d'état ont été mises en place (début 70).
A qui cela profite ?
Aux personnes qui composent l'Etat.
Le libertarien n'idéalise pas l'Etat. Il n'en fait pas un "deus ex machina" hors de la société, un grand architecte qui administre une société ayant une tendance naturelle à sombrer dans le chaos. L'Etat n'est qu'une organisation humaine comme tant d'autres au sein de cette société. Elle est nécessaire, voire vitale, mais il existe plein d'autres organisations humaines tout aussi vitales. Sa particularité est d'avoir le monopole de la violence.
Une organisation humaine n'a pas de réalité propre. L'état n'existe qu'au travers des individus qui le composent. Chaque être humain dans la société va tout faire pour améliorer sa condition, péréniser/sécuriser sa situation. Un groupe démultiplie ce phénomène. L'état a donc une tendance naturelle à chercher à améliorer la situation des êtres humains qui le composent.
Pour le pouvoir politique qui préside l'état. L'aide sociale va être l'occasion de se créer des "obligés", des clients au sens romain du terme. On ne mord pas la main qui vous nourrit. Les gens ainsi aidés vont tout faire pour protéger la source de leur maigre revenu. Cependant l'émancipation de ces pauvres est un risque de perdre de la clientèle. Consciemment mais le plus souvent inconsciemment, les politiques vont créer des barrières légales et règlementaires qui vont maintenir solidement le pauvre dans cet état de dépendance (voir droit au travail bafoué).
La solidarité la vraie doit être libre
Libre sous-entend que vous pouvez choisir comment vous désirez être solidaire et surtout avec qui. Par exemple, revenir au principe des caisses mutuels de Proudhon. Ces coopératives auxquels les travailleurs souscrivent et par lesquels la solidarité s'organise. Si cette caisse pratique une politique/gestion qui vous déplait. Vous aurez le loisir d'opter pour une autre caisse...Voir un nouvel instrument de solidarité auquel personne n'a encore pensé. Car c'est cela aussi le mouvement libertarien, redonnez de la place, de la liberté pour inventer des nouvelles choses
La limite à l'idéologie
Le libertarianisme comme tout les ismes est une théorie, une conception. Et donc forcément c'est une simplification de la réalité. La théorie reste la création d'être singulièrement imparfait que sont les êtres humains et forcément il contiendra des imperfections.
Ces imperfections sont magnifiées une fois portées aux extrêmes. Friedman qui se déclara libertarien, l'a énnoncé de cette manière :
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Imaginons que vous vous balladiez sur un pont à minuit. Vous croisez un homme qui enjambe le garde fou pour se suicider. Que faites-vous ?
Un libertarien "extrême" vous dira que nul n'a le droit d'initer la violence, cet homme doit être libre de ses mouvements y compris pour se suicider. Pourtant, on le ressens tous intimement, cette réponse est la mauvaise. Notre conscience nous commande d'empêcher cet homme de se suicider. On sait qu'il prend la mauvaise décision, il est dans un moment de désespoir, ces capacités sont amoindries. Nous bondirions et nous prendrions son bras pour le ramener sur le pont. On "l'agressera" mais pour son bien.
Le mouvement libertarien qui est encore un mouvement assez jeune (il a commencé à se structurer dans les années 40/50 autour de personnalité comme Rothbard), doit encore prendre conscience de ses imperfections.
La transition
Passer du jour au lendemain à une société libertarienne ne se ferait pas sans dégat. Prenons par exemple l'éducation. Pour un libertarien l'éducation ne peut être organisé par l'Etat. Pourtant si demain vous fermiez l'éducation nationale ou si vous privatisiez ses établissements, le chaos qui en résulterait est évident pour tout le monde.
Il y a donc une transition, un chemin court, voire extrêmement court ou long, entre la situation actuelle et l'idéal libertarien. Certains libertariens parlent de chèque éducation par exemple. L'état financerait l'écolier, au lieu de financer les établissement scolaires directement. Les parents auraient ainsi le choix de dépenser ce chèque dans l'établissement de leurs choix. Donc par contre ne trouve pas que ce soit une bonne situation...Cela reste du socialisme.
On le voit, il est difficile de classer à gauche ou à droite le mouvement libertarien puisqu'il milite aussi bien pour les libertés sociales que pour les libertés économiques. Il y aussi des débats fondamentaux qui ont lieu autour de la notion de propriété privée. Ainsi certains "libertariens" arrivent à batir la nécessite de revenu universel, ce qui reste une hérésie pour une autre franche libertarienne. Parle de gauche ou droite n'a pas de sens dans les termes libertariens. les deux poles sont : liberté face au collectivisme.
Cette transition, cette volonté de peu à peu tendre vers cet idéal libertarien, un peu comme une limite en mathématique, s'en rapprocher sans jamais pouvoir l'atteindre, est ce qui rend cette aventure si passionnante et les débats si riches au sein de la communauté.
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