Le mystère de la grande pyramide, ou pas
La construction des pyramides, et plus particulièrement celle de Khéops, en 2500 avant J.-C., est un sujet qui a fait couler beaucoup d'encre, ainsi que beaucoup d'argent dans les caisses des éditeurs. L'assertion la plus courante qui justifie cet intérêt est la supposée immense difficulté technique à bâtir ces monuments colossaux. Ceci a donné lieu à une grande quantité de théories, de la plus raisonnable à la plus délirante.
C'est cette assertion que je réfute. Je ne vois strictement aucune difficulté technique dans l'édification des pyramides, compte tenu de la technologie de l'époque. N'ayant pas pu compulser toute la littérature sur le sujet, je ne prétend pas être le premier à évoquer la théorie qui va suivre, et j'en doute même très fortement, c'est "statistiquement" très improbable. Elle n'est cependant mentionnée nulle part dans les références classiques. À vrai dire, elle reprend -et complète- la théorie la plus ancienne, celle issue de l'Historien antique Hérodote, qui, en 500 avant J.-C., a rapporté le témoignage des Égyptiens de l'époque.
Hérodote nous rapporte ceci : la grande pyramide a été construite sur environ 20 ans, par une centaine de milliers d'hommes, à l'aide de "courts instruments de levage en bois". Le noyau intérieur, en gradins, a été construit d'abord, puis le parement extérieur lisse, aujourd'hui quasiment disparu, a été posé du haut vers le bas.
De nos jours, cette théorie est généralement rejetée, considérée comme obsolète. Les deux objections principales sont l'absence de preuves archéologiques, et l'incapacité de déplacer avec cette méthode les gigantesques blocs de 60 à 80 tonnes qu'on trouve au-dessus de la chambre du roi (10 sur l'illustration suivante), à une hauteur d'environ 50 mètres par rapport la base de la pyramide. Quelques autres détails sont également critiqués, mais ce dernier point semble rédhibitoire.
Je vous invite à visionner la vidéo suivante, qui fait effectivement l'impasse sur ces blocs massifs, quand bien même elle est très pertinente concernant le levage des blocs "standards", dont le poids est entre 300 kg et 2,5 tonnes.
Cette vidéo nous montre une version particulièrement ingénieuse des instruments de levage, je n'ai pas d'opinion particulière sur ceci, je note simplement que les anciens Égyptiens connaissaient le principe des instruments de levage à contre-poids, en témoigne les "chadoufs" servant, encore aujourd'hui, à puiser de l'eau, qui reposent sur ce principe physique.
D'autre part, le témoignage rapporté par Hérodote est rejeté sous prétexte qu'il s'est écoulé 2000 ans entre la construction et le recueille de ces propos. Hérodote aurait été "baratiné" par les guides touristiques locaux, qui auraient inventé une explication. Je considère que c'est ignorer, voir mépriser ce qu'est l'Egypte, l'âme particulière de ce pays fascinant. S'il y a une chose frappante lorsqu'on s'y intéresse, c'est son caractère immuable, éternel. En déambulant dans les rues du Caire, j'ai été frappé de retrouver ce qu'Hérodote décrivait du caractère des Égyptiens, leur rapport intime à la religion, leur nonchalance, leur vie "en symbiose" avec les animaux : encore aujourd'hui, les rues du Caire sont peuplées de chats et de chiens, on voit circuler des ânes tirant des carrioles, on trouve des moutons dans les arrière-cours et les ruelles... D'autre part, autre caractéristique du pays, tous les peuples qui l'ont conquis n'ont pas, comme ailleurs, importé leur culture, mais au contraire, ont adopté les mœurs locales, Grecques, Perses, Romains... Souvenons-nous également que Champollion a pu décoder les hiéroglyphes grâce à la permanence de la langue Copte à travers les millénaires. C'est ce caractère fondamental qui me fait penser qu'il est tout à fait plausible que la tradition orale concernant la construction des pyramides a pu se maintenir pendant 2000 ans sans altération majeure.
Ainsi, les théories "à la mode" reposent sur l'utilisation de rampes, c'est-à-dire de talus de remblais en pente douce sur lesquels les blocs étaient tiré à l'aide de cordages. L'utilisation des rampes est avéré par des traces archéologiques, cependant à des échelles modestes. On trouve plusieurs variations de la théorie des rampes. La théorie d'une rampe unique et rectiligne est généralement écartée, car son volume serait supérieur à celui de la pyramide elle-même. La rampe hélicoïdale extérieure est encore celle qui obtient le plus de "suffrages".
La rampe linéaire.
La rampe extérieure hélicoïdale.
L'architecte Jean-Pierre Houdin avait proposé en 2011 une théorie alternative de double rampe, une rampe linéaire pour les étages inférieurs de la pyramide, et une rampe hélicoïdale intérieures pour les étages supérieurs. Il a décrit un mécanisme ridiculement sophistiqué pour expliquer la manière de hisser des blocs massifs de plusieurs dizaines de tonnes du toit de la chambre du roi. Il a imaginé que la grande galerie servait de rail à un chariot de contrepoids, attaché à un système de cordage relié aux blocs massifs, qui permet, en faisant "glisser" ces derniers le long de la paroi de la pyramide, de les hisser avec un moindre effort musculaire.
La rampe hélicoïdale intérieure de Houdin.
Théorie de levage par contrepoid de Houdin.
J'avoue être stupéfait du soutien qu'il a trouvé à cette théorie de la part d'ingénieurs "d'élite" appartenant à des institutions aussi prestigieuses que Dassault systèmes ou le CEA. Ces théories, comme toutes les théories des rampes, me paraissent totalement délirantes. La théorie que je soutiens est infiniment plus simple et rationnelle, et détruit définitivement (?) l'assertion que je décrivais en introduction, qui veut qu'il y ai une quelconque difficulté techinqie dans l'édification de ces monuments. Avant de la développer, clarifions quelques points concernant la pyramide.
Celle-ci est constituée de rangés horizontales de blocs de poids et de hauteur variables. Les rangés du bas font au maximum 1,8 mètre de hauteur, pour des blocs de 2,5 tonnes. La hauteur des rangées diminue progressivement avec l'élévation, et donc leur poids, jusqu'à des blocs de 50 cm de haut pour 300 kg. Comme je le décrivais plus haut, le "problème" réside dans les blocs géants du toit de la chambre du roi, qui se trouvent environ au 50e rang, sur un total d'environ 200.
Ma théorie se base sur les axiomes suivants : pour mener à bien un tel chantier, les architectes ont rigoureusement planifié la construction, et ont systématiquement privilégié les méthodes les plus simples, la politique du moindre effort. D'autre part, je considère que le témoignage recueillit par Hérodote peut être considéré comme fiable. Il n'y a aucune difficulté technique exceptionnelle pour lever un bloc de 2,5 tonnes à une hauteur de 2 m en utilisant un système de grue en bois. Et concernant les blocs géants, il y a une technique très simple et économique qui permet de les déplacer jusqu'à la hauteur voulue.
En vertu du premier axiome, je peux affirmer ceci : le plan complet de la pyramide et de ses différents éléments a été établi avant le début des travaux, ce qui n'a rien d'extravagant. Et en vertu de ce principe, je propose l'explication suivante : les Égyptiens n'ont pas attendu d'atteindre le 50e rang pour hisser les blocs massifs, comme dans la fumeuse théorie de Houdin. Dit autrement, il est infiniment plus simple de faire monter ces blocs géants 50 fois d'un rang, plutôt qu'une seule fois de 50 rangs !
Ainsi, je propose que les blocs massifs ont été les premiers ramenés sur le site. Les blocs "légers" du premier étage ont été disposés en les traînant jusqu'à leur emplacement, puis une rampe de dimension très modeste a été construite pour hisser les blocs massifs sur cet étage, puisque la hauteur ne dépasse pas 1,8 m. Une fois le premier étage terminé, un système de grue a été installé à la distance la plus courte par rapport au lieu d'approvisionnement des blocs. Cette grue a hissé les blocs du deuxième étage en un point unique, et ceux-ci ont été déplacé sur la plateforme du premier niveau, en commençant par le point le plus opposé à la grue. À un certain degré de complétude du deuxième étage, avant son achèvement, la même modeste rampe ayant servi à hisser l'ensemble des blocs massifs au premier étage a été reconstruite pour hisser ces blocs au deuxième étage encore inachevé, puis l'étage a été complété. On a ensuite ajouté un système de grue au second étage pour édifier le troisième, et ainsi de suite, jusqu'à atteindre le sommet. Il s'agit donc tout simplement de stocker temporairement les blocs géants sur les étages, et de les monter sur l'étage suivant lorsque celui-ci s'étend à proximité. Ceci ne demande que quelques dizaines de m² de remblai.
Le premier étage est monté, les blocs massifs (en noir) sont déjà tous présents sur le chantier. Une petite rampe (en brun) est construite.
Les blocs massifs sont hissés sur le premier étage.
Avant que le deuxième étage ne soit terminé, la rampe est reconstruite.
Les blocs massifs sont hissés au deuxième étage.
Le deuxième étage est complété.
Le troisième étage est entamé, avant d'être terminé, on reconstruit la rampe, et on hisse les blocs massifs, etc, etc, etc.
Cette théorie réconcilie ainsi la théorie d'Hérodote, l'usage des "courts instruments de levage en bois", et l'usage des rampes, pour hisser les blocs massifs d'étage en étage. Elle présente le minimum d'effort possible pour acheminer les blocs géants jusqu'à leur lieu de pose. Les volumes de matière à déplacer sont minimes, le remblai servant à la construction des petites rampes peut être facilement réutilisé à chaque fois.
Encore une fois, j'ignore si cette théorie a déjà été émise. Quoi qu'il en soit, elle "démystifie" ce qu'on nous présente encore comme une énigme. Elle évite les sophistications extrêmes et les efforts inutiles.
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